LA RHÉTORIQUE DES PHILOSOPHES
152 pages
Français

LA RHÉTORIQUE DES PHILOSOPHES , livre ebook

-

152 pages
Français

Description

Cet ouvrage s'intéresse à l'importance des techniques argumentatives dans les correspondances philosophiques du XVIIe siècle : les philosophes, aussi célèbres soient-ils, (Descartes, Spinoza, Leibniz…) peuvent-ils se passer de rhétorique ? Par l'argumentation, c'est la question de la force du discours philosophique sur l'opinion, du pouvoir de la philosophie en matière de persuasion, qui est mise en jeu. Y a-t-il une place pour l'humour dans le discours philosophique ? Quelles sont les limites du discours philosophique ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2002
Nombre de lectures 160
EAN13 9782296281837
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA RHETORIQUE DES PHILOSOPHES
Essai sur les relations épistolairesAutres ouvrages publiés par le même auteur:
Diagonales. Essai sur le théâtre et la philosophie
(PU d'Avignon, Editions Arias, 1997)
Le paradoxe apprivoisé (Paris, Flammarion, 1998)
Présence du paradoxe en philosophie
(Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1998)
Crépuscule des préjugés (paris, Publibook, 2001)
~L'Hannattan,2002
ISBN: 2-7475-2110-9Olivier ABITEBOUL
LA RHETORIQUE DES PHILOSOPHES
Essai sur les relations épistolaires
L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia
5-7, rue de l'École-Polytechnique Hargi ta u. 3 Via Bava, 37
75005 Paris 1026 Budapest 10214 Torino
FRANCE HONGRIE ITALIEÀ Christine et RomanINTRODUCTION
« C'est par la peau qu'on fait rentrer
la métaphysique dans les esprits. »
(Antonin Artaud, Le Pèse-nerfs)Que le discours d'un philosophe ne se limite pas à
l'exposé de sa doctrine, ce n'est pas nouveau. On est même
souvent conduit à faire appel aux correspondances qu'il a pu
entretenir, afin d'éclairer cette doctrine. Mais que le discours
tenu par un philosophe dans une correspondance puisse avoir
un sens à part entière, cela voudrait dire qu'il y a une image
du philosophe à refaire.
Que certains philosophes manient la rhétorique et
utilisent des techniques argumentatives, c'est connu. Et après
tout, c'est même normal: il y a des philosophes qui ne sont
pas de vrais philosophes. A l'époque de Platon1, on les
appelait les sophistes2. Mais que les philosophes reconnus en
fassent autant, cela signifierait qu'il n'existe pas de vrais
philosophes ou, si l'on préfère, que les philosophes ne sont
pas ce que l'on pense.
On sait qu'il est dangereux de faire un rapprochement
entre deux philosophes. C'est un peu ce danger dont nous
nous proposons de comprendre la signification. Mais afin de
ne pas prendre de risque, notre étude portera sur des
philosophes qui se sont eux-mêmes rapprochés en établissant
par exemple des liens épistolaires. Et pour qu'elle soit
représentative, nous avons décidé de nous pencher sur le
siècle où les correspondances philosophiques se mettent à
foisonner: nous avons choisi trois des correspondances les
1A notre époque aussi. Cf. Jeanne Parain- Vial, Tendances nouvelles de la
philosophie (Paris: Le Centurion, 1978), 2e et 3e parties (respectivement:
« Les sophistes» et « Les philosophes»).
2 Cf. Antisthène, disciple de Socrate, ITg. 173 in Giannantoni,
Socraticorum Reliquiae (Rome: Ateneo, 1983), tome I, p. 386, cité en
trad. IT.in L. Paquet, Les Cyniques grecs (Ottawa, 1975), p. 57 : « Si tu
veux qu'un garçon vive avec les dieux, enseigne-lui la philosophie, si
c'est avec les hommes, enseigne-lui la rhétorique ». Antisthène fut le
fondateur de l'école Cynique.plus connues3 - faisant entrer en relation trois philosophes du
dix-septième siècle, sans doute les plus célèbres -, à savoir
celle de Leibniz avec Arnauld, celle de Spinoza avec
Blyenbergh et, prenant le terme de correspondance dans son
acception la plus large de relation écrite, la Disquisitio
metaphysica de Gassendi accompagnée des réponses de
Descartes ainsi que de sa lettre à Clerselier.4
L'intérêt de notre étude est donc de montrer la
philosophie non plus comme discours-monologue, mais
3 Que les correspondances aboutissant à la rupture, ou présentant un
aspect polémique, soient les plus exemplaires ne va pas de soi. C'est
même un paradoxe. Et comme le note J.-M. Beyssade dans son
introduction à Descartes: correspondance avec Elisabeth et autres lettres
(Paris: GF, 1989), «II La correspondance avec Elisabeth, une
correspondance exemplaire: la princesse Elisabeth », p. 23, une exemplaire se reconnaît à « une incontestable harmonie et
comme des correspondances entre les deux esprits». Mais nos
