Pétrole et violences au Congo-Brazzaville
253 pages
Français

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Pétrole et violences au Congo-Brazzaville , livre ebook

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Description

Ce livre rompt le silence pour dénoncer un sous développement des droits résultant de la collusion entre les intérêts de puissances économiques et de dirigeants politiques. Au Congo, le pétrole a bâillonné la démocratie. La société Elf, devenue Total, avec l'entier appui complice des autorités françaises, a manoeuvré en coulisse pour s'assurer la mise en place d'un pouvoir congolais aussi bienveillant que compromis, et le retour d'une dictature depuis 1997. L'auteur détaille les tenants et les aboutissants de ce drame franco-congolais.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2006
Nombre de lectures 56
EAN13 9782296617810
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PREFACE Les droits de l’Homme sont universels et indivisibles. Telle est la belle théorie inscrite dans le marbre des conventions internatio nales et de la plupart des Constitutions nationales. La réalité est hélas toute autre. Pour les peuples de nombreux pays, les notions d’universalité et d’indivisibilité ne sont que des coquilles vides. Tel est le cas du CongoBrazzaville. Ni les droits civils et politi ques, ni les droits économiques, sociaux et culturels ne s’y trou vent respectés. Mais qui s’en soucie ? Ce « petit » pays d’Afrique noire francophone, intégré dans le pré carré de la « Françafrique », n’est pas suffisamment important à l’échelle internationale pour susciter une attention soutenue des nations, opinions publiques et presses étrangères. Ainsi, la loi de l’omerta prévalant, les viola tions de tous les droits peuvent continuer de s’y poursuivre en tou te impunité. L’un des premiers mérites du présent ouvrage est donc de rom pre le silence pour dénoncer un sous développement des droits ré sultant de la collusion entre les intérêts de puissances économiques et de dirigeants politiques. Le pétrole a bâillonné la démocratie. La société Elf, devenue Total, avec l’entier appui complice des autori tés françaises, a manœuvré en coulisse pour s’assurer la mise en place d’un pouvoir congolais aussi bienveillant que compromis. C’est ainsi que SassouNguesso a été ramené et maintenu au pou voir au prix de guerres civiles, d’une tribalisation de la société congolaise, de corruption et d’inégalités révoltantes, d’une absence de liberté réelle pour tout opposant au régime. Le peuple congolais ne tire pour sa part aucun bénéfice de l’immense richesse que constitue l’or noir qui alimente en revanche les superprofits de la société Total et les comptes en banque de quelques privilégiés du pouvoir. La responsabilité de la multinationale pétrolière dans une telle situation doit être particulièrement mise en exergue. Les con sommateurs d’essence et fuel des pays développés doivent savoir  5
qu’ils utilisent une matière première dont l’extraction relève d’une forme moderne de pillage. Tout ce système conduisant à la négation des droits sociaux économiques et même du droit à la vie des citoyens du Congo Brazzaville repose par ailleurs sur l’impunité la plus totale. Une illustration caricaturale en est donnée par l’affaire dite du Beach de Brazzaville. Il s’agit des disparitions à grande échelle de réfu giés qui ont été exécutés au mois de mai 1999 à leur retour au pays effectué sur la foi des garanties données par le président Sassou Nguesso luimême. En l’absence de suite donnée sur place, une plainte a été déposée en France et une information ouverte début 2002 au Tribunal de Grande Instance de Meaux. L’instruction a permis de démontrer la responsabilité écrasante de plusieurs hauts dignitaires du régime congolais, mais elle s’est heurtée à de nom breux obstacles tenant à l’ingérence constante du politique dans le judiciaire, et un arrêt de la chambre d’Instruction de la Cour d’Ap pel de Paris en date du 22 novembre 2004 a annulé l’ensemble de la procédure. Les autorités du CongoBrazzaville ont parallèlement de leur côté fini par organiser une mascarade de procès dont l’ob jectif était, d’une manière aussi paradoxale qu’inhabituelle, de fai re juger des accusés non pas pour les condamner, mais pour les ac quitter. Ce tour de prestidigitation a effectivement été réalisé à l’is sue d’audiences tenues en juillet et août 2005. Le Congo–Brazzaville est pour le plus grand malheur de sa po pulation un pays symbole des dérives et injustices résultant de pra tiques néocolonialistes dominées par l’argent roi. Au mépris de la démocratie, du progrès et de la paix, un groupe pétrolier puissant a imposé sa loi avec le bienveillant appui des dirigeants français qui, sans rien ignorer des turpitudes du régime congolais, entretiennent au plus haut niveau des relations privilégiées. Le président Chirac, s’il tient de manière louable des propos édifiants sur la nécessité de respecter les droits de l’Homme et les principes démocratiques, n’hésite pas aussitôt, sans crainte de la contradiction, à s’afficher en ami de SassouNguesso, lequel représente en quelque sorte la négation de ces mêmes valeurs. La France contribue ainsi à un pro cessus de détournement des richesses naturelles au détriment d’un peuple congolais maintenu dans la misère et la soumission. 6
