L Afrique au futur conditionnel
284 pages
Français

L'Afrique au futur conditionnel , livre ebook

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284 pages
Français

Description

Au-delà de la brutalité de la colonisation, les Africains doivent être capables d'interroger leur histoire et leur civilisation afin de déceler les lignes de forces sous-jacentes et les capacités de redressement. Ce livre se veut une esquisse du nouveau dialogue entre Africains : il tient à engager les intellectuels africains, lancer un défi aux dirigeants politiques et inviter les masses populaires et la société civile à se joindre au dialogue pour redynamiser le discours politique.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 92
EAN13 9782296471221
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

L’Afrique au futur conditionnel
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56483-1 EAN : 9782296564831
MathurinC. Houngnikpo
L’Afrique au futur conditionnel
L’Harmattan
INTRODUCTION
La chute du Mur de Berlin et le lever du rideau de fer qui séparait l’Est de l’Ouest de l’Europe ont permis un dégel des relations internationales et redonné, du coup, une seconde lueur d’espoir aux pays en voie de développement dont la majorité se trouve sur le continent africain.Il y a toujours eu, à travers l’Afrique, et ce malgré la répression impitoyable de certains tenants du pouvoir, une lutte tenace de la société civile pour rendre les systèmes de gouvernement africains plus ouverts, imputables, justes et démocratiques.Après des décennies marquées par un fatalisme qui ne dit pas son nom, lesAfricains, à tort ou à raison, ont recommencé à croire en l’avènement d’une aube véritablement nouvelle.Leur nouvel espoir est, cette fois-ci, nourri par un certain nombre de faits encourageants : la décadence de certains régimes totalitaires, l’absence de réponses aux attentes du peuple par d’autres pouvoirs autoritaires, la lecture par les bailleurs de fonds d’unnouvel évangile selon la 1 Démocratiequi fait de ce système politique la conditionsine qua nonde l’aide au développement, et un nouveau dialogue sur le développement au Sud, les pays nantis ayant compris qu’il y va de leur intérêt de ne pas laisser les pays pauvres s’enfoncer davantage dans la misère et la maladie. Il faut ajouter à tout cela uneUnion Africaine (UA), qui, bon an mal an, et ceci sous la houlette de l’ancien Président de sa Commission, le Malien AlphaOumarKonaré, a donné l’impression de vouloir introduire les donnes d’un renouveau
1 VoirMathurinHTheoungnikpo, « Gospel according to St.Democracy », Australian Journal of Politics and History, vol. 49, no. 2 (June 2003), pp. 197-210.
économique, politique et social sur le continent.Selon certains, l’héritier de Nkrumah, continuateur du combat deCheikhAnta Diop s’est battu comme il a pu pour l’unité et le redressement 2 socio-économique du continent .Malgré les reproches que l’on pourrait lui adresser concernant la gestion des affaires dans son Mali natal ou même au niveau del’UA, toute entreprise humaine étant perfectible, on se doit de reconnaître au Professeur Konaré sa farouche détermination à faire bouger les choses sur le continent. La construction unitaire africaine est un travail de visionnaire mais aussi de fourmi : iln’y a pas de miracles en la matière.Ainsi, malgré le manque de moyens et sa faible marge de manœuvre,Konaré a largement contribué à crédibiliser l’institution d’Addis-Abeba. Son plus grand mérite est d’avoir prouvé que la symbolique del’UA préfigure non seulement l’aura future du continent mais aussi son poids sur l’échiquier 3 mondial . Malgré leurs imperfections et leur faible portée, ily a tout de même eu des actes que l’on peut relativement qualifier de révolutionnaires sur le continent.Jusqu’au dégel de laGuerre Froide à la fin des années 1980, les changements de gouvernements enAfrique ont eu tendance à ne se faire ni en douceur, ni pacifiquement.Les coups d’état, naguère mode courant de renouvellement des dirigeants politiques, étaient encouragés de l’intérieur et parfois téléguidés de l’extérieur, tandis que leur légitimité et leur légalité étaient rarement remises en question.Aujourd’hui, les auteurs de coups d’état sont le plus souvent traités en parias, vigoureusement condamnés et soumis à des sanctions, parce que l’Organisation del’Unité Africaine (OUA) d’abord, et l’UA ensuite, ont pris des mesures pour empêcher les changements anticonstitutionnels de
