L éthique comme philosophie première ou la défense des droits de l autre homme chez Emmanuel Levinas
76 pages
Français

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L'éthique comme philosophie première ou la défense des droits de l'autre homme chez Emmanuel Levinas , livre ebook

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Description

Aucun homme, aucune pensée, ne peut prétendre avoir la perception totale de la réalité. La perception de la réalité, dans sa totalité, exige le point de vue des autres. Autrement dit, la pensée ne commence que lorsque je rencontre l'autre homme. La pensée est écoute et réponse à la parole de l'autre ; elle est dialogue. Et c'est ce dialogue qui permet de parvenir à l'indispensable conciliation de la vérité avec la justice et de la politique avec l'éthique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 92
EAN13 9782296813878
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’éthique comme philosophie première
ou la défense des droits de l’autre homme
chez Emmanuel Levinas
Siméon Clotaire Mintoume


L’éthique comme philosophie première
ou la défense des droits de l’autre homme
chez Emmanuel Levinas


Préface d’Emilio Baccarini
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55395-8
EAN : 9782296553958

Fabrication numérique : Socprest, 2012
A toi, mon frère, qui a précocement quitté cette vie
Préface
A partir de l’expression levinassienne l’éthique comme philosophie première , l’essai de Siméon Clotaire Mintoume dessine un parcours introductif à la pensée d’Emmanuel Levinas et entend en même temps expliciter quelques-uns des éléments les plus pressants pour nous aujourd’hui.

Emmanuel Levinas (1905-2005) a traversé presque tout le 20 e siècle, mais sa pensée manifeste aujourd’hui une urgence qui permet de mieux comprendre et résoudre quelques-unes des questions les plus radicales de notre société inquiète, de notre humanité planétaire. Le problème humain par excellence est celui de la justice et de la reconnaissance des droits de l’homme. L’inquiétude est donc à la fois existentielle, sociale, politique et besoin d’un nouvel ordre du monde. L’humanité a surtout besoin d’une nouvelle conscience éthique, qui n’est pas une demande dans l’ordre du moralisme d’une société en décomposition qui ne voit pas de perspectives pour son futur et s’agrippe à la force de la tradition et ses valeurs. La nouvelle exigence éthique est au contraire « épocale », une nouvelle utopie de l’humain.

Le bref essai de Siméon Clotaire Mintoume a justement le pathos de cette nouvelle utopie vécue dans les contradictions brûlantes du continent africain. Son travail saisit les éléments fondamentaux du parcours du philosophe français. La source juive de la métaphysique ne signifie pas une métaphysique religieuse, mais plutôt une métaphysique qui, en dépassant le primat de l’ontologie, accomplit son propre sens dans l’éthique. Celle-ci à son tour, n’est pas simplement une théorie de l’action, mais découvre le sens le plus vrai de la subjectivité. La confrontation entre la déconstruction heideggérienne du sujet comme être destiné tout seul à la mort et l’assignation éthique de l’autre dont je suis originellement responsable est tout à fait intéressante. Le sujet ne disparaît pas dans les brouillards de l’être, au contraire il a sa valeur dans le visage qui, se retirant dans sa manifestation, réclame son sens qu’est l’accomplissement de la justice. La finitude n’épuise pas son sens dans la mort, mais en se présentant comme la parole qui réveille, exprime une nouvelle rationalité, ou du moins un nouvel exercice de la rationalité qui est écoute et donc réveil à la proximité.

En décrivant le parcours éthique levinassien, l’auteur aboutit à la signification politique de sa proposition philosophique. Mais pour Levinas la politique n’est rien d’autre qu’exercice de la justice, c’est-à-dire capacité de construire des institutions où l’on peut « être-entre-nous ». Le travail de Siméon Clotaire Mintoume nous suggère que la pensée d’Emmanuel Levinas peut aider l’Afrique, continent qui est à la recherche d’un nouveau rangement, à construire une nouvelle culture des droits.


