La matière et l esprit
308 pages
Français

La matière et l'esprit , livre ebook

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308 pages
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Description

Ce livre clôt une vie de travail au point de rencontre de la philosophie et des sciences. C'est tout notre vieux monde qui est ainsi ausculté, du cosmos à la cellule vivante, du Thériodonte à l'homme, avec Kant, Merleau-Ponty ou d'Espagnat, Hawking, Berthoz, Damasio ou Chandebois, mais surtout avec Bergson. Ce dernier est quelque peu occulté aujourd'hui. Cet ouvrage le réhabilite, sans toutefois méconnaître les progrès accomplis depuis Bergson par les neurosciences et la neurophysiologie.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2016
Nombre de lectures 42
EAN13 9782140011252
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MichelLEFEUVRE
LA MATIÈRE ET L’ESPRITVariations sur un thème
OUVERTUREPHILOSOPHIQUE
La matière et l’espritVariations sur un thème
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions René PASSERON,L’amour refus,2016 Mouchir Basile AOUN,La Cité humaine dans la pensée de Martin Heidegger. Lieu de réconciliation de l’être et du politique, 2016. Nikos FOUFAS, La critique de l’aliénation chez le jeune Marx, 2016. Patrick MBAWA DEKUZU YA BEHAN,Le paradoxe du pardon chez Paul Ricoeur. De la gratuité à la gratitude, 2016. Hélène MICHON, Tamás PAVLOVITS,La sagesse de l’amour chez Pascal, 2016. Philippe FLEURY,Figures du gnosticisme, 2016. Auguste NSONSISSA,La grammaire de la signification.Querelle des fondements de la philosophie contemporaine du langage,2016. Pascal GAUDET,Qu’est-ce que la philosophie ?, Recherche kantienne,2016.Godefroy NOAH ONANA,Tradition et modernité.Rupture ou continuité ?,2016.Benoît BASSE,De la peine de mort en philosophie, Quel fondement pour l’abolition ?,2016. Bruno TRAVERSI,Le corps inconscient. Et l'Ame du monde selon C.G. Jung et W. Pauli,2016.
Michel Lefeuvre La matière et l’esprit
Variations sur un thème
Ouvrages du même auteur Merleau-Ponty au-delà de la phénoménologie, Klincksieck, 1976. Nature et Cerveau, Klincksieck, 1991. Les Échelons de l’être, L’Harmattan, 1997. Une critique de la raison matérialiste. L’origine du vivant, avec Michel Troublé, L’Harmattan, 2003. Scientifiquement incorrect ou les dérives idéologiques de la science, Salvator, 2006. Le cerveau et la putain, Salvator, 2010. Science et Philosophie. Panorama 1945-2012, Salvator, 2013. © L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08155-7 EAN : 9782343081557
LES COMMENCEMENTS...
Remerciements
1 Ce livre est un recueil de dix-huit articles récents , écrits de 2007 à 2015 dont je suis l’auteur et qui n’avaient pas été publiés. Mon épouse, Marie-Claire, a eu l’idée d’en faire un livre. Dans ce but, pour éviter autant que faire se peut des redites et une lecture décousue, elle les a unifiés et mis en forme pour construire dans une certaine mesure un plan général, progressif, maissans jamais toucher au contenu... C’est un gros travail dont je la remercie.
Avant-propos
La philosophie des sciences est vaste ; les points de vue sont donc variés. L’axe de ma pensée, en dernière analyse, c’est le rapport du cérébral et du mental : le cerveau amorce, déclenche le mental, la perception, l’imaginaire, la pensée ; mais il n’en est pas la cause.
