Parcours d un sociolinguiste
330 pages
Français

Parcours d'un sociolinguiste , livre ebook

-

330 pages
Français

Description

Jacky Simonin couronne ici sa carrière de professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université de La Réunion. Son parcours de sociolinguiste débute à l'université Paris-Nord de Villetaneuse. Il travaille alors sur l'école et l'urbain. Il s'imprègne des courants interactionnels issus de la sociologie de Goffman, de Garfinkel et de Sacks, ainsi que de l'ethnographie de la communication de Hymes, et de Gumperz. Ce recueil de textes souhaite lui rendre hommage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2012
Nombre de lectures 37
EAN13 9782296509061
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jacky Simonin Textes réunis par Bernard Idelson et Gudrun Ledegen
Parcours d’un sociolinguiste Banlieue Nord de Paris/La Réunion
PARCOURS DUN SOCIOLINGUISTE
Espaces DiscursifsCollection dirigée par Thierry Bulot La collectionEspaces discursifsrend compte de la participation des discours (identitaires, épilinguistiques, professionnels…) à l’élaboration/représentation d’espaces – qu’ils soient sociaux, géographiques, symboliques, territorialisés, communautaires… – où les pratiques langagières peuvent être révélatrices de modifications sociales. Espace de discussion, lacollection est ouverte à la diversité des terrains, des approches et des méthodologies, et concerne – au-delà du seul espace francophone – autant les langues régionales que les vernaculaires urbains, les langues minorées que celles engagées dans un processus de reconnaissance ; elle vaut également pour les diverses variétés d’une même langue quand chacune d’elles donne lieu à un discours identitaire ; elle s’intéresse plus largement encore aux faits relevant de l’évaluation sociale de la diversité linguistique. Derniers ouvrages parus Assia LOUNICI, Nabila BESTANDJI (dir.),Dynamiques sociolan-gagières de l’espace algérois. Discours et représentations, 2012. Rada TIRVASSEN (sous la dir. de),Langages de jeunes, plurilin-guisme et urbanisation, 2012. Cécile GOÏ (dir.),Quelles recherches qualitatives en sciences humaines ? Approches interdisciplinaires de la diversité, 2012.Claudine Balsiger, Dominique Bétrix Köhler, Jean-François de Pietro et Christiane Perregaux (dir.),Éveil aux langues et approches plurielles. De la formation des enseignants aux pratiques de classe, 2012. Mireille RISPAIL (dir.), Céline JEANNOT, Marine TOTOZANI, Sandra TOMC (éd.),Esquisses pour une école plurilingue. Réflexions sociodidactiques, 2012. e Brigitte RASOLONIAINA,Le marché Dejean duXVIIIarrondissement de Paris, 2012. Rada TIRVASSEN,L’entrée dans le bilinguisme, 2012. Yves GAMBIER, Eija SUOMELA-SALMI,Hybridité discursive et culturelle, 2011. Alexei PRIKHODKINE,Dynamique normative du français en usage en Suisse romande, 2011. Claude VARGAS, Louis-Jean CALVET, Médéric GASQUET-CYRUS, Daniel VERONIQUE, Robert VION (Dirs.),Langues et sociétés. Approches sociolinguistiques et didactiques, 2010 Logambal SOUPRAYEN-CAVERY,L’interlecte réunionnais. Approche sociolinguistique des pratiques et des représentations, 2010. Jeanne ROBINEAU,Discrimination(s), genre(s) et urbanité. La communauté gaie à Rennes, 2010. Zsuzsanna FAGYAL,Accents de banlieue. Aspects prosodiques du français populaire en contact avec les langues de l'immigration, 2010.
