Hybridité discursive et culturelle
290 pages
Français

Hybridité discursive et culturelle , livre ebook

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290 pages
Français

Description

Le mot hybridité est peut-être devenu un peu trop passe-partout dans certaines disciplines. Cependant, le concept cherche à dire un certain rapport à l'autre, à la langue. D'autres mots le taquinent comme métissage, mixité, créolisation. Cet ouvrage, issu d'une rencontre en octobre 2009 à Turku, questionne notamment ses croisements éventuels avec le dialogisme, la polyphonie, la contamination sémantique, l'hétérogénéité du sujet. La pluralité des voix dans toute énonciation appelle-t-elle une hybridation discursive ?

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 34
EAN13 9782296473058
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

HYBRIDITÉ DISCURSIVEET CULTURELLE
Espaces DiscursifsCollection dirigée par Thierry Bulot La collectiondiscursifs Espaces compte de la participation des rend discours (identitaires, épilinguistiques, professionnels…) à l’élaboration/représentation d’espaces – qu’ils soient sociaux, géographiques, symboliques, territorialisés, communautaires,… – où les pratiques langagières peuvent être révélatrices de modifications sociales. Espace de discussion, lacollection est ouverte à la diversité des terrains, des approches et des méthodologies, et concerne – au-delà du seul espace francophone – autant les langues régionales que les vernaculaires urbains, les langues minorées que celles engagées dans un processus de reconnaissance ; elle vaut également pour les diverses variétés d’une même langue quand chacune d’elles donne lieu à un discours identitaire ; elle s’intéresse plus largement encore aux faits relevant de l’évaluation sociale de la diversité linguistique. Derniers ouvrages parus
Alexei PRIKHODKINE,Dynamique normative du français en usage en Suisse romande, 2011. Claude VARGAS, Louis-Jean CALVET, Médéric GASQUET-CYRUS, Daniel VERONIQUE, Robert VION (Dirs.),Langues et sociétés. Approches sociolinguistiques et didactiques, 2010 Logambal SOUPRAYEN-CAVERY,L’interlecte réunionnais. Approche sociolinguistique des pratiques et des représentations, 2010. Jeanne ROBINEAU,Discrimination(s), genre(s) et urbanité. La communauté gaie à Rennes, 2010. Zsuzsanna FAGYAL,Accents de banlieue. Aspects prosodiques du français populaire en contact avec les langues de l'immigration, 2010.
EIJA SUOMELA-SALMI&YVES GAMBIER(DIR.)HYBRIDITÉDISCURSIVEET CULTURELLEL’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2011 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56603-3 EAN : 9782296566033
INTRODUCTIONHYBRIDITE DISCURSIVE ET CULTURELLEYves Gambier, Université de Turku Le terme hybridité est peut-être devenu un peu trop passe-partout dans les études culturelles, traductologiques, littéraires, sociologiques. N’empêche, le concept cherche à dire un certain rapport à l’autre, à la langue, à l’identité – signalant une certaine tension entre racines et parcours, entre catégorisations et transitions. D’autres mots le taquinent comme métissage, mixage, mixité et créolisation, tous allant contre un certain purisme.
De ses origines biologiques, avec des connotations souvent péjoratives, à son application à des groupes culturels, de son rapport avec la parenté à ses retombées dans les domaines de l’action sociale, des politiques d’intégration, de la démographie, de sa remise en cause des notions d’appartenance à sa force explicative dans les domaines des cultures et des lettres, l’hybridité a traversé le temps, pour être réactivée, popularisée dans les années 1980-1990, par des chercheurs comme Stuart Hall, Homi Bhabha, Paul Gilroy.Comment est-elle perçue aujourd’hui dans le monde de la recherche ? Quels discours a-t-elle produit ou produit-elle encore, en particulier dans les sciences du langage ? N’est-elle qu’un mot banalisé dans le marketing de la mode, de la cuisine, de la musique, de l’art, du spectacle, etc.? Ou un concept transversal pour comprendre la dynamique de la globalisation culturelle ?
Dans l’emportement actuel pour le mélange de tout avec n’importe quoi, il y a un risque pour la réflexion parce que le mélange syncrétique (genre salade où les ingrédients restent distincts) ne se confond pas avec le mélange métissé (genre parfum qui est plus que l’addition des molécules de ses composants).
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Hybridite discursive et culturelle
L’hybridité est à la fois sans doute une hésitation, un croisement entre des genres, des formes, des tendances, des groupes… et la reconnaissance de la différenciation, du multiple, de la diversité des origines, des trajectoires, des croyances. Elle est aussi comme une résistance aux normes en vigueur, aux diktats d’une communauté ; elle peut être parfois, et de manière paradoxale, un signe d’exclusion, de repli, de renfermement.
En octobre 2009, à l’occasion du 60ème anniversaire de notre Département d’études françaises de l’Université de Turku (Finlande), nous avons abordé ces questions. Ce volume est une sélection des interventions. Au préalable, nous voudrions revenir sur le concept qui nous a réuni.
1. Mise en perspective
Entre le terme hybridité, enraciné dans une certaine génétique du 19ème s. et dénotant un mélange d’espèces végétales ou animales, puis de races et de styles, par opposition à des genres purs, et le même terme traversant aujourd’hui nombre de disciplines, il y a forcément un parcours fait d’influences et de malentendus. Sans prétendre retracer cette évolution, il nous semble d’emblée pertinent de tenter de la comprendre par rapport à des concepts comme ceux d’identité et d’altérité.