Emilio Baccarini

Université de Rome Tor Vergata
Introduction
Ethique comme philosophie première est le thème d’une conférence donnée par Emmanuel Levinas en septembre 1982 à Louvain après la publication de De Dieu qui vient à l’idée, « le dernier ensemble philosophique parfaitement construit » d’Emmanuel Levinas selon Jacques Rolland {1} , et L’au-delà du verset , le plus beau des recueils de ses lectures talmudiques. On est donc en droit de considérer que la proposition selon laquelle l’éthique est la philosophie première est celle qui résume la pensée d’Emmanuel Levinas.
Lorsqu’Emmanuel Levinas l’affirme, il s’attaque directement à la pensée occidentale qui considère l’ontologie comme la philosophie première. Dès l’entame de son chef-d’œuvre, Totalité et infini, il déplore le fait que
La philosophie occidentale a été le plus souvent une ontologie : une réduction de l’autre au même, par l’entremise d’un terme moyen qui assure l’intelligence de l’être. Cette primauté du même fut la leçon de Socrate. Ne rien recevoir d’autrui sinon ce qui est en moi, comme si, de toute éternité, je possédais ce qui me vient du dehors {2} .
La question qu’il se pose est alors celle de savoir si la rationalité humaine coïncide avec cette tyrannie ou cet impérialisme du même. Sa réponse est naturellement négative. La rationalité n’est pas « la manifestation d’une liberté neutralisant l’autre et l’englobant » {3} . Au contraire, elle commence avec « la mise en question de cette sauvage et naïve liberté » {4} de celui qui se considère seul au monde et pense que le monde lui est totalement donné , elle commence avec la mise en question du Moi devant le visage de l’autre. Car « le visage parle » {5} et, comme tel, « il détruit à tout moment, et déborde l’image plastique qu’il me laisse, l’idée à ma mesure et à la mesure de son ideatum – l’idée adéquate » {6} , il rompt la corrélation. Et c’est justement cette mise en question du Moi ou cette rupture de la corrélation par le visage de l’autre que Levinas appelle l’éthique :
L’étrangeté d’Autrui – son irréductibilité à Moi – à mes pensées et à mes possessions, s’accomplit précisément comme mise en question de ma spontanéité, comme éthique. La métaphysique, la transcendance, l’accueil de l’Autre par le Même, d’Autrui par Moi se produit concrètement comme la mise en question du Même par l’Autre, c’est-à-dire l’éthique qui accomplit l’essence critique du savoir {7} .
Ainsi, dire que l’éthique est la philosophie première c’est affirmer que la raison ou la pensée commence avec la mise en question du Moi devant le visage de l’autre. Ce qui revient à dire que « l’accueil du visage et l’œuvre de la justice conditionnent la naissance de la vérité » {8} . En d’autres termes, la pensée n’est pas une complaisance dans le Même, une réminiscence ou une méditation solipsiste. Au contraire, elle est la responsabilité pour l’autre homme : penser c’est dialoguer, c’est répondre à l’autre, c’est apprendre de façon non maïeutique.
L’éthique levinassienne ou la mise en question du Moi devant le visage de l’autre est donc une déconstruction de la subjectivité qui est à l’œuvre dans la philosophie occidentale depuis Socrate et, plus précisément une déconstruction du sujet transcendantal des modernes. Levinas n’est pas le premier à tenter cette entreprise. Elle avait déjà été amorcée par Heidegger. Mais la déconstruction heideggérienne culminait dans une destruction de la subjectivité humaine puisqu’elle réduisait l’existence humaine à naître, vivre et mourir, c’est-à-dire à une existence anonyme, impersonnelle, égale pour tout le monde. C’est du reste en cela qu’on est en droit d’y voir posées les bases du totalitarisme {9} puisque la société qui se déduit de cette ontologie fondamentale n’est plus une pluralité d’interlocuteurs mais une multiplicité numérique. C’est pour cela qu’après s’être abreuvé à la source heideggérienne, Levinas a signalé dès 1947, l’urgence de sortir du climat de cette philosophie {10} .
La mise en question du Moi ou l’éthique de Levinas n’est donc pas une destruction de la subjectivité comme chez Heidegger, mais au contraire elle est une défense de la subjectivité. La pensée de Levinas est en même temps une mise en question du Moi et une défense de la subjectivité. Car c’est l’altérité de l’autre homme qui se manifeste dans le langage qui met le moi en question. Il s’agit donc en réalité de la protestation contre toutes les formes de totalitarisme, de la défense des droits de l’homme. Mais la nouveauté de Levinas, par rapport à un Emmanuel Kant par exemple dont l’impératif catégorique est aussi le devoir de respecter l’humanité propre et celle de l’autre, réside dans le fait qu’il s’agit d’abord chez Levinas de la défense de l’humanité de l’autre homme : « la justice bien ordonnée commence par autrui » {11} . En d’autres termes, les droits de l’homme ne sont tels que s’ils sont d’abord les droits de l’autre homme et surtout du plus vulnérable, de l’orphelin, de la veuve, de l’étranger…
Ce travail qui veut être une introduction à l

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