Mes chemins buissonniers
161 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
161 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Jean-Pierre Fleury a exploré les quatre coins du monde : mais c'est dans les petits chemins de France qu'il choisit de nous embarquer. Il nous fait redécouvrir l'insolite et le merveilleux de nos campagnes, nous invite à observer la nature que nous ne regardons plus, à entendre les animaux que nous n'écoutons plus. Au rythme des saisons, il nous ouvre les yeux sur cet univers rempli de bonheur simple et pur.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782812933660
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0024€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Pierre Fleury



Mes chemins buissonniers
















Jean-Pierre Fleury fut marin-pêcheur à Granville, bûcheron en Sologne et a participé à la réalisation de nombreux documentaires médicaux, scientifiques et historiques. Il est coproducteur et coréalisateur de la série mythique Histoires naturelles. Il réalise pour TF1, France 3, Planète, La Cinq, Arte. Dans ce roman, il nous livre avec originalité et humour son amour de la nature.





Du même auteur

Aux éditions De Borée


Ça coule de source…
Drôles de bêtes
Histoires de Saisons (avec Georges Fleury)
Le bestiaire insolite
Les 100 plus beaux oiseaux de France
Si les abeilles disparaissaient…









En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© De Borée , 2017
© Centre France Livres SAS, 2016
45, rue du Clos-Four - 63056 Clermont-Ferrand cedex 2








À Lisa

En hommage à Igor Barrère







Prologue




« E n descendant moteur au ralenti sur San Julian, Fabien se sentit las. Tout ce qui fait douce la vie des hommes grandissait vers lui. Fabien avait besoin de déposer les armes et d’être ici un homme simple. Fabien eût désiré vivre longtemps ici, prendre sa part d’éternité. »

Antoine de Saint-Exupéry, Vol de nuit.

Sur les pistes sans fin du bout du monde, sur les petits chemins de France, recru de kilomètres, comblé d’émotions et de rencontres, modeste voyageur au long cours, j’ai souvent ressenti, je ressens souvent le besoin d’arrêter le temps. Comme le héros de Saint-Exupéry, bien que je ne sois pas fait de la même étoffe et que mes rêves ne se mesurent pas à la même échelle, il m’est doux d’imaginer qu’à la prochaine escale ou au pire peut-être à la suivante, il sera possible d’en arrêter le cours inexorable et de m’offrir une parcelle d’éternité.
« Fabien, ayant atterri, sut que ce village défendait le secret de ses passions et lui refusait sa douceur… Il eût fallu renoncer à l’action pour le conquérir… Quand les dix minutes d’escale furent écoulées… Fabien dut repartir… »

L’avion qui nous ramène de tournage survole l’Alaska. Il nous donne à contempler une nature radieuse et simple ; de cette simplicité des premiers jours.
Nous passons juste à la verticale de l’endroit où nous avons partagé des instants avec ceux qui ont la vie douce parmi les grizzlis, les loups, les castors. Moments vrais que nos nouveaux amis descendants des Mohicans, petits-fils de Jérémiah Johnson ou de Jack London, nous incitaient à prolonger, voire même qui sait, à s’éterniser pour partager sans fin les secrets de leurs passions et la douceur de leurs existences.
Eux qui, en une vie, n’avaient pas découvert tout ce qu’il y avait à une journée de marche autour de chez eux, avaient deviné que nous aimions découvrir et faire découvrir. Ils s’interrogeaient : pourquoi à peine arrivés devions-nous déjà repartir ? Pourquoi ne pas attendre la saison des saumons, celle du retour des bernaches ?
Difficile de leur faire comprendre que c’était impossible. Les malheureux, bien que sachant à merveille lire dans les étoiles, n’avaient pas lu Saint-Ex. Ils ne connaissaient rien à l’Aéropostale et au courrier qui doit passer coûte que coûte, même au prix du sacrifice d’une parcelle d’éternité. Chaque fois l’envie de mettre sac à terre est anéantie par le besoin de repartir !
Adolescent, toujours j’ai voulu savoir ce qu’il y avait au-delà de l’horizon. J’étais persuadé que ma précoce vocation de marin pêcheur me donnait le droit de me prendre pour un vrai loup de mer. Assis sur la jetée du port de Granville qui me vit naître, le regard perdu dans les lointains, l’esprit encalminé par la fumée d’une bouffarde bourrée d’un tabac gris à donner la nausée à un terre-neuvas, la casquette relevée sur un front désespérément exempt de rides, je faisais l’homme.
J’avais hâte d’appareiller, d’aller voir les rives d’en face et le cap Horn. Mes rêves héroïques et brutaux m’amèneraient d’escale en escale, de port en port, de fille en fille. Puis, délesté de mes impatiences, alourdi sinon enrichi de mes expériences, je reviendrais plein d’usages et de raison dans les eaux familières de mon enfance.
J’ai eu envie de voir Syracuse, l’île de Pâques et Kairouan. J’ai vu Syracuse et Kairouan ! Je n’ai pas vu l’île de Pâques, mais j’ai vu La Trinité. J’ai fait la vie à Varsovie, j’ai été pompette à Papeete, j’ai bu de l’eau à Bordeaux.
Grâce aux avions et aux voitures, j’en ai fait plus que Magellan, La Pérouse et Cook réunis. J’ai chassé à la sarbacane avec les Dayaks de Bornéo, à l’arc avec les Bochimans du Kalahari, au filet avec les paloumaïres des Landes, péché le requin dans les Touamotou, le marlin à Maurice, l’anguille dans le Marais poitevin. J’ai mangé du phoque cru avec les Inuits, des termites avec les Pygmées, des rabasses avec les Provençaux.
J’ai embrassé une femme girafe, vu la toilette d’une négresse à plateau, partagé l’initiation des jeunes Massaïs.
Persuadé que je fais le plus beau métier du monde, tranquillement, douillettement transporté par le commandant X et son équipage, avec encore une fois l’agréable sensation de la mission accomplie (on en a pris plein les yeux, plein les caméras), mon esprit vagabonde au gré des forêts, des fjords et des lacs qui se perdent sous les ailes de notre avion. Me voici en bas pêchant une friture de goujons avec un trappeur, tenant le ferme d’un sanglier avec un indien.
Une voix stéréotypée nous annonce comme une menace la fin de la vente des produits hors taxe. Elle interrompt ma rêverie en m’assénant une évidence : il n’y a jamais eu de sanglier ni même le moindre goujon dans les pays que nous survolons.
Chaque fois que je rentre de tournage, bien que je me targue d’être de plus en plus maître de mes impatiences, le phénomène est toujours le même. Mes pensées, mes craintes, mes espérances suivent le même chemin, elles m’emmènent, me précipitent vers mon port d’attache, mon bassin de carène, ma terre vitale. Vers ces quelques arpents situés quelque part, dans une campagne réfugiée au beau et plein milieu du plus profond de notre vieille France.
J’ai hâte d’y retrouver les miens, mes amis, ma chienne, ma cave, mes poules. J’ai hâte d’y être pour savoir que, encore une fois, la terre en mon absence ne s’y est pas arrêtée de tourner.
Je suis anxieux de savoir si la pluie est tombée. Si la pluie a cessé. S’il a gelé, s’il a dégelé. Je voudrais savoir si les grands vols de pigeons sont arrivés, si les nids d’hirondelles sont tous occupés. J’ai un besoin foncier, viscéral, de me persuader que là au moins les choses sont bien à leur place.
Bien sûr, j’ai eu des nouvelles. Lisa, mon épouse, est elle aussi attentive à tous ces détails. Par téléphone, juste après s’être affectueusement assuré combien il sera doux de nous revoir bientôt, elle m’a appris qu’il est tombé sept millimètres de pluie. Sept millimètres, c’est bien ! Mais est-ce vrai ? N’a-t-elle pas tout simplement inventé une averse salvatrice, juste pour me rassurer, pour me faire plaisir ?
Aussitôt arrivé, en tout cas le plus vite possible, je chausse mes bottes et je file dans mon petit bois. J’y ai rendez-vous avec quelques lapins, un grand cerf, les vivandiers de François I er , les premières girolles, le grand-père de Raboliot et mon copain Jean-Jacques.
Mon bois n’a guère de frontières. Ses chemins n’ont pas de clôture, pas de barrière, ni dans l’espace ni dans le temps. Ils vont dans des endroits magiques où, si l’on en a envie, on peut voir se côtoyer des faits et des êtres largement authentiques, hautement vraisemblables, qui vécurent et se produisirent en des lieux et en des temps parfois bien différents, souvent bien éparpillés. Les chemins de halliers qui me conduisent sont difficiles à trouver. C’est souvent un labyrinthe. Attention, seul, vous pourriez vous y perdre ! Mes repères sont faits de la mémoire de l’endroit, des souvenirs des arbres, des animaux, des hommes, des expériences de mes hâtes patientes et obstinées. Si vous voulez vous aussi vous y promener, c’est en vous que vous devrez trouver l’itinéraire. Dans vos souvenirs, d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents