Hannah Arendt

Christian Delmas

Description

Face aux excès de la pensée binaire, Hannah Arendt oppose une pensée trinitaire qui remet en jeu ce que la binarité rejette ou minore : la pluralité. Entre le "Un" et le "Tout", il y a toujours une place pour le troisième élément. Un événement est toujours obtenu après la cristallisation de trois éléments. Cette propriété s'applique aux notions et s'étend à tout le corpus arendtien. Cette structure "trois-en-un" permet d'appréhender différemment les nombreux noeuds problématiques qui parsèment son oeuvre.

Sujets

• Philosophie
• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 mars 2006
• Nombre de lectures: 330
• EAN13: 9782296143722
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 9 Mo

Extrait

HANNAH ARENDT
UNE PENSÉE TRINITAIREhttp://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan @wanadoo.fr
harmattanl
iD L'Harmattan, 2006
ISBN: 2-296-00261-7
EAN : 97822960026 I 6Christian Delmas
HANNAH ARENDT
UNE PENSÉE TRINITAIRE
Une nouvelle approche de son œuvre
L'Harmattan
5-7, me de l'École-Polyteclmique ; 75005 Paris
FRANCE
Espace L'Harmattan KinshasaL'Hannattan Hongrie L'Harmattan Italia L'Harmattan Bnrkina Faso
;Fac..des Sc. Sociales, PoL et Adm. Via Degli Artisti, 15 J200 logements villa 96Kônyvesbolt
BP243, KIN XI 10124 Torino 1282260
Kossuth L. u. 14-16
Université de Kinshasa ITALlE Ouagadougou 12RDC-1053 BudapestOuverture Philosophique
Collection dirigée par Dominique Château,
Agnès Lontrade et Bruno Péquignot
Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux
originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques.
Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions
qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y
confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique;
elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser,
qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences
humaines, sociales ou naturelles, ou... polisseurs de verres de lunettes
astronomiques.
Déjà parus
Stéphanie GENIN, La Dimension tragique du sacrifice, 2006.
Claude DEBRU, Jean-Jacques WUNENBURGER (dir.), La
recherche philosophique et l'organisation des masters en
France et en Europe, 2006.
Harold BERNAT-WINTER, Nietzsche et le problème des
valeurs,2005.
Sylvain PORTIER, Fichte et le dépassement de la « chose en
soi », 2005.
Dominique BERTHET, Jean-Georges CHALI, Le rapport à
l'œuvre,2005.
Edwin CLERCKX, Langage et affirmation, Le problème de
l'argumentation dans la philosophie de Nietzsche, 2005.
Augustin BESNIER, L'épreuve du regard, 2005.
Pierre GOUIRAND, Tocqueville, une certaine vision de la
démocratie, 2005.
Léopold MFOUAKOUET, Jacques Derrida. Entre la question
de l'écriture et l'appel de la voix, 2005.
Jean ZAGANIARIS, Spectres contre-révolutionnaires.
Interprétations et usages de la pensée de Joseph de Maistre.
XIXe -XXe siècles, 2005.
Jean-René VERNES, Le principe de Pascal-Hume et le
fondement des sciences physiques.Comme l'océan qui s'étend entre les continents, le langage se meut entre les individus.
[...J
Et tout au milieu, dans la houle et la temPête, dans l'écume vaine aspergeant le cie~
loin de toute terre habitée,
la poésie et le mal de mer voisinent.
Fritz Mauthner, Beitrage einer Kritik der Sprache.ZfI
IntroductionNée à Linden (non loin de Hanovre) le 14 octobre 1906, c'est à
Konigsberg - ville réputée par son climat « éclairé» - que Hannah Arendt
passe son enfance. Elle y mène une vie aisée et l'éducation qu'elle reçoit est
largement influencée par l'Atifklarung. Mais toute une série d'événements
(antisémitisme, guerre de 1914-1918, crise économique) va venir ternir les
espoirs placés dans ce type d'éducation. Très jeune, elle prend conscience de
la notion de différence à partir de l'antisémitisme:
C'est par le biais des réflexions antisémites des enfants de la rue [...] que
ce mot m'a pour la première fois été révélé. C'est à partir de ce moment que
j'ai été pour ainsi dire « éclairée» [...] je savais par exemple, alors que
j'étais enfant [...] que j'avais l'air juive, c'est-à-dire que j'avais l'air
Idifférente des autres. l'en étais tout à fait consciente.
Si ces arrière-grands-parents et surtout le grand-père Max défendaient
les buts des Lumières, Arendt se rend vite compte que le climat a changé et