correspondances ne sont pas simplement exemplaires de la
correspondance philosophique, mais du sens du rapport entre philosophiques et techniques argumentatives. Le
paradoxe de l'exemplarité n'est donc porteur de vérité que parce que
porteur de déception. Ainsi, comme le note J.-M. Beyssade, la
correspondance entre Descartes et Régius est « une vraie correspondance:
mais elle a mis fin aux rapports entre les correspondants ».
4 « servant de réponse à un recueil des principales instances faites par M.
Gassendi contre les précédentes réponses» (DM, p. 633). [Liste des
abréviations et éditions utilisées dans cette étude:
* DM : Gassendi, Pierre, Disquisitio metaphysica seu dubitationes et
instantiae adversus Renati Cartesi metaphysicam et responsa
(Recherches métaphysiques, ou doutes et instances contre la
métaphysique de René Descartes et ses réponses), texte établi, traduit et
annoté par Bernard Rochot (Paris: Vrin, 1962).
* L / A : Leibniz, Gottfried Wilhelm, Correspondance avec Arnauld,
introduction, texte et commentaire par Georges Le Roy (Paris: Vrin,
1984).
* S / B : Spinoza, Baruch de, Correspondance avec Blyenbergh (Lettres
XVIII à XXIV, et XXVII), traduction et notes par Charles Appuhn (Paris:
GF, 1986).]
8comme rapport dialogique. Avec les correspondances, la
philosophie apparaît comme le rapport d'un discours
philosophique à un autre discours, ce dernier pouvant être
luimême philosophique, ou bien émaner d'un correspondant qui
n'est pas reconnu comme philosophe (c'est le cas de la
correspondance de Spinoza avec Blyenbergh). Une philosophique, c'est en même temps la
rationalité face à la contradiction. La présence de techniques
argumentatives dans des correspondances philosophiques
serait en effet paradoxale, et ceci, à deux points de vue : elle
signifierait d'une part la manifestation de désaccords dans un
accord, et d'autre part la réduction du savoir à un savoir-faire.
Une correspondance philosophique serait alors un rapport de
rupture. Si donc notre étude parvient à montrer cette
présence, cela voudra dire du même coup que pour les
philosophes, le paradoxe n'est pas un paradoxe. Loin d'être
en marge de l'opinion, un philosophe serait celui qui révèle le
sens de l'opinion.
Par l'argumentation, c'est bien la question de la force
du discours philosophique sur l'opinion qui est mise en jeu.
Le problème est de savoir quel est le type de cohérence du
langage philosophique, quel est le pouvoir de la philosophie
en matière de persuasion: qu'est-ce qui donne raison à un
philosophe? L'importance de la technique pennettrait de
définir le type de moyens discursifs de la philosophie, les
fonnes linguistiques, rhétoriques du discours philosophique
impliqué dans un dialogue.
«Toutes les fois que deux hommes portent sur la
même chose un jugement contraire, il est certain, dit
Descartes, que l'un des deux se trompe. Il y a plus, aucun
d'eux ne possède la vérité; car s'il en avait une vue claire et
nette, il pourrait l'exposer à son adversaire de telle sorte
9qu'elle finirait par forcer sa conviction ».5 Le désaccord,
comme signe d'erreur, est signe de subjectivité. Peut-être
faut-il entendre dans ces correspondances philosophiques la
voix du philosophe comme sujet qui fonde littéralement la
voix subjective6 qui faisait le charme des lettres jusqu'alors
dévolu aux artifices littéraires. La subjectivité qui traverse
l' œuvre de Descartes fonde également sa correspondance. Le
«je» qui écrit, le sujet des missives, va apparaître comme
l'ombre portée du «je» qui pense, du sujet philosophique. A
l'image du philosophe comme homme de l'absolu, seul
devant l'inexistence de l'universel et l'objectivité impossible,
nous tenterons de substituer l'idée que l'objectivité est le
principe. qui met en relation deux sujets. Nous verrons
comment les techniques argumentatives sont le principe qui
donne sens à la relation. Certaines techniques, en effet,
semblent favoriser le développement de la subjectivité par
l'argumentation. Ce qui rend la relation impossible. Il nous
faudra par conséquent chercher quel est le type de techniques
argumentatives qui rend la relation proprement relative.
Pourtant, est-il possible que la s'objective assez pour
effacer la différence entre les sujets? La différence n'est-elle
pas plutôt ce qui fait durer la relation? Les sujets ne peuvent
fixer la relation qu'en la rendant différentielle. Les techniques
argumentatives utilisées par Descartes, Spinoza, Leibniz et
leurs corres

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents