Effets de serre
101 pages
Français

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Effets de serre , livre ebook

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Description

Les textes rassemblés dans ce recueil, des poèmes si l'on veut, illustrent un thème que rabâchent aujourd'hui les médias : celui des catastrophes naturelles et des mutations dont notre civilisation serait responsable. Les visions rapportées dans ces textes sont moins des rêves subis que des désirs conscients, vaguement inquiétants, provoqués par les réalités les plus immédiates ou par les images dont se couvre notre monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 148
EAN13 9782296930483
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Effets de serre
Michel Arouimi


Effets de serre




2010
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Du même auteur :

L’Apocalypse sur scène, Paris, L’Harmattan, 2002.

Magies de Levi : L’expérience picturale et littéraire de Carlo Levi, confrontée aux leçons de Rimbaud, Tolstoï, Melville et Xue Xiake, Fasano, Schena, 2006.

Les Apocalypses secrètes, Paris, L’Harmattan, 2007.

Vivre Rimbaud, Paris, Orizons, 2009.
Notice
L es textes rassemblés dans ce recueil sont inspirés par un thème que rabâchent aujourd’hui les médias : celui des catastrophes naturelles et des mutations dont notre civilisation serait responsable. Depuis 1969 et jusqu’à ce jour (en écrivant Dans le mille, Elisabeth Taylor) je suis revenu sur ce thème, très tôt affirmé dans ces petits écrits. Mais je ne faisais autrefois qu’y exprimer des inquiétudes personnelles, sans prétendre à une vision du monde à venir. On peut aujourd’hui prendre pour une objectivité quasi journalistique une imagerie qui ne révélait, à l’origine, que la subjectivité d’un très jeune homme. La multiplication des retouches apportées à ces textes au cours des années m’autorise à ne pas les dater, mais j’en ai toujours respecté le contenu. Leur présentation sous forme de vers, jusqu’aux plus récents, m’est apparue comme un obstacle à l’impact escompté de ce contenu. Quelques exemples de cette présentation en vers figurent dans le recueil présent.
Ce recueil ne suit pas un ordre strictement chronologique, même si ses différentes sections reflètent en partie mon évolution poétique. À l’image du monde en décomposition (Monde, section I), succède celle des Villes (section II). Une menace pathologique pèse sur l’humanité dans la section III : Supertanker. Dans la section suivante, cette menace prend les voies de la vie quotidienne : Tant de gens ont eu une mort atroce (IV). La métaphore de la noyade traduit ce constat : Le dieu des mers (V). Les progrès de la culture, dans la section VI : Studios, ne font qu’un avec cette dégradation. La dernière section concerne l’univers marchand, que nous occupons.

Pour définir l’esprit de ce recueil, il me suffira de présenter à ma manière un des poèmes les plus anciens – le seul qui n’ait pas été retouché : It works out (1970). Ce titre vaut par l’absurdité de la traduction mot à mot « Ça travaille dehors » (dernière phrase) qui est à l’origine des premiers mots du poème : « Ca travaille dedans ». Ce tête-bêche linguistique exprime la contradiction qui affecte notre monde, emporté dans un élan suicidaire. Une guerre des langues, une guerre des mondes, ou celle que le monde s’est déclaré à lui-même, se traduit dans le titre anglais qui peut d’ailleurs s’entendre, avec ses sonorités, comme l’expression du drame de l’unité rompue. Ce drame est réfléchi dans les images du poème, qui mettent en scène une autodestruction, vécue comme un élan affamé. L’absurdité de ce comportement s’illustre dans les renversements du sens qui impliquent le dedans et le dehors, l’intérieur et l’extérieur, la nature et la culture, la matière et l’esprit, le haut et le bas, et l’espace et le temps. En même temps ces renversements traduisent la raison philosophique de cette débâcle : la contradiction qui serait, si l’on suit certains philosophes contemporains, le fondement même de la culture. La mise en œuvre du verbe poétique peut d’ailleurs s’entendre comme un moyen d’extérioriser cette contradiction – d’où le titre du poème…
L’évocation du ciel répond symétriquement à celle de la terre. « Le ciel dégoutte sur le menton de Barbe Bleue ». Le personnage du conte apparaît comme un avatar du Père mythique, infligeant à sa descendance une contradiction violente dont lui-même, si l’on identifie ce personnage (bleu) au ciel, est la première victime. Les derniers mots du poème : « partout remue pareil. / On dit que c’est très ordinaire » expriment la confusion des différences, engendrée par le poids de cette contradiction dans nos consciences : dans notre vision du monde (partout pareil) et dans nos comportements mimétiques, court-circuités dans cette rumeur adoptée (« On dit »). Le symbolisme dualiste des « rivières », après les motifs du gouffre, des plis, illustre une tension que traduit le bâti du texte, tendu par les expressions « travaille dedans » et « travaille dehors »…