que des concepts comme l'assimilation et l'émancipation générale, une fois
confrontés àlaréalité, deviennent vite problématiques. L'orientation de ses
études universitaires est certainement une tentative d'apporter quelques
éclaircissements à ses réflexions. En 19242, elle préfère suivre, à Marbourg,
les cours de philosophie de Martin Heidegger qui savait distinguer « entre un
objet d'érudition et une chose pensée »3que ceux divisés en disciplines et qui,
loin de transmettre la philosophie, la vidaient « de sa substance par un ennui
sans fond »4.À la même époque (1924-1928), elle étudie la théologie chez
Bultmann et participe à des débats sur des questions théologiques et
existentielles. Elle est âgée de vingt-deux ans lorsqu'elle soutient sa thèse sur
Le conceptd'amour chezAugustin en soulignant l'importance du monde dans la
relation entre « moi» et « Dieu ».
À la fin de ses études, elle dispose d'une maturité philosophique assez
grande et du recul nécessaire pour commencer, en 1930, ses travaux sur
1. A.Rei£, Hannah Arendt, p. 16£. Citée également par Wol£gang Heuer in Hannah Arendt,
p.13.
2. En 1925, elle quitte Marbourg et poursuit à Fribourg ses études chez Husserl. En 1926,
elle passe son année de maîtrise chez Jaspers à Heidelberg.
3. Heidegger,« L'expérience de la pensée », inQuestions III, p. 23. Voir aussi Viespolitiques,
p.309.
4. H. Arendt, Vies politiques, p. 308.
9Rahel Varnhagen : La vie d'unejuive allemande à l'époque du romantisme et sur les
premiers articles de La tradition cachée (1932-1948). Dans les deux cas, le
thème central est le Juif confronté au problème de l'assimilation. Les deux
solutions proposées -la figure du parvenu et le juif comme paria - montrent
vite leur limite: l'assimilation qui caractérise le parvenu ne peut
s'accompagner que d'une perte d'identité (on ne peut s'assimiler qu'en devenant
antisémite) et quant au paria conscient, il paie le choix du statut de la
différence en s'excluant de la sphère politique. Le paria est un apatride. De
nouveau le concept interpellé est celui de la différence.
Puis vint 1933, les événements se précipitent et l'Histoire se confond avec
sa propre vie. Elle est arrêtée puis relâchée par la police hitlérienne. Déçue
par ses amis qui se soumettent à une vague de mise au pas, elle quitte Berlin
en août 1933, se réfugie à Paris où elle devient membre de l'organisation
mondiale sioniste et travaille au transfert d'enfants juifs en Israël. En 1937,
elle renonce à la nationalité allemande; elle s'exile, en 1941, aux États-Unis.
Hannah Arendt meurt le 4 décembre 1975. On trouva, juste après sa mort,
sur sa machine à écrire, une feuille qui portait le titre de la troisième partie
de La vie de l'esprit: «Jugement ».
Les travaux de Hannah Arendt ont retenu l'attention pour au moins
trois raisons:
1. Un traitement particulier du totalitarisme qui conduit à dévoiler un point
de connexion entre le nazisme et le stalinisme: la désolationcomme
expérience de masse. L'enfer ce n'est pas les autres, mais l'absence de liens avec
les autres et avec soi-même.
2. Proposer une nouvelle approche du politique où le pouvoir peut se
concevoir sans violence ni domination.
3. Mais une telle approche qui est pour le moins surprenante suppose des- -
conditions de possibilité. Quelles sont-elles?
. renouer avec la trinité augustinienne (tradition, autorité, religion),
.repenser la« condition humaine» à partir des trois activités (travail, œuvre
et action) de la« Vita activa» et des trois facultés de l'esprit (pensée, volonté,
jugement) normalement réservées à la « Vita contemplativa »
. enfin le politique « repose sur un fait: la pluralité humaine» qui concerne
leshommes et non pas l'homme.
10Son premier chef-d'œuvre (1951), les Origines du totalitarisme, consacre
Hannah Arendt penseur politique. Cet ouvrage qui comprend trois parties
(L'Antisémitisme, L'Impérialisme et leSystème totalitaire) joue un rôle capital dans
l'interprétation de son œuvre complète. Un rôle capital ne signifie pas
exclusif. Cette nuance semble avoir été ignorée par tout un courant de
commentateurs
- représenté par certains intellectuels des années
70/80qui s'est focalisé sur la critique des totalitarismes en prenant le risque non
seulement d'occulter certaines œuvres comme La crise de la culture et
Condition