Chronique naïve d Haïti
88 pages
Français

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Chronique naïve d'Haïti , livre ebook

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Français

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Description

Ce texte c'est un peu "Haïti racontée à ma fille". Récits d'enfance et d'actualité s'y entremêlent sur un ton tantôt drôle, tantôt plus grave. Avec tendresse et nuance, parfois avec agacement aussi, l'auteur nous emmène au-delà des sempiternels clichés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2009
Nombre de lectures 242
EAN13 9782336258539
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Edmond Lapompe-Paironne, La Rivière du Pont-de-Chaînes, 2009.
Hervé JOSEPH, Un Neg’Mawon en terre originelle. Un périple africain, 2008.
Josaphat-Robert LARGE, Partir sur un coursier de nuages, 2008.
Max DIOMAR, 1 bis, rue Schoelcher, 2008.
Gabriel CIBRELIS, La Yole volante, 2008.
Nathalie ISSAC, Sous un soleil froid. Chroniques de vies croisées, 2008.
Raphaël CADDY, Les trois tanbou du vieux coolie, 2007.
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure, 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné , 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère, 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Dumanoir, l’incroyable destinée, 2006.
Max DIOMAR, Flânerie guadeloupéenne, 2006.
Le Vaillant Barthélemy ADOLPHE, Le papillon noir, 2006. Christian PAVIOT, Les fugitifs , 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Les enfants du rhumier, 2005.
Philippe Daniel ROGER, La Soulimoune, 2005.
Camille MOUTOUSSAMY, J ’ ai rêvé de Kos-City, 2005.
Sytvain Jean ZEBUS, Les gens de Matador. Chronique, 2005.
Marguerite FLORENTIN, Écriture de Griol, 2005.
Patrick SELBONNE, Cœur d’Acomat-Boucan, 2004.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Le secret du Maître rhumier , 2004.
Marie-Flore PELAGE, Le temps des alizés, 2004.
Pierre LIMA de JOINVILLE, Fetnat et le pistolet qui ne tue pas, 2004.
Christian PAVIOT, Les Amants de Saint-Pierre, 2004.
Henri MELON, Thélucia, 2004.
Max JEANNE, Un taxi pour Miss Butterfly, 2003
Eric PEZO, Passeurs de rives , 2003.
Chronique naïve d'Haïti

Marie-Lou Nazaire
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole palytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296079243
BAN : 9782296079243
Sommaire
Lettres des Caraïbes - Collection dirigée par Maguy Albet Page de titre Page de Copyright Dedicace Epok ensousyans - A Yolaine, Johanne et Gregory Le temps de l’insouciance - (Traduction libre) Ma Guinée - A mon père Le pays sans chapeau - A Oumy Fall POSTFACE NOTES
Pour les miens.
Que ceux qui souillent les eaux lustrales
Et ternissent les audaces matinales
Soient oubliés [...]
Jean Métellus, « La peau et autres poèmes »
Soledad,
Tu nais demain. Et tout à coup, je ressens l’urgence de revenir sur mes pas. Partir embrasser — une ultime fois peut-être — le sol d’une terre montagneuse jadis appelée Quisqueya. Je le veux pour être quitte du mélange de colère et d’amour indicibles qui me consume, pour qu’à ta venue au monde les points soient sur les ï.

Laisse-moi te parler d’une île où il se peut que je ne t’emmène pas, d’un cœur antillais qui dans ta vie s’arrêtera peut-être avec moi. Je n’en suis qu’une pâle ambassadrice : tout ce que j’en conserve précieusement est un goût irraisonnable d’indépendance et l’amour fou d’une langue en constant marronnage.

Tu t’appelleras Soledad parce que chacun d’entre nous est une île. Quoique tu naîtras au cœur de la vieille Europe et bien que deux générations te sépareront de Quisqueya, tôt ou tard et tant bien que mal, tu seras aussi d’Haïti-Thomas 1 .

Soledad, tu dois savoir qu’il n’y a pas de fatalité, que la vie est un jeu dont les dés sont forcément pipés. Chacun y met la charge affective qui les jettera tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Sur l’île dont tu ne viendras plus, les dés se bousculent depuis bien longtemps : même les châteaux de cartes y sont truqués. Là-bas, des insouciantes fêtes champêtres à la misère insoutenable, il y a plusieurs mondes.
[...] Je me souviens d’avoir été


J’ai perdu mes titres de noblesse dans l’aventure. [...]
Bernard Dadié, « Retour au foyer »

Je me suis longtemps demandé comment te dire cette île, par où commencer et comment t’annoncer ses contradictions. C’est qu’à l’évocation d’Haïti tous mes sens s’emballent : je m’esclaffe ou fulmine, mais jamais ne puis faire silence.

Dans les médias, Soledad, tu verras pour toutes images de mon pays des mares de sang dans les ruelles sordides d’une cité où le soleil frappe fort et des pantins de l’ONU aux grotesques casques bleus. Longtemps, ces derniers ont assidûment fréquenté nos plages idylliques et préféré la garde rapprochée de richissimes intouchables aux expéditions dans le bidonville de Cité Soleil. A Port-au-Prince, même l’en-bas-la-ville fait peur aux casques bleus ! Ironie du sort : la rue de l’Enterrement où a joué ton grand-père et où, petite fille, j’ai attrapé la rougeole, serait devenue un véritable coupe-gorge.

Mais aujourd’hui, 7 février, est un « grand jour », non tant parce que c’est l’anniversaire de la fin d’une dictature héréditaire que parce qu’enfin, l’ONU «va au cœur des problèmes » (sic.) : elle envoie sept cents hommes dans le plus grand bidonville haïtien (trois cents milles habitants)... L’objectif de la mission de ce groupuscule en treillis, des années après l’arrivée des casques bleus en Haïti, est d’éradiquer le grand banditisme. « Noble » tâche que de partit enfin à la débusquade de criminels made in USA envoyés faire un retour aux sources et de leurs compères locaux. Quelles sources ? Comme si toi, ma fille, née de l’autre côté de la mer, tu étais envoyée un beau jour purger injustement une peine sur une île dont tu ne portes que le patronyme !

Tout aussi « magnanime » la volonté de faire main basse sur les armes vendues par des commerçants des quatre coins du monde à ces malfrats sans manmans...
Peyi‘m kankou yon zwezo tout koulè Ki chape. Jako derefize repèt, Li di kaunyea la-a, se li menm sèl K’ap bay le ton lakay-li. Fistsballerible’l ak ròch.
Oiseau moiré, mon pays A fui sa cage. Cet ara qui refuse de débiter une étrangère leçon Se veut seul maître A donner le la sur son territoire. Mais voilà qu’un lance-pierre le caillasse...
(Traduction libre)

L’enchantement doit commencer durant l’enfance. Récemment, une voix me disait craindre que nos enfants n’entendent jamais rien de bon sur Haïti, que les histoires de notre jeunesse à nous les rebutent par leur insensée brutalité, que l’exil dans lequel ils naîtront les rendent étrangers à cette terre immense entourée d’un peu d’eau caraïbe qui continue de hanter tous nos rêves.

Les rapports internationaux sur la crise haïtienne, les images affligeantes que nous assènent les médias, les nouvelles diffusées à grande échelle par télédjòl 2 , d’untel mort en mer, d’unetelle enlevée et sauvagement violée... donnent raison à cette voix.

Comment, sans gêne aucune, te dire, Soledad, que, là-bas, c’est chez toi ? T’expliquer que nous descendons d’esclaves héroïques et de colons entreprenants, mais que voilà où nous en sommes aujourd’hui ? Quelle fierté tirer d’une déchéance aussi cuisante ? Comment revendiquer une haïtianité quand, aux yeux du monde, nous sommes devenus la première république en faillite ?

Ma petite fille, je te vois mal assumer des origines aussi éloignées de ton habitat naturel « d’émigrée de troisième génération ». Tu n’auras rien en commun avec ceux qui mettent à sac Haïti. Il serait regrettable, cependant, que tu passes à côté de l’Haïti dont le pouls balance entre kè popòz, le cœur posé, et kè sote le cœur qui sursaute.

Pori-au-Prinae, ville damnée de mon enfance, je t’aimaâs les dimanches après-midi, à l’heure où tu sommeillais. Bercée par le rire d’un gamin qui s’oubliait après la messe, enfin, ville infernale, tu faisais silence ! J’aimais l’immense océan tacheté de mille couleurs qui surplombait les toits lorsqu’il faisait grand vent. Je rêve encore de sombrer dans ton ciel pour y cueillir des cerfs-volants...

D’abord il y a eu la chute du Dictateur, celui qui régnait de père en fils depuis 1957. J’étais bien petite quand il prit la fuite, faisant place à une kyrielle de successeurs dont les prestations ne furent pas beaucoup plus convaincantes que celle du Dictateur et ses sbires aux grands cabas 3 . De cou

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