Jacky Simonin Textes réunis par Bernard Idelson et Gudrun Ledegen PARCOURS DUN SOCIOLINGUISTEBanlieue Nord de Paris/La Réunion
Nous souhaitons remercier les éditeurs et les responsables de revues qui ont bien voulu céder gracieusement leurs droits pour la reproduction des textes : CREJ/Université d’Ottawa, Éditions UL3/Université Lille-3, L’Harmattan, Université de La Réunion, Université de Neuchâtel et Droz, revues :Actions et recherches sociales,Hermès, Études de communication, Cahiers de sociolinguistique,Performances humaines et techniques. Cet ouvrage d’hommage au professeur Jacky SIMONIN a reçu le soutien du Laboratoire LCF (EA 4549) de l’Université de La Réunion. Jacky SIMONIN a dirigé le LCF (UMR 8143 du CNRS) de 2000 à 2005. Il a pris sa retraite en 2010. Photo de couverture : © coll. de l’auteur. © L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00101-2 EAN : 9782336001012
Entretien avec Jacky SIMONIN Zembrocal de textes Le zembrocal est un plat réunionnais composé de riz et des grains (souvent des haricots rouges), et par métaphore, un méli-mélo, un mélange. Ce 1 recueil propose une sélection de dix-neuf textes produits par Jacky SIMONIN et débute par un entretien avec l'auteur. La bibliographie intégrale de l’auteur figure en fin d’ouvrage. Q. Tu débutes ton parcours scientifique en linguistique, en sciences du langage et puis tu abordes les sciences de l'information et de la communication, tout en restant en sciences du langage, comme cela s'est-il articulé ? JS. Le moment fondateur, pour ce qui me concerne, c'est la fin des années 60 et surtout les années 70. Je dis que c'est fondateur parce que malgré les apparences institutionnelles, je me sens depuis l'origine – et jusqu'à présent – me référant aux sciences du langage. On peut me situer d'une autre façon e parce que je suis sorti de l'université comme professeur en 71 section, mais ça, ce sont les aléas institutionnels. Pour ce qui est de ma problématique, de mes références théoriques, je vais essayer de donner mon point de vue. Si vous me demandez comment c'était quand j'étais petit..., c'est évidemment une reconstruction, on sait ce que sont les autobiographies, y compris intellectuelles... Q. Alors que se passe-t-il pour le sociolinguiste que tu es à la fin des années 60 ? JS. J'étais étudiant, le sujet de ma maîtrise : une description dialectologique d'un petit village de Champagne, dans le cadre de l'Atlas linguistique Champagne / Brie et celui de Bourgogne dirigés par Henri Bourcelot qui était mon directeur. Au tout début des années 70 j'ai commencé à intégrer l'université de Paris Nord Villetaneuse qui venait de se créer, comme chargé de cours puis assistant de linguistique appliquée. En linguistique – on ne parlait pas encore de sciences du langage – je vois deux piliers initiaux, ce sont des tremplins qui me font suivre un certain cheminement. Premier 1 Voir la liste des 19 textes à la p. 27 .
Jacky SIMONIN
pilier : à cette époque, un certain nombre de personnalités commencent à s'intéresser à l'oral. Je n’en citerai qu'une qui vient d'ailleurs de décéder récemment, c'est Claire Blanche Benveniste qui se situait, je ne dirais pas en rupture, mais en décalage de la communauté des linguistes, en décalage avec une linguistique que l'on pourrait qualifier – évidemment c'est très caricatural – une linguistique de l'écrit, avec la grammaire traditionnelle, etc. Donc, on en vient à l'oral : quels outils la linguistique, quel outillage, va-t-elle mettre en œuvre, justement, pour décrire l'oral, alors qu'on est dans une tradition de l'écrit, voire de l'écrit littéraire ? Le second pilier, c'est ce que l'on pourrait appeler une demande sociale qui vient alors du scolaire, de l'école. Aujourd'hui, on s'intéresse de plus en plus aux médias, aux réseaux sociaux numériques, c'est la question scolaire qui était posée alors. En raison de la massification, de la démocratisation de l'école qui commence, pour les autorités académiques, scolaires, la question de la pédagogie apparaît. Il y avait alors deux structures qui avaient en charge l'enseignement, les Écoles Normales et l’Université. Les Écoles Normales, disons-le, étaient quelque peu figées dans leur tradition (est-ce pour cela qu'on les a détruites, d'abord en les faisant passer sous le statut d'IUFM ? et aujourd'hui le pouvoir de droite supprimant toute formation professionnelle des enseignants). Les professeurs d'École Normale n'avaient pas le statut de chercheur, par rapport à leurs collègues enseignants-chercheurs de l'université. Le gouvernement, le ministère de l'Education, avait décidé de créer au sein des facs pour les mathématiques des IREM : Instituts de Recherche de l'Enseignement des Mathématiques, pour innover, renouveler l'enseignement des mathématiques qui était essentiellement centré sur le calcul.