Prélude
Quand j’arrive à Paris, en octobre 1947, à 22 ans, j’ai déjà entendu parler d’existentialisme par mon professeur de philosophie, mais je n’en sais pas grand-chose, sauf que c’est une philosophie qui accorde le primat à l’existence sur l’essence ; c’est à peu près tout. Pour moi l’existence est un concept, mais il va falloir que je suive à La Sorbonne les cours du professeur Daniel Lagache, ami de Sartre, philosophe,
1 Certains de ces articles sont des conférences, avec le style parlé correspondant.
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médecin, psychanalyste, pour apprendre qu’« existence » signifie incarnation, enracinement de la vie dans la chair ; la philosophie a trop longtemps plané dans des abstractions, selon les existentialistes. Tels furent mes premiers pas dans l’univers philosophique. La philosophie l’a trop souvent oublié : pour elle, notre corps, bien que très différent sans doute des autres choses, est tout de même encore une chose. Pour un médecin qui ausculte un malade, un poumon, un cœur, un rein sont pour lui des organes-choses. C’est d’ailleurs ce qu’on lui a appris à la Faculté de médecine : le corps en pièces détachées. Pour un existentialiste, avant même d’être une chose, le corps existe, et c’est à partir de là que l’existentialisme va rejoindre à la fois la phénoménologie et la psychanalyse. Que dit en effet le phénoménologue ? Il dit tout simplement que c’est par notre corps que nous découvrons le monde, que nous voyons, que nous touchons, que nous le percevons, enfin. Pour lui, parler du corps comme d’uncorps objectifne suffit pas ; il faut encore en parler comme d’uncorps phénoménal, c’est à dire qui nous donne accès aux couleurs du monde, aux sons, aux formes… À partir de là, la grande question qui se pose est d’essayer de comprendre quels sont les liens qui unissent corps phénoménal et corps objectif : c’est un problème autour duquel je n’ai cessé de réfléchir toute ma vie. Dans les années où j’étais étudiant à Paris la phénoménologie jouissait d’un véritable engouement ; aujourd’hui le balancier est reparti dans l’autre direction : L’homme neuronal, de J. P. Changeux, en est un exemple typique : il suffit à l’homme d’être un homme neuronal pour être un homme Au tournant des années 1970 une autre vague philosophique, se prétendant plus proche du réel que ne l’était l’existentialisme, commença à le supplanter, ce fut le structuralisme dont le principal représentant, tout au moins en France, est Lévi-Strauss. Sartre eut beau répondre par un
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immense volume (755 pages en écriture minuscule) intitulé : La Critique de la raison dialectique, il ne s’en sortit pas victorieux aux yeux de ses contemporains. Des débats s’en suivirent qui ne tournèrent pas en sa faveur ; en gros :la structure supplantait l’existence, le structuralisme l’existentialisme. À l’origine le structuralisme se cantonnait plus spécialement au champ de l’ethnographie ;Les structures élémentaires de la parentéLévi-Strauss en sont le témoignage le plus probant. de Je me suis alors engagé avec autant de curiosité à l’égard du structuralisme que je ne l’avais fait auparavant à l’égard de l’existentialisme. Ma curiosité me paraissait aller tellement de soi : c’est Lévi-Strauss lui-même dans le neuvième chapitre, « Histoire et dialectique », deLa Pensée sauvage(1962) qui invite son lecteur à comparer sa propre pensée à celle de Sartre. Un certain nombre de cours faits au Département de philosophie de l’Université de Dakar se ressentent directement ou non de cet intérêt majeur de ma pensée de l’époque pour la confrontation Sartre / Lévi-Strauss. Je pense que c’est au début des années 1980 que ma pensée, sans renoncer toutefois à ses intérêts antérieurs, allait prendre cependant une nouvelle orientation. Je m’étais toujours demandé, sous une forme ou sous une autre, ce que pouvait êtrele réel; celui-ci se limitait-il seulement à la matière, rien qu’à la matière, et pas à autre chose ou au contraire était-il davantage ? Or précisément le livre que venait justement de publier Bernard d’Espagnat me faisait directement un clin d’œil puisqu’il s’intitulait justement :A la recherche du réel(1981) ; le clin d’œil était d’autant plus significatif pour moi que je terminais juste la lecture deL’Homme neuronalde Jean- (1983) Pierre Changeux. L’un des derniers chapitres de cet ouvrage se conclut ainsi : L’homme n’a donc plus rien à faire de « l’Esprit », il lui suffit d’être 2 neuronal .Avec un peu ou beaucoup d’humour : les quanta contre les neurones ?? Soyons plus sérieux. 2 L’homme neuronal.Editions Fayard. 1983. P. 227.
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C’est à la suite d’une longue maladie au cours de laquelle je dus être rapatrié en France en 1986 que je pus reprendre le débat. Nous étions encore à cette date dans le « tout-génétique » ; c’est-à-dire que l’on accordait encore aux gènes un pouvoir qui dépassait largement leur unique fonction : fabriquer des protéines essentielles à la vie... Rentrons dans le détail : dans l’œuf aucun gène ne s’exprime encore ; ils commencent seulement à le faire à partir de l’instant où l’ovule est fécondé par le spermatozoïde. Se déroule alors dans l’œuf un processus régulier qui, selon Jacob et Monod, a pour effet de construire progressivement l’animal grâce à unprogrammeconcernant l’expression des gènes. Le développement de l’embryon jusqu’à la phase terminale est ainsi considéré comme le résultat de ladérépression séquentielle des gènes. L’embryologie classique du même coup perd sa raison d’être ; elle a été tout simplement supplantée par la génétique, conçue 3 d’ailleurs plus ou moins selon le modèle de la cybernétique* . Embryologie, génétique, cybernétique* semblent bien marcher d’un même pas à l’époque, selon le modèle Jacob/Monod, dit scientifique. C’est tout à fait par hasard que, rentrant un jour dans une librairie du quartier latin, je découvris, perdu dans la masse, un 4 livre :Le Gène et la Formeou la démythification de l’ADN, écrit par une embryologiste : Rosine Chandebois. À peu près inconnue malgré ses relations suivies avec le grand centre international d’embryologie d’Utrecht en Hollande, elle était professeure à l’Université de Provence/Aix/Marseille. Je découvris très vite que ce livre était d’une très grande qualité. Dès les premières pages je compris, à partir du développement des amphibiens (crapauds, grenouilles, salamandres...) que le modèle Jacob/Monod était bien insuffisant pour rendre compte de la complexité des processus mis en œuvre au cours de l’organogenèse. Pour « démythifier » le pouvoir des gènes, tel que l’entendent Jacob et Monod, rien
3 L’astérisque* qui suit le mot renvoie au lexique à la fin du livre. 4 Éditions Espaces 34, collection Espace Science. 1989.
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de plus signifiant que de se pencher sur les planches présentées par R. Chandebois concernant les différentes phases du développement de la grenouille. À mes yeux elle a découvert, au moins en grande partie, ce que découvriront dix ans plus tard les épigénéticiens.
Pourquoi Bergson aujourd’hui ?
Faisons pour commencer un petit rappel historique : Auguste Comte (1798-1857) publie sonCours de philosophie positivede 1830 à 1842. Dans sa première leçon, restée célèbre, il distingue troisétatsde l’humanité qui se sont succédés : l’état théologique, puis métaphysique et enfin positiviste ; or, réfléchissant sans a priori philosophique, Bergson (1859-1941) écrit :toutes ces philosophies diront, dans des langages variés, que la science a raison de traiter le vivant comme l’inerte... Pourtant, dans bien 5 des cas, on sent craquer le cadre.... Après le carnage de la guerre de 14-18, la crise de 1929, l’esprit positiviste revient insidieusement. L’Europe doute d’elle-même. Bergson n’a connu, ni la génétique, ni, à plus forte raison, l’épigénétique. Ce n’est que quelques années avant sa mort (1941) que Turing invente sa machine, nommée « Turing ». Celle-ci traite, non pas de la matière, comme les machines connues jusqu’ici, mais de l’information. Grâce à elle, Crick et Watson pensent enfin avoir découvert le secret de la vie, selon leur exclamation bien connue, en 1940. C’est à partir de ses connaissances en informatique que Jacques Monod tirera 6 l’essentiel de son célèbre petit ouvrage :Le Hasard et la nécessité, qui lui valut avec F. Jacob le Prix Nobel. Tant par leurs structures que par leurs fonctions, les êtres vivants, selon J. Monod, sont tout à fait comparables à des machines :cet aspect très mécanique et mêmetechnologique(souligné par Monod)des processus de traduction mérite d’être
5  Œuvres. Henri Bergson. Édition du Centenaire. PUF. 1991.L’Évolution créatrice. p. 662. 6 Le Hasard et la Nécessité.Éditions Points/Seuil 1973. p. 143.
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