Identité dérive de idem pour dire le même (la mêmeté, l’identique/sameness, en anglais), impliquant à la fois la continuité, la permanence et l’unicité (logique) : x = x. Ainsi une pièce d’identité, une photo d’identité reflètent l’égalité (le même) entre le nom patronymique et le visage photographié – égalité quelles que soient les valeurs attribuées au nom ou à la représentation visuelle. Les exigences sécuritaires actuelles règlementent pourtant de plus en plus une telle photo : pas de lunette, pas de sourire, etc., comme s’il y avait problème en fait à reconnaître le rapport d’identité entre le nom et la photo, comme si l’un pouvait être un faux et l’autre un maquillage). Cet identique est distinct de la similarité qui n’est pas
Introduction
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nécessairement symétrique, réversible, transitive. Jean est Jean sur son passeport et ce n’est pas parce qu’il fume comme Martine qu’il est identique à elle : tous les deux peuvent avoir des traits similaires, ils ne sont pas pour autant de vrais jumeaux!
L’identité implique d’être identifiable, d’où l’idée de permanence dans le temps. La tension entre l’aspect diachronique (continuité) et l’aspect synchronique (individualité autonome) de la notion a été analysée, entre autres, par Ricoeur selon lequel dans une même individu il y a interaction entre identité stable (mêmeté) et identité dynamique (ipseité) (1990) et Ferret (1998). Reconnaître une identité ne va pas sans connaître, c’est-à-dire sans se fier à notre mémoire pour établir des repères, d’où par exemple les recherches généalogiques chez nombre d’individus, obsédés de filiations familiales. L’amnésie de fait, comme par exemple chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, peut détruire l’idée de ce qu’on est, jusqu’au souvenir de son nom et de son passé. Il en est de même au niveau collectif : une nation ne peut se constituer sans points communs, à travers son histoire. De l’interrogation de Renan en 1882 (Qu’est-ce qu’une nation ?) aux interrogations contemporaines sur l’identité nationale, l’effort consiste à trouver ces points communs, supposés rémanents, constants dans le temps et qui peuvent être événementiels ou imaginaires. D’où par exemple l’importance des lieux de mémoire (Nora, 1984-1992), de certains musées, monuments, rituels, cérémonies…ou l’importance d’une épopée fondatrice (comme le Kalevala pour la Finlande), d’un mythe rassembleur (comme Ossian de Macpherson pour l’Ecosse). Qu’on pense par exemple aux querelles de monuments, de bustes, de statues aujourd’hui en Russie et en Géorgie dont la mémoire est écartelée par la diversité des époques et des situations vécues.
La continutié entre le passé et le présent, pour se réassurer de son identité, explique le rôle joué par les commémorations ou certains festivals qui miment ou réinventent un passé, médiéval ou autre (cf. Hobsbawn & Ranger, 1983). Les crises
10Hybridite discursive et culturelle ou crispations nationales, à l’ère de la mondialisation, amènent, elles, à se plonger dans le passé à partir du présent. Dans les deux cas – du passé au présent ou du présent au passé – il s’agit d’affirmer une continuité pour définir une identité.
Que ce soit au niveau d’une personne, d’une collectivité ou d’une chose, l’identité dit l’impossibilité d’une substitution : en montrant mon passeport, je tente de prouver que je ne suis pas un autre ; en célébrant telle bataille, ou tout autre fait qui justifie son «indépendance», une société affirme qu’elle n’est pas une autre ; en exhibant sa plaque d’immatriculation, une voiture ne se confond pas avec les milliers d’autres du même modèle, de la même année, peut-être de la même couleur - similaires mais pas pareilles !
L’identité définit, défend en fait son unicité par réflexivité, auto-positionnement par rapport à l’autre. De l’ego de Descartes à la conscience de soi de J.P. Sartre, il y a, plus ou moins implicite, et distinction et contradiction : on ne peut s’identifier qu’en se séparant de ce qui n’est pas soi, en se confrontant à qui n’est pas soi. Manière de dire que l’identité est aussi négociation : entre soi et l’autre, entre soi perçu comme permanence et rencontres, expériences qui le changent, l’altèrent, entre le familier et l’étrange(r). Il en est encore une fois de même avec un groupe : une collectivité n’acquiert son identité (son autonomie) qu’en se donnant des traits distinctifs (malgré les similarités avec ses voisins) et une cohésion interne (malgré la diversité de ses membres). L’identité n’est plus vue comme une essence, un absolu, une catégorie fixe et figée, une permanence ahistorique mais plutôt comme un équilibre entre soi et les autres – équilibre non pas tant défini aujourd´hui par des frontières territoriales que par des réseaux de communication (Lévi-Strauss, 1958), équilibre certainement moins permanent à l’heure de la globalisation et des technologies de l’information et de la communication (TIC) que lorsque l’espace n’était pas soumis à l’immédiateté du numérique.
Désormais, les identités paraissent plus volatiles, plus fragiles – éloignées de plus en plus d’une conception liée à la
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