Parise
300 pages
Français

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Description

Thérèse Bernis, alias Parise, mère de six enfants nés au gré des rencontres, enfin épousée à 52 ans, se bat pour vaincre la pauvreté. Après avoir quitté la Guadeloupe, elle rejoint la France où elle mène la vie épuisante de femme de ménage parfois sans domicile. Elle poursuit un but : celui de faire connaître ses malheurs de la Guadeloupe afin de les exorciser. Son récit révèle les mille faces de son île natale tout au long du 20e siècle et témoigne du courage de tant d'Antillais qui ont cherché par tous les moyens à vivre dignement.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2006
Nombre de lectures 336
EAN13 9782336284309
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Paysans du Guatemala, quelle éducation ?, L’Harmattan, 1980.
Guatemala, les enfants dessinent, La Cimade, 1982.
Lire et écrire, méthode pour les femmes immigrées (en collaboration),
L’Harmattan, 1985.
Hawa , l’Afrique à Paris , Flammarion, 1991.
Atanasio , parole d’Indien du Guatemala , L’Harmattan, 1993.
Maurice, garde-chasse en Picardie, L’Harmattan, 2000.
Parise
Souvenirs encombrants de la Guadeloupe

Thérèse Bernis
Catherine Vigor
1 ère édition, Ramsay, Paris, 1997.
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
@ L’Harmattan, 2006
9782296000377
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Avant-propos Prologue PREMIÈRE PARTIE - La Guadeloupe
Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10
DEUXIÈME PARTIE - La France
Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17
TROISIÈME PARTIE - Mes deux pays
Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Chapitre 23 Chapitre 24 Chapitre 25 Chapitre 26 Chapitre 27
Avant-propos
Quand j’ai connu Parise, elle avait soixante-treize ans et son désir le plus cher, c’était d’écrire sa vie, mais elle n’y arrivait pas seule. Elle ne savait pas assez bien le français pour cela car sa langue maternelle est le créole de Guadeloupe. J’ai volontiers accepté de l’aider, sans me douter qu’elle avait en elle un grenier aussi plein à craquer de souvenirs.
Après avoir transcrit le récit d’Hawa, Africaine du Mali, et celui d’Atanasio, Indien maya d’Amérique centrale, l’idée d’écrire l’histoire de Parise me plaisait. D’origine africaine et noire comme Hawa, descendante d’esclaves comme Atanasio, d’une certaine manière, il me semblait que Parise serait à la croisée des chemins de mes interlocuteurs précédents. Comme eux, elle éprouvait un impérieux besoin de parler, de se libérer du poids qui alourdissait son cœur depuis longtemps.

C’est en découvrant avec angoisse que sa retraite ne lui permettrait pas de vivre comme elle l’espérait que Parise a senti quelque chose se déclencher en elle. Sans pouvoir se l’expliquer, elle a entendu monter dans sa tête des airs venus de son passé antillais. C’étaient des mélodies que sa mère chantait en cultivant la terre de Pliane, son village natal. Et, petit à petit, les paroles des vieux airs qu’elle fredonnait se sont changées en des mots qui lui étaient propres et qu’elle a voulu écrire. Et ce fut « comme une nouvelle naissance ». En griffonnant tant bien que mal les paroles de ses chansons, Parise soulageait son esprit et son cœur encombrés, et elle revivait.
Puis elle s’est aventurée dans la rédaction de ses souvenirs épars avec l’aide d’Yvonne, sa grande amie de Paris. Les récits de son enfance antillaise et de son existence à Paris ne formaient pas encore un texte lisible. Parise exprimait ses nombreux conflits intérieurs, ses amertumes et ses espoirs d’une manière trop immédiate, irréfléchie et souvent désorganisée. Il lui fallait quelqu’un qui puisse réunir les carrés du patchwork de sa vie déchirée pour en faire un tissu, bariolé certes, mais à la trame solide. Mon travail commençait.

Nous avons toutes les deux repris le film de sa vie, essayant de dépasser les événements déjà rapportés pour entrer dans le cœur de ses contradictions. Française mais pas blanche, noire mais plus esclave, chrétienne mais entravée par la sorcellerie, libre mais enchaînée au travail et à l’argent, Parise a exprimé à cœur ouvert le bouillonnement de ses sentiments. Elle m’a parlé longuement, et dans la confusion de son esprit curieux et généreux, il m’a fallu construire avec elle une certaine logique dans le déroulement de son récit. Elle a voulu se montrer telle qu’elle est, sous tous les angles de sa personnalité contrastée, et elle s’est dévoilée, peu à peu, sans indulgence. « À soixante-seize ans, dit-elle, on a suffisamment vécu pour ne plus craindre le jugement, l’incompréhension ni même le mépris des autres. Les jeux sont faits, on est nu comme à la naissance et je parle comme je dois parler, je raconte ma vie telle qu’elle a été et non comme j’aurais préféré qu’elle soit. »

La richesse du témoignage me semblait prometteuse mais l’enchevêtrement des faits et le chaos des sentiments étaient encore un obstacle à la lecture. J’ai pensé alors qu’en tentant de découvrir les racines de Parise, j’arriverais mieux à saisir qui elle était et que le document en serait sans doute plus juste et plus convaincant. Je suis donc allée la rejoindre en Guadeloupe et là, j’ai découvert une autre Parise, non pas l’Antillaise de la région parisienne, mais la Guadeloupéenne fortement attachée à ses racines et imprégnée de culture caraïbe. Et il m’a paru particulièrement opportun, une fois sur son terrain, de l’écouter parler non seulement de sa propre vie mais également de ce qu’elle pensait des changements survenus dans son île au cours du XX e siècle qu’elle a largement traversé.

Voulant rester fidèle aux oppositions qui coexistent chez elle, j’ai souhaité garder la diversité des tons. Quand il s’agit de raconter la saga familiale au XIX e siècle, Parise s’exprime avec fierté, enthousiasme et humour alors qu’à l’évidence, ses errances dans le Paris des sans-abri des années cinquante sont dites d’une voix désorientée, triste, désabusée.
J’ai transcrit ses mots propres et elle en connaît des quantités, qu’ils soient typiquement antillais ou résolument français, désuets ou récents, ordinaires ou poétiques, car, sans peut-être le savoir clairement, c’est par la parole que Parise cherche à conquérir sa liberté : « Si j’arrive à m’exprimer, je serai comme les autres qui sont capables de dire ce qu’ils ont dans le ventre, dans le cœur et dans la tête. » La parole aura été libératrice.
J’ai été touchée par l’honnêteté et surtout par l’immense courage de Parise qui a lutté toute sa vie contre ce qu’elle appelle « les sorts », qu’ils prennent la forme visible de la pauvreté, de la violence conjugale, de l’injustice, ou celle de catastrophes naturelles sous l’apparence de cyclones. Elle a souvent été seule dans son combat et c’est par son acharnement à vivre qu’elle a pu venir à bout de l’ adversité.
Mon but, en transformant son témoignage oral en une narration écrite, a été d’encourager ma vieille amie sur la voie de la liberté et de la vérité qu’elle recherche.
C. VIGOR , Paris, février 1997.
La Guadeloupe
Prologue
- Faites entrer Mme Bernis ! disaient les employeurs.
Et qui voyaient-ils entrer : une nègre ! Comment auraient-ils deviné ? Si j’avais été une Boubacar, une Diallo, ils auraient su, mais une Bernis !
Lorsque à mon arrivée en France, dans les années cinquante, je cherchais du travail et que je disais à ces messieurs dans un très mauvais français que Mme Bernis, c’était bien moi, je voyais leur surprise. Ils s’attendaient à voir apparaître une Blanche et c’était une Noire qu’ils avaient devant eux. Alors ils feuilletaient leurs dossiers, tournaient et retournaient leur crayon entre leurs doigts et n’osaient pas lever les yeux tant ils étaient embarrassés.
À cette époque-là, les Français n’avaient pas l’habitude des Noirs et ils étaient méfiants. Maintenant il y a moins de différence entre les Blancs et nous, mais auparavant, aussi loin que remontent mes souvenirs d’enfance en Guadeloupe, c’est-à-dire dans les années vingt, les Blancs avaient honte de nous, même quand nous étions leurs domestiques. C’est peut-être pour cela que je me suis toujours sentie inférieure, je ne savais pas me mettre en valeur et surtout je ne savais pas m’exprimer en français. Encore aujourd’hui, je ne suis pas satisfaite de ma manière de parler. Je suis française et c’est normal que je parle votre langue, mais souvent j’ai l’impression que je ne suis pas une Française comme vous, les gens de France, car je n’arrive pas à dire les choses aussi bien que je voudrais. Pourtant j’aime cette langue que Paris, au milieu de la dureté de ma vie, m’a donnée, et je voudrais que ce livre raconte mon histoire dans des mots qui soient beaux, des mots qui plaisent aux gens, des mots qui aient une belle musique.

Je crois que je suis née trop tôt. J’aurais dû naître dix ou vingt ans plus tard. Mes parents n’avaient pas compris le sens de la vie. Ils ne réfléchissaient pas, ils étaient trop primitifs et ils n’ont pas essayé de comprendre la gravité de mettre au monde un enfant qui vient sur la terre pour y vivre quatre-vingts ans ou plus. Et moi qui croyais que j’avais un peu mieux compris qu’eux, q

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