Théorie de l esprit et pédagogie chez Karl Popper
156 pages
Français

Théorie de l'esprit et pédagogie chez Karl Popper , livre ebook

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156 pages
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Description

Ce livre se propose d'interroger l'oeuvre popérienne dans son ensemble, les écrits de jeunesse comme les textes de la maturité, sous l'angle d'une théorie du sujet humain et de sa formation. Il s'agit, d'une part, de jeter un éclairage sur le lien qui unit de l'intérieur la pensée de Popper aux préoccupations d'ordre psychologique et pédagogique; d'autre part, de montrer en quoi la prise en compte des thèses popériennes peut contribuer à renouveler la réflexion contemporaine sur l'apprentissage et l'éducation.

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Informations

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Date de parution 01 novembre 2012
Nombre de lectures 72
EAN13 9782296508361
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Théorie de l’esprit et pédagogie chez Karl Popper
16,50 € ISBN: 978-2-336-00106-7
AlaIn Firode
AlaIn Firode Théorie de l’esprit et pédagogie chez Karl Popper
LE « sEau » Et lE « pROjEctEuR »
Théorie de l’esprit et pédagogie chez Karl Popper
THÉORIE DE LESPRIT ET PÉDAGOGIE
CHEZKARLPOPPER
Pédagogie : crises, mémoires, repères Collection dirigée par Loïc Chalmel, Michel Fabre, Jean Houssaye et Michel Soëtard La collection « Pédagogie : crises, mémoires, repères » répond à un triple objectif : 1 - Elle se propose de soumettre à la réflexion théorique les problématiques et les situations de crise qui agitent le monde pédagogique. 2 - Elle vise à vivifier les mémoires historiques capables d'éclairer le pédagogue pour l'action présente. 3 - Elle entreprend de décrypter les repères philosophiques, éthiques, politiques qui portent le pédagogue en avant des réalités. Déjà parus HUBERT Bruno,Faire parler ses cahiers d’écolier, 2012. VINCENT Hubert,Le peuple enfant et l’école, Pourquoi pas Alain ?2012. CHALMEL Loïc,Pestalozzi : entre école populaire et éducation domestique, 2012. SOETARD Michel,Penser la pédagogie. Une théorie de l’action, 2011. JACOMINO Baptiste,Alain et Freinet. Une école contre l’autre ?, 2011. BILLOUET Pierre,L'éducation scripturale. De la plume au clavier,2010. JANNER-RAIMONDI Martine,Surgissements démocratiques à l'école primaire. Analyse de conseils d'élèves, 2010. TROUVE Alain,Penser l'élémentaire. La fin du savoir élémentaire à l'école ?, 2010. BILLOUET Pierre (coord.),Figures de la magistralité. Maître, élève et culture, 2009. CHARBONNIER Sébastien,Deleuze pédagogue. La fonction transcendantale de l'apprentissage et du problème, 2009.
Alain Firode THÉORIE DE LESPRIT ET PÉDAGOGIECHEZKARLPOPPERLe « seau » et le « projecteur »
Du même auteurLa dynamique de d’Alembert,Bellarmin/Vrin, Montréal/Paris, collection « Analytiques » – n° 13, 2000. © L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00106-7 EAN : 9782336001067
Introduction
Il ne semble pas que l’œuvre de K. Popper ait reçu de la part des penseurs contemporains de l’éducation, pédagogues, psychologues ou philosophes, toute l’attention qu’elle mérite. Les références à l’auteur deLa logique de la découverte scientifique dans les recherches actuelles en pédagogie et en didactique sont relativement peu nombreuses (si on les compare par exemple aux fréquentes allusions à G. Bachelard) et se bornent le plus souvent au rappel convenu de quelques-unes des thèses les plus connues de l’épistémologie faillibiliste. Cette situation tient en grande partie à l’attention presque exclusive dont bénéficie, de la part des lecteurs non spécialistes de Popper, le versant purement épistémologique de sa philosophie. On ne voit ordinairement dans cette dernière qu’une théorie de la science et de son progrès, sans tenir compte des aspects par lesquels elle est également tournée vers l’étude du sujet humain et la question de l’apprentissage. De cette lecture sélective résulte une perception globalement déséquilibrée de la pensée poppérienne, qui laisse dans l’ombre le lien intime unissant celle-ci et les préoccupations d’ordre pédagogique.
Avant d’être celle d’un philosophe et d’un épistémologue, la réflexion de Popper, on l’oublie trop souvent, fut pourtant d’abord celle d’un psychologue et d’un pédagogue. Ses premiers textes publiés portent significativement sur des questions de pédagogie générale («Über die Stellung des Lehrers zu Schule und Schüler», 1925,« Zur Philosophie des Heimatgedankens», 1927 ). A l’Institut Pédagogique (1925 – 1927), puis à l’Université de Vienne où il étudie sous la direction de K. Bühler, Popper consacre ses premières recherches à critiquer les théories associationnistes qui attribuent un rôle déterminant à la répétition et à l’habitude dans le processus d’apprentissage (Gewohnheit und Gesetzerlebnis in der Erziehung, 1927, «Die Gedächtnispflege unter dem Gesichtspunkt der Selbsttätigkeit », 1931). Cet intérêt initial pour les questions de pédagogie et la psychologie de l’apprentissage, par ailleurs, n’est pas seulement celui d’un théoricien, mais aussi d’un enseignant activement impliqué dans les transformations que subit alors l’école autrichienne, d’abord comme éducateur de jeunes enfants puis comme professeur de mathématiques et de physique dans le secondaire.
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1 Popper participe avec « enthousiasme » à la réforme scolaire mise en œuvre par le social démocrate Otto Glöckel, visant à remplacer les anciennes méthodes pédagogiques de laLernschulede l’apprentissage) par les (l’Ecole méthodes innovantes prônées par l’« Ecole du travail » (Arbeitsschule) du pédagogue E. Burger, où l’acquisition du savoir est censée s’appuyer sur l’activité autonome (Selbsttätigkeit) de l’élève.
Si la place occupée par les préoccupations pédagogiques dans les premiers écrits ne fait pas de doute, qu’en est-il dans l’œuvre de la maturité ? On sait que Popper, après avoir soutenu sa thèse en 1928 (Zur Methodenfrage der Denkpsychologie), donne une nouvelle direction à sa carrière en décidant de délaisser la psychologie de la découverte pour se tourner vers la « logique de la découverte scientifique ». La radicalité apparente de cette réorientation incite généralement à tenir pour négligeable, en ce qui concerne l’interprétation globale de sa pensée, l’intérêt primitif du philosophe pour les questions touchant l’éducation. Celles-ci, pense-t-on, ne joueraient plus aucun rôle dans l’œuvre achevée, ou un rôle seulement très secondaire.
Une telle conclusion, qui conduit à la lecture purement épistémologique de Popper évoquée plus haut, paraît pourtant à bien des égards discutable. Même si la question pédagogique n’est pratiquement plus abordée en tant que telle dans l’œuvre de la maturité, cette dernière témoigne néanmoins, par de nombreux aspects, d’un intérêt persistant pour des questions se rattachant, au moins de façon indirecte, aux problèmes qui préoccupaient initalement le jeune psychologue et pédagogue. Contrairement à ce que pourraient laisser penser certaines de ses déclarations à l’encontre de la psychologie, Popper n’a nullement renoncé, une fois devenu logicien et épistémologue, à prendre en charge l’étude de l’esprit et des processus mentaux. Son projet véritable, particulièrement développé dans la dernière période de sa philosophie, est bien plutôt de les comprendre en empruntant une voie nouvelle et indirecte, fondée sur l’idée que les propriétés et le fonctionnement de l’organe producteur (l’esprit) doivent se tirer de l’examen logique et structurel de ses productions objectives. Aussi l’œuvre de Popper comporte-t-elle, outre sa dimension épistémologique, tout un versant « psychologique » (par son objet et non par sa méthode), trop souvent négligé des commentateurs, dont le contenu touche, directement ou indirectement, à la question de l’éducation (cf. sa théorie de l’apprentissage par essais et erreurs, ses remarques sur le rôle de
1  « Mais nous étions des enthousiastes de la réforme scolaire et des études – même si notre expérience avec les enfants délaissés nous laissait sceptiques quant aux théories qu’on nous faisait ingurgiter à hautes doses. Celles-ci étaient principalement importées des Etats-Unis (John Dewey) et d’Allemagne (Georg Kerschensteiner) », K. Popper,La quête inachevée,Paris, Calman-Lévy, 1989, (à partir de maintenant notéQI)p. 108.
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« l’imagination critique » dans l’invention, artistique et scientifique, sa théorie de l’esprit comme « organe fait pour interagir avec les objets du monde 3 » ou encore ses considérations sur l’apparition de la conscience de soi chez l’enfant dans son dernier ouvrage, écrit en collaboration avec le biologiste Eccles,The Self and its Brain).
La persistance, dans l’œuvre de la maturité, de ces réflexions liées à la question du sujet et de son développement (et donc aussi à la question de l’éducation) témoignent que l’intérêt premier de Popper pour la pédagogie et la théorie de l’apprentissage n’est peut-être pas aussi négligeable pour la compréhension globale de sa pensée qu’on le suppose ordinairement. De là l’hypothèse que cet ouvrage se propose d’explorer : à savoir qu’une relecture de la pensée poppérienne est possible qui, partant de cet intérêt initial pour la question du développement psychique et la question de l’apprentissage, en chercherait les prolongements, directs ou indirects, explicites ou implicites, dans l’œuvre de la maturité. Cette façon de considérer la philosophie de Popper constitue, croyons-nous, un guide fécond, susceptible d’en révéler certains aspects (ce que nous avons appelé son « versant psychologique ») fréquemment relégués au profit de la dimension épistémologique (ou parfois encore de la dimension politique) de son œuvre.
Notre objectif est donc, d’une part, d’interroger l’œuvre poppérienne dans son ensemble, les écrits de jeunesse comme les textes de la maturité, sous l’angle d’une théorie de l’esprit et de sa formation ; d’autre part d’en dégager, lorsque l’occasion s’en présente, les implications pédagogiques. Nous nous laisserons guider, pour la conduite de cet examen, par la fameuse double métaphore du « seau » (Bucket)(projecteur » et du « Searchlight) au moyen de laquelle Popper oppose la conception erronée de l’esprit-réceptacle, issue de l’épistémologie naïve du sens commun, à sa propre conception de l’activité psychique. Déjà présente sous une forme implicite ou partielle dans les textes à teneur psychologique et pédagogique (l’image du seau est utilisée dès 1931), cette opposition est explicitement développée pour la première fois dans une conférence de 1948 («Le seau et le projecteur»), date à partir de laquelle elle sera ensuite constamment reprise et approfondie, jusque dans les derniers textes d’inspiration évolutionniste et darwinienne.
Nous nous attacherons tout d’abord à en examiner le premier terme, soit l’image de « l’esprit-seau » (partie I :Les illusions du sens commun sur lui-même : la théorie de l’esprit-seau). Cette métaphore du réceptacle, chez Popper, caractérise une conception très générale de la connaissance – celle que le sens commun adopte spontanément quand il fait retour sur lui-même – qui ne renvoie pas uniquement aux épistémologies empiristes ou aux
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