Q. D'où émerge la théorie des ensembles ?
JS. Oui, c'était la grande période ensembliste. Dans les Écoles Normales et à l'université, on a formé des enseignants en mathématiques à cette théorie, jugée mathématiquement et pédagogiquement préférable au calcul classique. Du côté de l'enseignement du français, rien ne s'était créé. Un certain nombre d'initiatives émanant de notre équipe, j'étais à Paris Nord Villetaneuse, ont alors été mises en œuvre, de façon complètement informelle et sans soutien académique officiel : on a monté un Institut de formation, de recherche et d'enseignement du français (l'IFREF), sur le modèle des IREM. À partir de là, avec l’équipe que nous formions dont Bachmann, Lacoste, Coppel et quelques autres, nous avons pris notre bâton de pèlerin, nous avons court-circuité les structures officielles, la hiérarchie rectorale,pour partie les et 6
Parcours d’un sociolinguiste
Écoles Normales, en charge de la formation professionnelle des enseignants du primaire. Dans la banlieue Nord, nous sommes allés dans les écoles, après avoir pris rendez-vous avec les directeurs et les inspecteurs de l'Éducation nationale (les IDEN) qui étaient favorables à notre offre, si vous voulez, et on y enseignait la rénovation du français, fondée sur la linguistique. De même qu'il y avait pour remplacer le calcul une théorie ensembliste, pour rompre avec l'enseignement de la grammaire qu'on enseignait dans les écoles y compris aux petits élèves, on proposait une description structurale des langues et son application pédagogique. Et cela a connu un succès important. On faisait des cours du soir, pour les instituteurs, car on s'intéressait d'abord au primaire, puis après aux collèges. Ils étaient inscrits à l'université, une sorte d'université ouverte, de proximité, d'« Open University », et c'était sur une base tout à fait volontaire, les instits se regroupaient par école, et suivaient nos cours. Mais ce n'était pas du tout des cours strictement théoriques, de la bonne linguistique structurale, alors à l'ordre du jour, on travaillait sur des situations de classe. On allait dans des classes et on ramenait des enregistrements son puis vidéo, les petits caméscopes digitaux actuels n'existaient pas encore, et on regardait, et on analysait, avec eux, comment ils se comportaient et comment se comportaient les élèves, dans des situations de classe, sur le plan évidemment des pratiques langagières. Voilà les deux piliers vraiment initiateurs au départ. Une linguistique de terrain, centrée sur l'oral et un souci d'application en didactique des langues.
Q. Et vous étiez seuls au monde ?
JS. Non, j'ai parlé des Écoles Normales, mais on avait quand même un soutien, au delà de l'université. On collaborait avec le CREDIF, (le Centre de recherches, d'enseignement et de diffusion du français, rattaché à l'ENS de St-Cloud) avec le CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique), le BELC (Bureau d'Études et de Liaison pour l'enseignement du français dans le monde) spécialisé en enseignement du français langue étrangère, langue seconde. Et là, il y avait des lieux d'échanges, de confrontations qui nous permettaient de ne pas être tout seuls, complètement fous, dans la banlieue Nord, à l'université de Villetaneuse... Avec les outillages linguistiques de l'écrit, pour parler de manière un peu caricaturale, on n'était pas très aidés. Et l’on s’est ancrés dans les courants naissants d’une linguistique de l’oral, notamment l’apport de Claire Blanche. Donc, il y a eu une innovation on va dire technico–scientifique, au sein de la linguistique de l'époque, pour arriver à décrire les pratiques orales. Parce
7
Jacky SIMONIN qu'on ne peut pas arriver à décrire une phrase écrite par rapport à une pratique orale. Prenons l’exemple de la ponctuation, il y a toute une série de domaines qui aujourd'hui vont de soi, mais qui posaient des problèmes redoutables. Car finalement qu'est-ce qu'une phrase à l'oral, pouvait-on se demander, parce qu'on avait une linguistique de la phrase écrite ; une majuscule au début, un point à la fin. Voilà sur quoi on a travaillé, une sensibilité aussi à la phono-stylistique, au narratif, l'au-delà de la phrase, le discours... Ensuite, ce domaine scolaire ne se situe pas n'importe où en France, mais en banlieue parisienne nord et est, le Val-d'Oise et la Seine-Saint Denis, le devenu fameux « 9.3 ». Et ce que l'on va découvrir en même temps, et c'est une sorte de premier glissement, c'est ce qu'on appelait l'environnement socioculturel de l'enfant. C'est-à-dire qu'on essayait de tenir compte des particularités culturelles, on va utiliser ce terme, en milieu familial, et en milieu urbain de banlieue. Justement, il s'agissait de ne pas rester sur une description strictement structurale, dans la classe, fermée sur elle-même. Les enfants ont tout un univers de vie dont il faut tenir compte si on veut améliorer l'efficacité de l'enseignement de la langue française : voilà le raisonnement qu'on tenait. Q. Le premier glissement, c'est donc que vous vous intéressez à l'urbain et à la banlieue ? JS. Oui, ce qui s'est passé, c'était le début de ce qu'on appelle aujourd'hui le rap et qui s'appelait le smurf. Dans les pratiques culturelles des jeunes, des ados, c'était surtout en collège, c'était la référence nord-américaine des ghettos noirs. Il y a deux phénomènes qui nous intéressaient, parce que c'était l'ordinaire, disons, des ados scolarisés, c'est la danse, le smurf, les pratiques de rue, et le verlan, c'était le début du verlan. On s'intéressait à ces pratiques langagières émergentes des jeunes de banlieue. Q. L'ouvrageLangage et communications sociales, c'est à partir de ce 2 terrain que vous l'avez imaginé avec Bachmann ? JS. Ça, c'est encore un glissement. Car encore une fois, sur le plan scientifique, on était malgré tout très décalé, si je puis dire, par rapport au structuralisme linguistique ; y compris à cette époque-là, je reviens ici sur la pédagogie du français, vous aviez ce qu'on appelait les exercices structuraux,
2 J. Lindenfeld, J. Simonin, 1993,Langage et communications sociales, Paris, Didier. 8
Parcours d’un sociolinguiste
on essayait de voir par exemple les niveaux de langues. Il y avait toute une batterie d'outils, fondés sur la description structurale des langues, avec, au niveau pédagogique, des exercices scolaires structuraux. Avec notre petite équipe, et quelques autres avec qui on travaillait, on voulait sortir, à la fois de l'enceinte de la classe, même si on tenait compte de l'environnement socio-culturel des enfants scolarisés, et sortir de l'immanence linguistique, langagière. Le glissement, c'est alors la prise en compte des pratiques quotidiennes dans les situations langagières. Ce qui s'est passé aussi j'arrive là à la sociolinguistique – c'est la grande évolution allant de la linguistique interne à la linguistique externe pour parler comme ça y compris encore maintenant. Au cours des années 60/70, il y a eu deux courants de la sociolinguistique qui ont émergé, ni français, ni européens, mais nord-américains. C'est pour cela que l'on a effectué quelques séjours nord-américains pour voir de près de quoi il s'agissait. Le premier courant c'est celui qu'a initié Labov, celui de la sociolinguistique variationniste, corrélationiste. C'est-à-dire que lorsqu'on essaie de quitter, ou plutôt de ne pas s'intéresser exclusivement à la langue en tant que structure interne, on va retrouver les structures sociales, on va retrouver la société. Il s'agissait de voir comment se corrélaient les structures de la société, ou la position des individus dans les structures sociales par rapport aux pratiques langagières. On était sur les macro-structures, à la fois les structures langagières et les structures sociétales. Labov, c'est une grande figure toujours prédominante dans le champ du variationnisme sociolinguistique. On a travaillé sur ce premier courant. Mais il y a quelque chose qui me semblait encore plus pertinent par rapport à la prise en compte de l'apprenant, c'est-à-dire des enfants ou des ados qui apprennent la langue, c'étaient les courants interactionnels issus de la sociologie avec Goffman, Garfinkel et Saks, ainsi que de l'ethnographie de la communication avec Hymes, et avec Gumperz, dont je me suis permis de traduire certains travaux. On a ainsi rencontré ces auteurs qui sont restés pour moi une référence constante jusqu'à aujourd'hui. C'est à ces apports que l’on a formé les enseignants de banlieue.
Q. Et cela a eu une répercussion sur votre travail de terrain ?
JS. Oui, ça a été tout à fait intéressant, parce que précisément dans les interactions scolaires, pédagogiques, on ne centrait pas l'analyse sur le maître mais sur les élèves. On voulait voir comment ça se passait de leur point de vue. Et cela, on ne peut pas le faire si l'on s'intéresse uniquement à leur âge, aux revenus des familles, etc., enfin toutes les catégories macro-
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents