Ma mère, ma fille, ma sœur
102 pages
Français

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Ma mère, ma fille, ma sœur , livre ebook

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Description

Ma mère, ma fille, ma sœur nous plonge au cœur du drame personnel d’une adolescente d’origine kabyle vivant en France, déchirée entre les valeurs traditionnelles berbères et celles de son pays d’accueil. Ce récit autobiographique nous éclaire sur une réalité mal connue et rarement exprimée par ces femmes — mères, filles et sœurs —, victimes innocentes des traditions arabo-musulmanes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 février 2013
Nombre de lectures 42
EAN13 9782895973621
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ma mère, ma fille, ma sœur
DE LA MÊME AUTEURE

Nomade
David, 2008. Récit autobiographique.
Suite de Ma mère, ma fille, ma soeur.
Mila Younes
Ma mère, ma fille, ma sœur
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Younes, Mila
Ma mère, ma fille, ma sœur / Mila Younes.
(Voix narratives et oniriques; 18)
ISBN : 2-89597-008-4
1. Younes, Mila. 2. Femmes berbères — Mœurs et coutumes. 3. Conflit culturel. 4. Enfants d’immigrants — Relations familiales. 5. Femmes berbères — Biographies. I. Titre. II. Collection.
HM1121.Y68 2003 303.48’2'092 C2003-905055-6
ISBN ePub : 978-2-89597-362-1

L’auteure désire remercier le Conseil des Arts du Canada.

Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario, la Ville d’Ottawa et le gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada.

Les Éditions David
335-B, rue Cumberland
Ottawa (Ontario) K1N 7J3

Téléphone : 613-830-3336 / Télécopieur : 613-830-2819

info@editionsdavid.com
www.editionsdavid.com

Tous droits réservés.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 4 e trimestre 2003
Remerciements
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à ma chère sœur, Ouiza B., pour son encouragement et ses précieux conseils.
Je remercie en outre Nylda Aktouf, Norman Cook, Medhi D., Rénald Gagnon, Pierre Lafleur, Lise Lepine et Danielle Ouellet qui ont lu, avec attention et générosité, différentes versions de mon manuscrit.
À mes parents, à ma fille Myriam, à mon fils Sophien.
Mot de l’auteure

Pourquoi un récit autobiographique ? Il m’est apparu comme étant le meilleur moyen de parler de la vie des femmes berbères * , de cette première génération de femmes nées dans un pays étranger et sans cesse confrontées à deux modes de vie complètement opposés.
Un récit autobiographique, car c’est difficile pour les femmes de cette culture de s’exprimer sur leurs sentiments profonds et sur leur vie. Dans la société berbère, on n’existe pas en tant qu’individu mais en tant que groupe. La voix des femmes est une voix silencieuse.
Rappelons le passé colonial de l’Algérie où, encore en 1962, plus de la moitié de la population algérienne était analphabète. La situation était encore plus grave dans les milieux ruraux où les femmes avaient beaucoup trop à faire pour assurer leur survie et celle de leur famille. Pas étonnant que notre tradition d’écriture reste toujours à faire, même si l’Algérie compte de grandes écrivaines dont nous pouvons être fiers.
Ce manuscrit n’est pas un essai littéraire. Il se veut plutôt un outil de réflexion à la fois personnelle et aussi collective sur la condition des femmes. Le témoignage direct et réel ne permet-il pas l’exorcisme d’un passé douloureux ?
Durant les années 60, la plupart des immigrés kabyles qui vivaient en France exerçaient des métiers précaires et souvent mal rémunérés, tels les manœuvres dans l’industrie automobile ou du bâtiment. La plupart des hommes, le plus souvent analphabètes, arrivaient seuls, laissant leur famille au village. La guerre d’Algérie a commencé, et les Algériens de France sont devenus les boucs émissaires d’une société qui n’avait pas envie d’abandonner sa colonie.
Mes parents, tout comme de nombreux Kabyles, sont arrivés en France dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux, mais surtout pour leurs enfants. En 1952, ma mère ne parlait pour ainsi dire pas le français, elle n’avait quasiment jamais porté de chaussures ; c’est ainsi qu’elle laissa ses montagnes natales. Tranquillement, mes parents mirent sur pied un petit commerce qui fructifia très bien. Comme le veut la tradition berbère, mes parents eurent de nombreux enfants. Un fossé allait se creuser entre les valeurs véhiculées par mes parents, et celles du pays qui nous avait vus naître. Pour certains de mes frères et sœurs, tout semblait normal, il ne leur serait pas venu à l’idée de remettre en question un ordre établi aussi rigide que celui de la culture berbère ; pour moi, il en fut tout autrement. Je ne pouvais pas comprendre le pourquoi de certaines coutumes, je ne voyais pas pourquoi je devais me plier à toutes ces règles qui n’avaient aucun sens dans le contexte de vie de mon pays natal. Très tôt, je me suis rebellée contre l’ordre établi, mais je savais que la lutte serait dure et solitaire.
Encore aujourd’hui, de nombreuses jeunes filles vivant en France et issues de la communauté magrébine subissent des mariages forcés et sont victimes de violence des hommes de leur famille. Trouver un équilibre entre les valeurs de sa culture d’origine et celles de la culture du pays de naissance représente encore beaucoup de difficultés.
En ce sens, je pense que mon histoire est une histoire universelle touchant la vie de milliers de femmes issues d’une culture traditionnelle. J’ose surtout croire qu’elle pourra aider de nombreuses femmes à trouver leur chemin, à se déculpabiliser, à voir qu’il est possible de faire sa vie malgré le poids des traditions.
Ce livre est dédié à toutes les petites filles du monde, qui vont un jour devenir des femmes.

Mila Younes

* Pour les mots en italique, on trouvera une brève définition dans le glossaire .
I Drame familial

J’entendis des pleurs venant de la chambre à coucher. Je crus reconnaître la voix de ma demi-sœur, Samia. Pourquoi pleurait-elle à si gros sanglots ? Je bondis vers la chambre. En tournant la poignée, je sentis une résistance. Ma mère ouvrit la porte et me somma de me retirer ; ce qui se passait ne me regardait pas. J’insistai pour entrer, mais je dus céder. Je repartis m’allonger sur le divan, m’interrogeant sur les raisons de ce nouveau drame familial. C’était probablement une histoire de mariage : naître Algérienne et, de ce fait, musulmane, est le premier drame de notre existence ; le second, c’est quand vient le temps de la puberté et que les familles songent à nous marier. Je retournai à mon silence, l’esprit tourmenté, effrayée par la perspective d’avoir un jour à vivre une telle horreur.
L’heure du souper arriva enfin. Toute la famille se réunit autour de la table. Je regardai ma sœur attentivement ; ses yeux étaient gonflés par les pleurs. Elle avait dû passer à la cravache, méthode pratiquée couramment au sein des familles. Ma mère et mon père s’entretinrent de choses banales, feignant d’ignorer la détresse de ma sœur et la révolte qui montait en moi. Elle avait peine à avaler les bouchées pourtant appétissantes. Les yeux baissés, elle pleurait dans son assiette.
J’attendais le moment où je pourrais me retrouver seule avec elle pour lui parler. Mes frères, une fois le repas terminé, partirent comme d’habitude rejoindre leurs copains de la rue, pendant que nous, les filles, vaquions aux occupations ménagères. Enfin, nous nous parlâmes à demi-mots. Samia sanglotait entre deux phrases : « Ils veulent me marier à Rachid, l’affreux gars qui vient ici tous les jours. Je ne veux pas ! » Abattue, elle monta se coucher. Cette nuit-là, je restai éveillée une bonne partie de la nuit. J’avais peur ! Je ne voulais pas que cela m’arrive et, en même temps, je me demandais comment il serait possible de sortir de l’étau familial.
Pourquoi vouloir nous marier à tout prix ? Pourquoi décider à notre place ? Mon cœur et mon esprit d’adolescente ne comprenaient pas l’idée du mariage, ni son importance. Je ne saisissais pas très bien les relations humaines au sein de la famille. C’étaient toujours des situations obscures et confuses, des drames qui n’en finissaient pas, qui revêtaient un air d’irréalité. Est-ce que je rêvais ou était-ce la réalité ? Dans quel monde avais-je atterri ?
L’école représentait mon seul espace libre. Mes parents n’avaient pas eu la chance de fréquenter l’école, ils ne pouvaient donc pas pénétrer cette partie de mon univers. J’aimais y aller. Je rencontrais des copines françaises, elles semblaient libres, elles souriaient ; leur père ne les suivait pas quand elles s’y rendaient.
Quand je sentais mon père me suivre, la colère montait en moi. J’étais révoltée et me sentais violée dans mon être le plus intime ; je voulais qu’il disparaisse. Pour lui et les siens, le contrôle des jeunes filles va très loin. Leur virginité valait de l’or ; elle était sacrée. Sa disparition possible engendrait des craintes maladives. Mais quelle est donc cette chose qu’il fallait tant protéger à tout prix et qui menait au désespoir, au crime même lorsqu’elle disparaissait avant le mariage ?

Je fréquentais une école de comptabilité. J’avais été retirée du système scolaire public pour raison officielle de refus d’apprentissage.

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