Ouvrir des pistes à l'Infini de Dieu

Miki-Marcel Anganga, Kalamba Nsapo

Description

Cet ouvrage est un collectif d'hommage à Fr. Kabasele Lumbala, prêtre du Congo RDC et théologien spécialiste en liturgie, pour ses 70 ans d'âge et sa retraite d'enseignant d'université. Ces Mélanges retracent, en 15 contributions, les parcours pastoral, intellectuel et scientifique de ce chercheur africain, ainsi que son apport à l'Église d'Afrique et d'ailleurs en Anthropologie des rites, Catéchèse, Enseignement, Histoire des religions, Liturgie et Inculturation. Ils sont une attestation formelle de l'infini de la recherche scientifique.

Sujets

• Religion
• Christianisme
• Major religious groups

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 novembre 2017
• Nombre de lectures: 8
• EAN13: 9782140050473
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

K ALAMBA N SAPO etMiki-Marcel A NGANGA

Ouvrir des pistes à l’Infini de Dieu

Mélanges pour François Kabasele Lumbala

Eglises d’Afrique

Ouvrir des pistes

à l’Infini de Dieu

Églises d’Afrique Collection dirigée par Denis Pryen Depuis plus de deux millénaires, le phénomène chrétien s’est inscrit profondément dans la réalité socio-culturelle, économique et politique de l’Occident, au point d’en être le fil d’Ariane pour qui veut comprendre réellement les fondements de la civilisation judéo-chrétienne. Grâce aux mouvements d’explorations scientifiques, suivis d’expansions coloniales et missionnaires, le christianisme, porté par plusieurs générations d’hommes et de femmes, s’est répandu, entre autres contrées et à différentes époques, en Afrique. D’où la naissance de plusieurs communautés ecclésiales qui ont beaucoup contribué, grâce à leurs œuvres socio-éducatives et hospitalières, à l’avènement de plusieurs cadres, hommes et femmes de valeur. Quel est aujourd’hui, dans les domaines économiques, politiques et culturels, le rôle de l’Église en Afrique ? Face aux défis de la mondialisation, en quoi les Églises d’Afrique participeraient-elles d’une dynamique qui leur serait propre ? Autant de questions et de problématiques que la collection « Églises d’Afrique » entend étudier. Dernières parutions Nestor SALUMU NDALIBANDU,Les prières d’exorcisme et de guérison dans l’Église catholique en Afrique, Lectures théologiques et pastorale, 2017. Jean KOUADIO,Foi et libération dans les œuvres théologiques de Jean-Marc Ela, Perspective christologique, 2017. V. Francis C. DJEGUEDE,L’Être inachevé Réflexions sur l’éducation dans les séminaires catholiques béninois,2017 Jean Lesort LOUCK TALOM,Préserver la Terre, Guide méthodologique et pratique chrétien, 2017. Damien ETSHINDO EPANDJOLA,Églises de réveil et salut chrétien au Congo-Kinshasa. Quels défis pour l’église catholique ?, 2016. Richard DANE LOKANDO,Le Saint-Siège et l’État indépendant du Congo. L’organisation des missions catholiques, 2016. François RAKOTOMALALA,Le rôle de l’Eglise à Madagascar dans la promotion du bien commun, 2016. Bertrand Magloire NDONGMO, Église catholique et processus démocratique au Cameroun. Une analyse de la participation politique dans les archidiocèses de Douala et de Yaoundé, 2016. Paul Venance NTAMBWE KASONGO,Normes canoniques sur les moyens d’éviter les litiges, Contexte culturel du Congo-Kinshasa, 2016. Honorine NGONO,La place et le rôle de la femme dans l’Église, 2016. Dieudonné ZOGNONG,Christianisme et liberté, Les paradoxes du pentecôtisme en Afrique noire, 2016.

K ALAMBA N SAPO et Miki-Marcel A NGANGA

Ouvrir des pistes

à l’Infini de Dieu

Mélanges pour François Kabasele Lumbala

Couverture élaborée par Nikolaos Kabasele sur base du motif « Kalunga » ou « Kaditoza », figure artistique de la cultureTchòkweCongo, qui du signifie l’Infini de Dieu en présence de l’homme et ses créatures qu’Il a dotées de potentialités illimitées. La chasuble au même motif a été imaginée par la Congolaise Clémentine Faïk-Nzuji et réalisée au monastère Keur-Moussa du Sénégal, marquant ainsi l’articulation foi-culture, poumon de l’œuvre de François Kabasele, qui s’est efforcé d’ouvrir des pistes à l’Infini de Dieu.

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12603-6 EAN : 97823431126036

Avant-propos

Depuis qu’il existe, l’homme d’Afrique subsaharienne a fait de la 1 « théologie ». Nos ancêtres ont « dit » Dieu, et Dieu les avait inspirés pour produire tout le trésor des nominations de la divinité, les paroles fortes qui donnent vie, les imprécations sociales et communautaires qui produisaient leurs effets. « Seigneur Maweja de 2 toute bonté », « ''soleil qu’on ne peut fixer'', ''arbrecinkùnkù qui rassemble 3 4 les chasseurs'' » , « Ouragan qui dévêt les portants les raphias » , « nasse aux 5 yeux innombrables », « léopard à forêt 6 propre », … Il y avait bel et bien un « Discours théologique négro- 7 africain ».

 Depuis la rencontre avec l’Occident, ce discours avait été occulté pour être remplacé par un autre discours sur Dieu ; cela n’a pas toujours réussi, car nos « constellations » sont demeurées brûlantes, comme des braises sous la cendre, durant des siècles. La loi du « Cuius regio, illius religio » a pesé jusqu’au débâcle de la colonisation. Et de l’intérieur-même des nouvelles confessions de foi où les Africains s’étaient réfugiés, le vent de la décolonisation a soulevé les cendres, et fait briller des braises qui étaient encore rouges. C’est avec ces braises incandescentes, que des Africains, au sein même de leurs nouvelles confessions, se sont mis à allumer des foyers pour rallonger leur discours sur Dieu, et recueillir dans de nouveaux amplificateurs, l’appel de Dieu à l’homme, enrichi par l’apport des Écritures saintes et des pratiques du christianisme ; ils essayaient d’harmoniser leur vie nouvelle en Jésus-Christ, avec ce qu’ils étaient au fond d’eux-mêmes.

1ème Kalamba Nsapo,Théologie africaine, les grands courants de pensée de l’antiquité au 21 siècle, Éd. Cheikh Anta-Diop, Douala, 2016. 2 En cilubà : « Mukalenga Maweja wa bulenga bônsu ». 3 « '' Dîba kàtàngila cishikì '' , '' Cinkùnkù nsanga-bilembi '' ». 4 « Mvùnda kavùùla bà madiba ». 5 « Musàsà wà mêsumêsu ». 6 « Nkàshààmà wa dyèndà diitu, wàkwàta mbùji wàdìdìla ». 7 Bimwenyi - Kweshi O.,Discours théologique négro-africain, problèmes des fondements. Éd. Présence Africaine, Paris, 1981.

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 C’est depuis lors, il y a quelques décennies, que l’on parle, à l’intérieur du christianisme en Afrique, d’une « théologie nigritienne ». Avec les débats au sein des facultés de théologie chrétienne du continent noir, avec les thèses de doctorat défendues par des chrétiens africains au sein des universités d’Europe et d’Amérique, cette « théologie nigritienne » a résolument poussé des ailes. En 1983, ses tambours et ses mélodies, résonnèrent au Vatican, à Rome, et ses géniteurs dans la foi (les Pères Évêques d'Afrique et de Madagascar) lui donnèrent un premier prénom, « l’inculturation » : désignation doublement chargée, car évoquant ses racines à la fois culturelles et chrétiennes. Ils se souvenaient de ce moment béni, où l’audace et le courage dont certains avaient fait preuve, tels un Bimwenyi-Kweshi, un Tshibangu Tharcisse, semblaient s’estomper, quand le pape Paul VI alla rassurer les chrétiens africains à Kampala : « vous pouvez, vous devez avoir un christianisme africain. » Et en 1994, à Yaoundé, au Cameroun, sur les terres de ses trisaïeuls, « la fille nègre » accueillit, des mains du Souverain Pontife Jean Paul II, son « sacrement de confirmation ».

 Un vaste chantier s'est ouvert sur le continent, un chantier à ramifications plurielles, notamment biblique, dogmatique, liturgique, pastoral, moral et canonique. Les Écritures Saintes pouvaient puiser des ressources dans les recherches bibliques sur les terres d'Afrique ; le secteur dogmatique prenait en compte les études sur le Christ, l’Église, les sacrements, les sacramentaux et la catéchèse ; dans le registre de la morale familiale, les données culturelles de l’Afrique sont passées au filtre des valeurs évangéliques pour l'éclosion d'une véritable ecclésiologie africaine, à savoir « l’Église famille de Dieu » ; dans l’immense champ liturgique, sont récoltés des fruits succulents de la musique sacrée africaine, la splendeur des chorégraphies africaines en liturgie, l'ornementation africaine des lieux et de l'habit du culte, l’immense chantier de nouveaux rites chrétiens africains, où la production alterne avec l’analyse de leur impact dans la vie de l'homme en 8 société ainsi que leurs liens avec Dieu .

 Il faut des chercheurs, des gens qui n’attendent pas que les fruits tombent d’eux-mêmes des arbres pour les ramasser, des gens qui plantent des arbres aujourd’hui pour que les générations futures puissent en récolter des fruits, des gens qui n’attendent pas des boulevards mais qui ouvrent des pistes sans avoir peur de piétiner les cacas et les chardons, des gens libres qui défient tout esclavagisme et tout fanatisme religieux et institutionnel, des gens qui mettent la communion avec Dieu avant les appareils d’Églises. Il nous a semblé que François Kabasele Lumbala était de ceux-là. En effet, dans ce paysage tumultueux et déterminant pour le christianisme en Afrique,

8 Anganga M.M.,Inculturation en procès. La lente maturation d'une Église catholique romaine : Mbuji-Mayi,(Ntuya kunyi), Éd.Panubula, Louvain-la-Neuve, 2006, p. 9.

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il s'est distingué, et d’autres se sont unis à nous pour lui rendre hommage dans cesMélanges.

 Chrétien par son baptême, théologien et liturgiste de renommée internationale, François Kabasele, par son cheminement spirituel, intellectuel et ses recherches, a appris et expérimenté, dans la religion chrétienne venue de l'Occident, l'harmonie avec le Dieu Créateur. Or, bien que porté et soutenu, à la fois, dans cette relation intense avec le « Kàfùkèèlà mwena 9 bintu », par son adoration en Jésus, son Fils exalté, par l'accueil de sa Parole révélée ainsi que par divers appareillages de « l’Église- institution », François Kabasele découvrit, au fil du temps et au cours de ses études - dans ses rapports avec d'autres humains, leurs cultures et leurs lignées -, les limites du christianisme qui fut amené en terres africaines par l'Orient et l'Occident. Au fait, dans sa démarche, s’imprégnant profondément de la culture de son peuple Lubà du Kàsaayì, François Kabasele saisit que le Dieu de Jésus-Christ était bien à l’œuvre depuis toujours et partout dans toutes les cultures, chez tous les peuples de la terre, bien avant même la venue de son Fils. De la même manière, Jésus-Christ, ce même Fils Unique de Dieu, est plus grand que le judaïsme d'où il est issu et du christianisme qui l'a adopté. Dès lors, une profonde conviction s'ancra en François. Certes, étant donné que Jésus-Christ déborde les Églises ainsi que les religions révélées et leurs institutions, il est impérieux de le raconter autrement, ce Jésus, de « le redire » d'une autre façon, dans une autre configuration, en particulier celle venant d'Afrique, « peu importe qu'elle plaise ou non à quiconque », pourvu que s’accroissent pour l’Afrique, les chances d’approfondissement de son message.

 Dans cette perspective, François Kabasele est conscient qu’il doit conjuguer son travail avec plusieurs éléments à la fois : la sincérité avec soi- même en tant qu'être culturellement situé, l’honnêteté avec le contenu des richesses culturelles, l’ouverture aux réalités anthropologiques venant d'ailleurs comme des « étincelles lumineuses » émanant d'autres horizons, l’indispensable soumission à une nouvelle analyse critique de toutes les ressources dont on dispose. Voilà des atouts majeurs pour dire et proclamer Jésus-Christ dans des univers nouveaux, différents de ceux de l’Occident et de l’Orient.

 À partir de ce moment, l'homme des rites réalisa qu'une authentique exégèse du fait chrétien, en vue des perspectives nouvelles repensées à nouveaux frais, ne peut contourner, dans les recherches objectives, des égyptologues africains sur les rapports entre l’Égypte

9 Le Dieu Créateur de toutes – les – choses.

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