Ces remarques ne sont pas contemporaines de l’écriture. Mais en 1970, j’étais convaincu de la généralité du sense de ces « poèmes » où je m’efforçais d’éviter les rythmes apparents, les images convenues, en cherchant surtout à adopter un ton qui n’est pas plus celui du langage quotidien que celui de la poésie dite pure. L’unité discutable de ce recueil doit sans doute quelque chose à cet effort, toujours sensible dans un texte récent, comme Elisabeth Taylor (2008), si proche par son thème de It works out, et que je me permets de présenter en quelques lignes.
Les substituts modernes du sacré, condensés dans le nom de la star Elisabeth Taylor, perdent eux-mêmes leur aura. Si nostalgie il y a, c’est moins celle du mythe cinématographique, devenu un souvenir périmé, que celle des désirs autrefois aimantés par le nom d’Elisabeth T aylor. Du sacré à Hollywood, et du pouvoir de fascination du cinéma à celui du monde marchand, c’est la fatalité d’une irrémédiable dégradation. Pourtant ces trois univers sont unis par un lien : un appétit de sacrifice, qui prend des formes changeantes, de plus en plus vidées de transcendance : jusqu’à la mode de la destruction des denrées « périmées », même quand elles passent pour se bonifier avec le temps. (Les dattes, absentes du poème où s’inscrit le mot « dates », sont connotées par les deux emplois symétriques du verbe « sécher »…
L’instabilité du monde moderne est illustrée par les affiches publicitaires (substituées aux affiches de films), prisonnières de tourniquets qui violentent nos regards. Elles-mêmes victimes de leur tourniquet, les affiches sont le reflet de nos comportements cyclothymiques, et plus généralement de notre être au monde. Et cet être ne mérite plus ce nom, comme le suggère l’ellipse du verbe « être » dans la première phrase du poème : « Tout a l’air (d’être) en carton dans le monde ». Les sonorités de cette phrase peuvent évoquer celles des formules magiques exprimant la création du monde, dans les traditions dont l’aura du nom de Taylor est un substitut éventé. Le jeu sur l’espace et le temps (« aussitôt… partout ») illustre cette idée de la totalité. Mais les principes de la métaphysique ne subsistent qu’à l’état de traces, et leur grandeur s’abolit comme celle de la nuit, séchée « dans les égouts ».
La négation de l’Esprit se manifeste aujourd’hui par la volonté d’anéantir, sous l’éclairage qui s’y applique, toutes les formes du Mystère. Dépouillé de sa valeur, ce dernier n’est plus qu’un déchet, dans le « secret des bennes ». Et cet éclairage règne sur le quotidien, figuré par les maisons qui ne sont « jamais abandonnées, sauf de la nuit », elle -même vidée de sa magie. Le sens positif et salvateur de l’expression « jamais abandonnées » se défait dans cette évocation. On peut y entendre l’expression poétique de la contradiction sans nom qui tient les rênes de notre civilisation.
L’empire des faux-semblants, pas seulement dans le monde de l’art, est peut-être un effet dérivé de cette contradiction. Les premiers mots du poème : « Tout a l’air en carton »... expriment ce phénomène qui s’étend à tous les aspects du monde. Autre contradiction, le plaisir suspect de l’oxyde respiré, qui exprime la corruption dont nous sommes nourris, dont nous sommes faits. Le « luxe de l’oxyde », au-delà des « parkings », évoque la corruption du désir et les dangers dont il est le vecteur : comme le virus auquel Elisabeth Taylor a d’une certaine manière prêté son nom. Cette déesse du luxe est d’ailleurs, et depuis son ancienne gloire, une incarnation tr

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