2 VoirJeune Afriquepour Konaré !, « Djandjo » Édition en ligne du 25 mai 2008. 3 Ibid.
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4 gouvernement en Afrique . Même si dans la pratique le réalisme politique oblige les institutions régionales et sous-régionales à fermer lesyeux sur beaucoup de choses, et même à faire du « deux poids deux mesures », il n’empêche que ce bannissement des coups d’état enAfrique demeure une première.D’autre part, le Nouveau Partenariat pour leDéveloppement de l’Afrique (NOPADA) ouNew Partnership for Africa’s Development(NEPAD enAnglais), se prévaut aussi d’être un nouvel outil dans les relations entre l’Afrique et ses partenaires internationaux même si ce nouvel instrument continue de faire du « sur place ».Le nouveau mécanisme d’évaluation par les pairs, la mise en place d’un conseil de paix et de sécurité, la prévision d’une force en attente, et d’autres actes posés par l’UA pourraient laisser penser que l’Afrique est finalement prête à s’envoler.On est porté à croire quel’UA aura la lourde tâche non seulement de mobiliser les ressources de l’Afrique pour assurer son développement, mais également de veiller à la bonne gouvernance et l’instauration de lapaix et de la stabilité sur le continent. D’ailleurs, Toppe estime qu’il va falloir replacerl’Union Africaine au centre du développement du continent africain, faire en sorte que cette organisation continentale soit en amont et en aval du processus de développement de l’Afrique avec, 5 bien entendu, le concours des Africainseux-mêmes . Après des décennies placées sous le signe de la mauvaise gestion, de la corruption et d’un leadership inefficace, l’Afrique semble s’être engagée sur une voie démocratique.Grâce à la résilience de la société civile, mais plus encore à la coopération des forces armées (on ne le souligne pas assez), les régimes autocratiques ont desserré leur emprise sur le pouvoir politique
4 Voir laDécision d’Alger sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement, adoptée en 1999, et laDéclaration deLomé sur le cadre pour une réaction face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, adoptée en 2000. 5 VoirGilbert Toppe,L’Union Africaine et le développement de l’Afrique, LHarmattan, Paris 2010.
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et économique. Contre leur gré, les dirigeants africains ont dû adopter des réformes politiques et économiques dans leurs pays respectifs.Malheureusement, les vrais changements sont encore à venir, car la démocratie africaine, quand elle existe, reste imparfaite et doit se confronter à des difficultés de taille de la part de l’establishment militaire. Et comme le résume si bien Konaté, la situation sur le continent africain laisse à désirer :
Trente ans de paix relative n’ont pu consolider l’unité nationale alors que [beaucoup de pays africains] ont fixé des limites drastiques aux soifs de libertés et à l’éthique de la bonne gouvernance. Et quand il a fallu, comme on le dit rapidement, ‘démocratiser’ dans un contexte de faillite des politiques publiques, de programmes d’ajustement structurel, de privatisations, de retraites anticipées, de licenciements massifs, les partis uniques n’ont concédé que le strict minimum.La démocratisation à pas forcés a conduit à des faux-semblants d’institutions et de pratiques qui ont vidé le système démocratique de sa vertu de légitimation.Dans le même temps, la prolifération pléthorique des partis politiques, courtiers en strapontins ministériels, et la saturation de l’espace public par les sociétés civiles de papier et en papier, ont désactivé et l’efficacité de la politique et celle du gouvernement. Dès lors, la montée en légitimité du Souverain, seul maître à 6 bord, dépend de ses propres capacités à se limiter .
En dépit de ses richesses énormes, l’Afrique continue de s’appauvrir, devient de plus en plus isolée, et présente des ironies et paradoxes de toutes natures.Unexemple épatant est celui de l’agriculture.Alors qu’elle est un continent essentiellement agricole, l’Afrique est incapable de se nourrir, forcée d’importer des denrées alimentaires.Chaque année, la faim chronique et la malnutrition tuent enAfrique des millions d’êtres humains dont la majorité se trouve parmi les enfants.Avant de les emporter,
6 Voir YacoubaKonaté, « Paix et développement : les voies et moyens pour plumer l’œuf »,Pambazuka Newsdu 15 mai 2008.
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cette « famine cachée » retarde le développement des enfants, réduit leur énergie et affaiblit leursystème immunitaire.Là ou sévit la faim, les taux de mortalité des nourrissons et des enfants de moins de cinq ans sont élevés et l’espérance de vie faible. LAfrique sub-saharienne continue à avoir le plus fort taux de sous-alimentation ainsi que la plus grande augmentation du nombre de personnes sous-alimentées. Plusieurs millions de personnes (enfants et femmes notamment) souffrent de carences en oligo-éléments, leurs régimes alimentaires manquant de vitamines et de minéraux (vitamineA, fer, iode, zinc et vitamine C) indispensables à la croissance et au développement de 7 l’homme . Selon TidianeKassé, la crise alimentaire de 2007-2008 traîne encore ses effets rémanents car l’Afrique en fut pratiquement l’épicentre.À Dakar, à Nouakchott, à Yaoundé et ailleurs, les manifestations furent parfois violentes.La faim poussait les populations dans les rues, mais plus qu’un déficit de disponibilité alimentaire sur les marchés, c’est la pauvreté qui faisait le lit de la colère, devant l’impossibilité d’accéder à des produits dont les prix flambaient sur le marché.Des années plus tard, la faim n’a pas encore déserté les contrées sub-sahariennes et le problème se 8 pose toujours dans les mêmes termes .D’ailleurs, il y a un phénomène qui, même s’il n’est pas nouveau, prend une allure inquiétante de par les motivations, les acquéreurs et le rythme d’acquisition : la location des terres africaines à des sociétés étrangères. SelonMarionUrban, depuis le temps de l’administration coloniale, les partenariatsÉtat-privéexistaient déjà.Les indépendances ont simplement modifié les intervenants nationaux.Les contrats peuvent revêtir de multiples formes avec soit l’importation de main d’œuvre, soit la participation de petits agriculteurs assistés par les sociétés qui
7 Disponible sur http://www.aidh.org/alimentation/4_insecure.htm. 8 Voir TidianeKassé, «Le futur de l’agriculture africaine entre tendances et contradictions »,Pambazuka Newsdu 20 avril 2010.
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leur fournissent semences, pesticides et équipement.Les cultures d’exportation sont bien entendu favorisées.Cette distinction provoquent des inégalités criantes entre agriculteurs et menacent 9 l’équilibre des productions alimentaires locales . Toutefois, les gouvernements africains ont multiplié les contrats de location de terres agricoles à des sociétés étrangères au cours de ces dernières années.Hold-up des terres agricoles pour certains, véritable opportunité de développement pour les autres, la location ou l’achat des terres arables divise experts, politiques et autres responsables associatifs. Pendant que les théoriciens polémiquent sur le bien-fondé de cette situation, l’inquiétude des populations africaines grandit comme l’a démontré une enquête réalisée parAlexandraRenard, MelissaBell et MouniaBen 10 Aïssa. PourDameJeanne Zoundjihékpon, militante à l’ONG internationaleGRAIN en Afrique francophone, l’accaparement des terres arables a de nombreuses conséquences néfastes sur les populations. « La terre est à la base de la vie sociale en Afrique. Si les paysans vendent leurs terres, ce sont toutes les valeurs traditionnelles qui se perdent, tout le tissu social qui se déchire. Mais pas seulement, la sécurité alimentaire est aussi menacée. Les petits paysans dépendront de ce que les nouveaux exploitants produiront et des prix qui leur seront imposés.Les denrées alimentaires seront d’autant plus chères si la production agricole est destinée à la fabrication de biocarburants. Enfin, les monocultures pratiquées sur des surfaces importantes mettent 11 directement en danger la biodiversité locale ».D’ailleurs, dans un rapport publié en septembre 2010 et intituléRising Global
9 VoirMarionUrban, «Terres africaines à louer »,RFI, édition en ligne du 09 avril 2010. 10 VoirAlexandraRenard, MelissaBell et MouniaBen Aïssa, « Compétition économique : vers les agro-guerres de demain ? »,Intelligence Économique, édition en ligne du 24 décembredisponible sur2009 ; http://farmlandgrab.org/9987. 11 VoirAlexandraRenard, MelissaBell et MouniaBen Aïssa, op. cit.
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