Il serait impardonnable de continuer à fermer les yeux, ainsi qu’à demeurer passif devant les méfaits d’un système dont sont victimes les citoyens du CongoBrazzaville, et hélas de beaucoup d’autres pays. Le présent livre, qui dissèque les conséquences négatives des agissements néfastes d’Elf – Total comme du régime de SassouNguesso, doit inciter à une totale remise en cause de la nature des relations politiques avec certains Etats d’Afrique. Sur tout, alors que progresse contre vents et marrées la justice univer selle, il faut revendiquer la fin de l’impunité pour que tous les res ponsables tels qu’ils soient, nationaux ou étrangers, des crimes commis au CongoBrazzaville soient poursuivis et jugés : aussi bien en ce qui concerne les crimes de guerre et crimes contre l’hu manité, que les crimes et délits économiques. Un premier pas pour rait être accompli en ce sens avec la création d’une Commission d’enquête internationale chargée de rassembler les éléments indis pensables à la détermination de la vérité, préalablement à l’œuvre nécessaire de justice. Patrick Baudouin Avocat à la Cour Président d’Honneur de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH)
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Introduction Le pétrole est indiscutablement une ressource précieuse pour tout pays producteur. Cependant, en Afrique, en l’absence de transparence, son exploitation se révèle être un handicap majeur pour la paix, la démocratie, la bonne gouvernance et le développe ment économique. Dans les pays d’Afrique francophone, le pétrole est exploité principalement par la puissante compagnie française Elf Aquitaine, rebaptisée Total en 2003. Puissante, car son chiffre d’affaires, en 2002 par exemple, 67.262 milliards de FCFA, représente un mon tant 100 fois supérieur au budget du CongoBrazzaville arrêté à 675,3 milliards de FCFA pour la même année ; 80% environ de cette somme proviennent du pétrole, et constituent 94% des recet tes d’exportations (Sources : TotalFinaElf, FMI, BM, CIA World Factbook 2002, Mission économique de Brazzaville). Ainsi, forts de ce pouvoir, les cadres dirigeants d’Elf vont faire régner la loi du plus fort dans l’ensemble des pays pétroliers, ex colonies françaises. Ils placent à leur tête des hommes ditsforts, qui s’installent en sélectionnant des hommes politiques de leur choix, médiocres en général et astreints à la collaboration ; les au tres, les meilleurs, sont bien souvent bâillonnés, assassinés ou exi lés de force. Finalement, cette classe politique, que les Africains n’ont pas souhaité, va les opprimer : violence politique, violations des droits de l’Homme, détournements des recettes pétrolières, re cours au tribalisme pour s’assurer au moins du soutien ethnoré gional et trucage d’élections tant leur impopularité est manifeste. Au CongoBrazzaville, la convention d’établissement d’Elf est signée le 17 octobre 1968. Dès lors, les contradictions politiques banales ailleurs prennent ici une tournure de plus en plus sanglan te, s’intensifiant à la mesure de découvertes de nouveaux puits de pétrole. Le « coup d’Etat » devient un leitmotiv dans la vie politi que congolaise et le champ politique se militarise. En 1977, fait  9
sans précédent, le pays voit deux de ses chefs d’Etat (l’ex et celui en exercice) assassinés de sangfroid, et des civils innocents mas sacrés à grande échelle ; au passage, la peur et la méfiance ethni ques entre les Congolais sont surcultivées. Cette barbarie culmine au cours des années 1990. En effet, le discours de La Baule de Mitterrand aidant, les Con golais y voient le canal vers la liberté et la possibilité, enfin, de prendre en main leur destin : ils obtiennent de la dictature, de hau te lutte, l’organisation d’une Conférence nationale souveraine en 1991. Celleci réclame, entre autres, l’audit des compagnies pétro lières exploitantes, notamment Elf Congo filiale d’Elf Aquitaine, Agip filiale de l’Italien ENI et l’Américain Amoco… Seulement, en réclamant l’audit d’Elf Congo, écueil, la Confé rence nationale souveraine ignore visiblement que cette filiale est aussi impliquée dans le financement occulte d’hommes politiques français, dans l’enrichissement illicite des cadres d’Elf et au sala riat fictif de leurs proches. En clair, Elf Congo ne serait donc pas qu’une « petite filiale » d’Elf Aquitaine qui se bornerait à spolier le Congo et à corrompre Denis SassouNguesso, son président (19791992). Son caractère « offshore » vise à mettre à l’abri de la justice française les bénéficiaires français du système Elf. Partant, cet audit constitue, pour ceuxci, une terrible menace ; les cadres dirigeants d’Elf Aquitaine n’y sont donc pas favorables, ainsi que le président François Mitterrand : ni audit ni même privatisation d’Elf (Cf. Interview de Mitterrand,TF1, 14 juillet 1993). Pour faire obstacle à cet audit gênant pour les bénéficiaires du système Elf, une conspiration contre la démocratie congolaise est ourdie, dès la transition (19911992) sous André Milongo : l’audit est ainsi saboté et une tentative de coup d’Etat échoue en janvier 1992 (Cf. Chap.2). Elu démocratiquement en août 1992, le nouveau président, Pas cal Lissouba, ne revient pas sur l’audit saboté. Il opte pour l’amé lioration des revenus pétroliers futurs, grâce à une nouvelle politi que marquée entre autres par : un nouveau contrat dit de partage de production, l’octroi de permis par appel d’offres, des négociations pétrolières menées par les ministres concernés et non plus par le seul président comme auparavant, des contrats publiés au Journal officiel après délibération et adoption par le parlement et non plus 10
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