Lévinas, critique de l Occident
116 pages
Français

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Lévinas, critique de l'Occident , livre ebook

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Description

Emmanuel Lévinas est universellement reconnu comme le philosophe contemporain qui, appuyant fortement sa démarche sur son judaïsme, situe l'éthique comme philosophie première. On sait moins que son œuvre recèle une critique sévère de la pensée et de la culture occidentales (européennes), en tant qu'elles recèleraient les germes de la "crise du monothéisme" et donc l'origine de la barbarie nazie. C'est ce dossier, évocateur pour la psychanalyse, qui est ici présenté, en généralisant l'approche du problème clinique de l'Identité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 108
EAN13 9782296801622
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Levinas, critique de l’Occident
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54231-0
EAN : 9782296542310

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Paul Bercherie
(Avec la collaboration de Marieluise Neuhaus)


Levinas, critique de l’Occident

Levinas et la psychanalyse 2


L’Harmattan
Ouvrages de Paul BERCHERIE :
( www.paul-bercherie.com )

Avec Marieluise Neuhaus : Lévinas et la Psychanalyse. Enquête sur une aversion , L’Harmattan, Paris, 2006

*
Les fondements de la clinique : Histoire et structure du savoir psychiatrique (1980), L’Harmattan, Paris, 2004.

Genèse des concepts freudiens. Les fondements de la clinique 2 (1983), L’Harmattan, Paris, 2004.

Géographie du champ psychanalytique , Navarin, Paris, 1988 (épuisé).

Examen des Fondements de la Psychanalyse, L’Harmattan, Paris, 2004.

Clinique psychiatrique, Clinique psychanalytique. Etudes et Recherches 1980-2004, L’Harmattan, Paris, 2005.

Dans la série Les grandes fondations post-freudiennes
(extraits d’ Examen des Fondements de la Psychanalyse)
chez L’Harmattan :
JUNG
REICH
Mélanie KLEIN
FERENCZI-WINNICOTT
LACAN
Pour Sophie et Lucille
PREFACE
Philosophe de l’éthique, Emmanuel Lévinas est un philosophe très critique – l’envers et l’endroit de la même pièce assurément : quiconque se définit à travers un idéal, exigeant de surcroît, ne peut que pointer les occurrences où cet idéal est transgressé, voire bafoué. Ainsi l’œuvre de Lévinas recèle-t-elle divers dossiers critiques, avancés sans mâcher ses mots ou à mots couverts suivant le degré de respect de l’auteur pour le sujet traité. Le premier fascicule de ce diptyque était consacré à la virulente mise en cause lévinassienne de Freud et de la psychanalyse ; il nous était apparu, à Marieluise Neuhaus et à moi-même, qu’il y avait erreur sur la personne et méprise sur la théorie : l’assimilation du freudisme à une doctrine paganisante solidaire de l’ébranlement contemporain du monothéisme et de la filialité représentait un contresens majeur, qui rabattait l’œuvre du Maître de Vienne sur les déviations de certains de ses disciples (Jung, Reich, Férenczi) et méconnaissait l’essence néo-monothéiste de l’éthique freudienne. L’ignorance de Lévinas envers l’œuvre de Lacan, certes excusable pour un profane vues la complexité et l’opacité de cette dernière, ne pouvait que verrouiller, au fondement de cette accusation injuste, des préjugés dont nous avons tenté de rendre compte.
Mais la mise en cause de la psychanalyse ressortit en réalité chez Lévinas d’un dossier plus ample et sur lequel il avance plus prudemment : celui de la critique de la pensée occidentale en tant qu’elle recèlerait les germes de la "crise du monothéisme" et donc l’origine dernière de la barbarie nazie. C’est ce dossier que j’ai entrepris ici de rassembler et de présenter, car il m’a paru d’une singulière pertinence et spécialement évocateur pour un psychanalyste. Je suis même convaincu que cette critique pourrait permettre à la psychanalyse de mieux se situer dans le champ de la théorie, de se démarquer en particulier plus clairement du rationalisme scientifique sur lequel son développement doctrinal s’est certes étayé, mais qui représente en même temps pour elle une menace mortelle, qu’on pourra par exemple mesurer à travers le texte consacré au dernier cri en matière de manuel psychiatrique, que j’adjoins en appendice à ce court recueil.
Il m’a paru cependant que la présentation lévinassienne du Dasein de l’Occident – qu’on me pardonne le raccourci risqué de cette formule – trop massive et indifférenciée, risquait d’en compromettre la portée et d’en masquer l’intérêt, ce qu’illustre bien une postérité pressée de faire fond sur l’aubaine d’une telle charge, dans un contexte politique international empoisonné par le conflit du Proche-Orient (cf. Ch. 1). M’appuyant sur un des tout premiers textes de Lévinas, parvenu assez miraculeusement jusqu’à nous, je me suis donc risqué à diversifier l’analyse lévinassienne et à en complexifier la théorisation en faisant fond sur d’autres sources et en généralisant l’approche au problème de l’Identité (cf. Ch. 2), combien crucial par les temps qui courent.
Cet opuscule n’aurait pu être conçu ni rédigé sans la précieuse collaboration de mon amie Marieluise Neuhaus et sa connaissance approfondie de l’œuvre de Lévinas.

Paul Bercherie
Ch. 1 – LA BIBLE ET LES GRECS ? Sur la critique lévinassienne de l’Occident {1}

Emmanuel Lévinas est universellement reconnu comme le philosophe contemporain qui situe l’éthique comme philosophie première, lui donnant ainsi le pas sur l’ontologie et finalement même sur la métaphysique. Il est bien connu qu’il appuie fortement sa démarche sur son judaïsme et qu’il a contribué à renouveler la compréhension contemporaine du monothéisme juif. On sait moins que son œuvre recèle une critique aussi sévère qu’articulée de la pensée et de la culture occidentales (européennes). Cette critique, pour des raisons que j’aborderai plus loin, ne fait en effet nulle part l’objet d’une présentation synthétique globale {2} , sans être pour autant marginale ou dispersée – on trouverait difficilement un texte qui n’y fasse au moins allusion. On la trouve en tout cas plus franchement articulée dans les textes juifs, confiés d’ailleurs à des éditeurs différents, qui doublent l’œuvre proprement philosophique, écrite dans la langue très technique de la phénoménologie d’inspiration husserlienne. Ces dernières années, autour d’une figure centrale, Benny Lévy, et d’une revue, Les Cahiers d’Etudes Lévinassiennes , un groupe d’intellectuels juifs français, que j’appellerai ici simplement « Lévinassiens », a repris, synthétisé et élargi cette critique de l’Occident, lui conférant la portée d’une violente mise en cause de la politique et de la civilisation européennes. C’est l’ensemble de ce dossier crucial dont je me propose de faire ici la présentation et l’analyse.


*

Allogène issu de la périphérie européenne orientale, juif lituanien, Emmanuel Lévinas décrit à son arrivée en 1923, à 17 ans à l’Université de Strasbourg, la "vision, pour un nouveau venu, éblouissante, d’un peuple qui égale l’humanité et d’une nation à laquelle on peut s’attacher par l’esprit et le cœur aussi fortement que par des racines" (DL {3} , p.373). Plus tard, lors de son passage à Fribourg en Allemagne, où il part s’initier à l’enseignement de Husserl, puis lors de la fameuse controverse de Davos, il se dira, comme beaucoup alors, "enthousiaste" des innovations de la pensée "géniale" de Martin Heidegger. C’est le choc de l’avènement du nazisme, puis celui de la découverte de la Shoah, qui le déboutent de ses adhésions initiales et vont l’amener à entamer son parcours philosophique propre. Mais un traumatisme d’une portée au moins équivalente s’ajoute incontestablement pour lui à la catastrophe politique : l’adhésion d’Heidegger au nazisme, la trahison de la grande culture européenne, que manifestera par ailleurs la mollesse ou la complaisance des réactions occidentales au calvaire des Juifs d’Europe.
Dès les années 1934-1935, Lévinas articule une première réaction doctrinale, autour de quelques petits textes et d’un article de fond, les Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme (1934). Le titre surprend : la "phraséologie misérable" (QRPH, p.7) d’Hitler recèlerait donc une philosophie, d’autant plus "intéressante" qu’elle est "effroyablement dangereuse" – on devine évidemment à l’arrière-plan le duel avec Heidegger, qui courra à travers toute l’œuvre ultérieure. Lévinas évoque "la poussée d’une force élémentaire" qui oppose le nazisme à l’essence principielle de la "civilisation européenne", la liberté : "les libertés politiques n’épuisent pas le contenu de l’esprit de liberté. Elle est un sentiment de la liberté absolue de l’homme vis-à-vis du monde" (p.8), et tout particulièrement vis-à-vis du Temps. Lévinas va alors associer sur le même axe judaïsme, christianisme et libéralisme dans une généalogie de l’esprit de liberté : par le remords et le repentir, l’homme trouve dans le judaïsme "de quoi effacer le passé. Le temps perd son irréversibilité même" (p.9) ; de m&

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