Les redondances prédicatives en français parlé
299 pages
Français

Les redondances prédicatives en français parlé , livre ebook

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Description

Français parlé, redondance, prédication, télévision : quels liens unissent ces termes qui semblent avoir bien peu de propriétés en commun ? En mettant en relation milieux sociaux, époques d'enregistrement et types de reformulation, cet ouvrage tente d'expliquer l'usage préférentiel de tel ou tel type de redondance par telle ou telle catégorie de locuteurs.

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Publié par
Date de parution 15 novembre 2017
Nombre de lectures 13
EAN13 9782140051883
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Philippe Depoux
Les redondances prédicatives en français parlé
LANGUE et PAROLE
Les redondances prédicatives en français parlé
Langue et Parole. Recherches en Sciences du langage Collection dirigée par Henri Boyer (Université de Montpellier 3) Conseil scientifique : C. Alén Garabato (Univ. de Montpellier 3, France), M. Billières (Univ. de Toulouse-Le Mirail, France), P. Charaudeau (Univ. de Paris 13, France), N. Dittmar (Univ. de Berlin, Allemagne), F. Fernández Rei (Univ. de Santiago de Compostela, Espagne), J.-L. Léonard (Univ. Paris-Sorbonne, France), A. Lodge (St Andrews University, Royaume Uni), I.-L. Machado(Univ. Federal de Minas Gerais, Brésil), M.-A. Paveau (Univ. de Paris 13, France), P. Sauzet (Univ. Toulouse-Jean Jaurès, France), G. Siouffi (Univ. de Montpellier 3, France).  La collectionLangue et Parole. Recherches en Sciences du langagese donne pour objectif la publication de travaux, individuels ou collectifs, réalisés au sein d'un champ qui n'a cessé d'évoluer et de s'affirmer au cours des dernières décennies, dans sa diversification (théorique et méthodologique), dans ses débats et polémiques également. Le titre retenu, qui associe deux concepts clés (et controversés) du Cours de Linguistique Générale de Ferdinand de Saussure, veut signifier que la collection diffusera des études concernant l'ensemble des domaines de la linguistique contemporaine : descriptions de telle ou telle langue, parlure ou variété dialectale, dans telle ou telle de ses/ leurs composantes; recherches en linguistique générale mais aussi en linguistique appliquée et en linguistique historique; approches des pratiques langagières selon les perspectives ouvertes par la pragmatique ou l'analyse conversationnelle, sans oublier les diverses tendances de l'analyse de discours. Elle est également ouverte aux travaux concernant la didactologie des langues-cultures.  La collectionLangue et Parolesouhaite ainsi contribuer à faire connaître les développements les plus actuels d'un champ disciplinaire qui cherche à éclairer l'activité de langage sous tous ses angles. Rappelons que par ailleurs la CollectionSociolinguistiquede L'Harmattan intéresse les recherches orientées spécifiquement vers les rapports entre langue/langage et société. Dernières parutions Michel BOURSE,Paroles paroles ! Pourquoi parlons-nous ? Essai, 2017. Olga STEPANOVA,L’argot aux multiples visages dans le théâtre et le cinéma contemporains, 2017. Stéphane GIRARD,Autopsie de l’hétérogène chez Christine Montalbetti, 2016. Henry HERNANDEZ-BAYTER, Carmen PINEIRA-TRESMONTANT et Denis VIGNERON,La transition espagnole, 40 ans après,Quels enjeux, quels acquis, quels enseignements ?,2016. Sihem HASNI,Anaphores, cohésion et mouvements textuels, 2016. Takuya NISHIMURA, La personne, sujet appelant. Esquisse d’une anthropologie pragmatique, 2014. Kyriakos FORAKIS,Structures complexes du français moderne, 2014. Tayeb BOUGUERRA,Pour une écodidactique du français langue étrangère et seconde, 2014. Jean-Adolphe RONDAL,Une théorie du fonctionnement et du développement morphosyntaxique, 2014. Virginia GARIN, Guillaume ROUX et Maude VADOT,Enjeux méthodologiques en sciences du langage. Orientations, matériaux, contraintes, 2013.Patrick CHARAUDEAU,La conquête du pouvoir. Opinion, persuasion, valeurs. Les discours d’une nouvelle donne politique, 2013.
Philippe DepouxLes redondances prédicatives en français parlé
Du même auteur Philippe Depoux, Isabelle Stabarin (eds),La variation intrapersonnelleen français parlé : approches et statuts, Paris, Cellule de Recherche en Linguistique (à paraître). © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-13301-0 EAN : 9782343133010
à Louis-Charles
INTRODUCTION Français parlé, redondance, prédication, télévision : quels liens unissent ces termes qui semblent avoir bien peu de propriétés en commun et que, nonobstant le caractère hétéroclite de cet ensemble, nous avons réunis dans 1 le titre de ce travail de recherche ?  Longtemps il a été d’usage, en préambule à toute recherche sur le français parlé, de souligner l’injuste désaffection dont il aurait souffert de la part des linguistes. « Est-il admissible que des langues de l’Afrique ou de l’Indonésie soient mieux connues et plus complètement décrites que ce français méconnu ? » se demandait ainsi R.-L. Wagner en 1980 (cité par Blanche-Benveniste, 1983 : 23). La non-prise en compte par les grammairiens et les spécialistes des langues d’un phénomène aussi banal que la production d’énoncés oraux par des locuteurs ordinaires dans des circonstances ordinaires est en effet une constante dans l’histoire des idées linguistiques.  Des raisons de deux ordres peuvent être avancées pour expliquer cette mise entre parenthèses. Des raisons d’ordre technique, tout d’abord, qui tiennent aux conditions matérielles dans lesquelles ont pu s’effectuer les recherches sur le langage : impossibilité d’enregistrer la voix humaine avant le XXe siècle, difficulté de se faire une idée de la fréquence des phénomènes étudiés quand on ne dispose pas d’un système efficace de traitement de grandes quantités de données. Des raisons culturelles également : mépris pour l’oral jugé informe et chaotique, incapable de rivaliser avec l’écrit seul digne d’intérêt.  L’ensemble de ces conditions explique l’habitude chez de nombreux linguistes, habitude régulièrement critiquée ces dernières décennies, de n’adopter comme objets d’analyse que des objets déjà formatés : exemples fabriqués pour les besoins de l’analyse ou empruntés à des textes préexistants (donc donnant de la langue une image exagérément homogène), de dimension limitée (pour des raisons qui ne tiennent pas seulement au degré de développement de l’outil informatique mais à la difficulté, surmontée maintenant depuis plusieurs décennies, à dépasser le cadre de la
1 Rappelons que le titre original de la thèse soutenue en novembre 2016 dont cet ouvrage reprend quasi-intégralement le texte était le suivant :Les redondances prédicatives en françaismarques syntaxiques et apports informationnels. Corpus d’entretiensparlé : télévisés (1967-2012).
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phrase) et coupés de tout contexte. Or, « trop souvent, les données créées retrouvent des découpages hérités de la norme, qui s’éloignent de la réalité telle qu’on peut l’observer. On perd alors tout espoir de décrire les faits attestés », alors que « … la prise en compte de données réelles apporte son lot de surprises, de faits totalement imprévisibles, qu’on n’aurait pas pu fournir en s’en tenant à la production sollicitée du linguiste » (Blasco / Cappeau, 1991 : 11-12). Sans doute convient-il d’adopter un jugement plus nuancé. Tous les linguistes ne se fixent pas les mêmes objectifs. De telles critiques ne discréditent pas nécessairement le travail des chercheurs qui continuent de travailler sur des exemples fabriqués et décontextualisés. Tout choix en la matière dépend de ce que l’on se donne comme objet d’étude et de la méthode qu’on adopte pour analyser l’objet en question.  Toujours est-il que la situation a évolué considérablement depuis trente ans. Et les temps sont révolus où un Henri Frei, pour capter la réalité de la langue quotidienne et élaborer son concept de « français avancé », devait s’appuyer sur des lettres de soldats de la guerre de 1914, c’est-à-dire exclusivement sur de l’écrit, de l’écrit peut-être teinté d’oralité, mais de l’écrit. Les chercheurs bénéficient en effet aujourd’hui de corpus qui ne demandent qu’à être exploités, même si la France est dans ce domaine quelque peu en retard, comparée aux pays anglophones.  Ainsi, alors que l’anglais dispose de vastes corpus tels que leBritish National Corpusle ou Corpus ofContemporary American English,le français ne dispose que d’instruments plus modestes, de petite taille, ce qui toutefois n’enlève rien à leur intérêt, qu’il s’agisse duCorpus de FrançaisParlé Parisiendu projet (CFPP), Phonologie du Français Contemporain(PFC), duTraitementdes Corpus Oraux Français (TCOF), duCorpus de LAngue Parlée en Interactiondes (CLAPI), Archives de la Parole... La constitution en cours duCorpus de Référence du Français Contemporain(CRFC) a pour objectif de pallier ce manque. De même, alors qu’existe une grammaire duspoken Englishet une liste des 500 phrases les plus fréquentes dans cette langue, le français manque de statistiques lexicales fiables, d’une grammaire des usages effectifs dans différents genres, d’une description lexico-statistique fiable des collocations les plus fréquentes. La capacité à exploiter de vastes ensembles est en effet essentielle si l’on veut se faire une idée exacte de ce qui, par exemple, relève plutôt de l’oral ou plutôt du scriptural et aller au-delà des intuitions plus ou moins justes qui viennent spontanément à l’esprit. La situation actuelle n’est donc plus tout à fait celle décrite par R.-L. Wagner.  Enfin — et le point est essentiel —, sur le plan de la recherche linguistique, les linguistes bénéficient aujourd’hui des travaux réalisés par leurs prédécesseurs, par exemple ceux duGroupe Aixois de Recherche enSyntaxeautour de la revue (GARS) Recherches sur le français parlé. L’étude du français parlé a donc aujourd’hui une histoire, des outils et des méthodes.
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 Qu’en est-il alors de la redondance ? De quoi est-il question et quels rapports est-elle susceptible d’entretenir avec le français parlé ? Partons tout d’abord du constat maintes fois formulé que, parmi les différents systèmes sémiotiques dont dispose l’homme, qu’ils soient verbaux, non verbaux ou mixtes, le langage articulé, c’est-à-dire la langue — l’objet d’étude de la linguistique — possède un statut particulier. Outre que lui seul apparaît comme apte à parler de son propre fonctionnement (ce qui peut compliquer la tâche des linguistes, puisque langue et métalangue sont faits de la même matière sémiotique) et de celui des autres systèmes, il possède une capacité inépuisable à rendre compte des aspects les plus diversifiés de l’expérience humaine. Cette capacité apparaît liée, précisément, à la complexité des rapports qu’entretiennent formes et significations. En effet, c’est parce qu’il n’y a pas seulement correspondance terme à terme entre les éléments de chaque niveau que pareille créativité est possible. Pensons à certains systèmes où cette correspondance est strictement respectée, aux codes de communication en usage pour la navigation, l’Armée, la circulation automobile, par exemple… Ces systèmes, souvent proposés aux apprentis-sémioticiens pour aiguiser leurs capacités d’analyse, ne véhiculent que des significations stéréotypées, nettement circonscrites (aller à droite, à gauche, avancer, rester immobile, etc.) et en nombre limité. Mais ces limitations ne nuisent en aucun cas à l’efficacité desdits systèmes ; bien au contraire, les domaines d’activité concernés les rendent nécessaires. Rien de comparable, donc, avec le foisonnement sémantique que les langues naturelles peuvent produire.  Toutefois, cette créativité infinie des langues naturelles a un coût ; d’où la fréquence de phénomènes tels que l’ambiguïté (pluralité des sens possibles pour une forme) ou la redondance (pluralité de marques sémantiques apparemment superflue pour la transmission de l’information). Définition sommaire dont on se contentera pour l’instant, et qui a peut-être pu amener certains penseurs — sans doute davantage philosophes que linguistes — à conclure que le langage humain souffrirait d’« imperfections » alors qu’il s’agit là, en fait, de propriétés essentielles à son fonctionnement. Précisons que c’est essentiellement l’aspect communicatif du langage qui est ici concerné. Il suffit, pour s’en convaincre, de se placer du côté du destinataire du message dont l’attention est de qualité inévitablement variable, quitte à envisager le problème sous un angle plus cognitif que linguistique : la redondance y apparaît alors comme le meilleur remède à l’inattention, mais elle peut marquer également la volonté, chez le locuteur, de donner à son discours un certain volume :  En effet, dans la langue parlée, il est extrêmement fréquent de donner sous plusieurs formes la même information (cas des reformulations qui maintiennent un invariant sémantique), comme si les locuteurs avaient besoin de s’assurer que le message est bien transmis, ou bien comme si les locuteurs recherchaient une certaine complétude, une certaine satisfaction dans leur activité locutoire, en
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