Autobiographie
337 pages
Français

Autobiographie , livre ebook

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337 pages
Français

Description

Paula Dumont, née dans une famille très pauvre marquée par la Deuxième Guerre mondiale, raconte son existence dans cette autobiographie. Étudiante boursière elle s'est consacrée aux études de Lettres pour devenir enseignante pendant trente-neuf ans. Homosexuelle, féministe engagée, son témoignage est un document pour étudier la condition des femmes durant la seconde moitié du XXe siècle.

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Publié par
Date de parution 01 décembre 2017
Nombre de lectures 28
EAN13 9782140053368
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Paula DUMONT
A U T O B I O G R A P H I E Féminisme, homosexualité, écriture, milieu social, profession
Autobiographie
Paula DUMONT Autobiographie Féminisme, homosexualité, écriture, milieu social, profession
De la même autrice Mauvais Genre, parcours d’une homosexuelle, L’Harmattan, 2009. La Vie dure, éducation sentimentale d’une lesbienne, L’Harmattan, 2010. Lettre à une amie hétéro, propos sur l’homophobie ordinaire,L’Harmattan, 2011.Le Règne des femmes, conte philosophique, L’Harmattan, 2012. Les Convictions de Colette. Histoire, politique, guerre, condition des femmes, L’Harmattan, 2012.Portée disparue, Aller simple pour Alzheimer, L’Harmattan, 2014. Entre femmes, 300 oeuvres lesbiennes résumées et commentées, L’Harmattan, 2015.Contes et nouvelles lesbiennes,L’Harmattan, 2015. Les premiers pas, un amour lesbien,L’Harmattan, 2016.© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-13571-7 EAN : 9782343135717
Pour Laëtitia
AVANT-PROPOS
J’ai écrit les pages qui suivent parce qu’arrivée à soixante-dix ans, j’ai éprouvé le besoin de faire retour sur mon passé pour réfléchir à mon existence, toute réflexion de ce genre étant positive pour qui l’entreprend. En outre je serai mieux connue de mes proches. Enfin, je me dis, sans avoir les chevilles qui enflent, que je suis devenue avecEntre femmes une célébrité dans le petit monde des lesbiennes. Un jour, certaines d’entre elles se demanderont peut-être qui était la personne qui a passé le plus clair de ses heures de retraitée à rédiger des ouvrages de ce genre. Pour avoir parcouru la quinzaine de biographies consacrées à Colette, je sais ce que certains auteurs sont capables d’inventer. Je prends donc les devants en considérant qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Certes j’ai déjà raconté une partie de mon existence dans les deux premiers livres que j’ai publiés,Mauvais Genre etLa Vie dure. Mais ces ouvrages se bornent à narrer les épisodes ayant un rapport avec mon homosexualité. Or depuis mon départ à la retraite, je n’ai plus eu à me cacher. J’ai donc été en mesure d’élaborer le récit de ma vie dans toutes ses dimensions et non en me limitant à ce qui en était occulté. Pour mener à bien mon projet, j’ai suivi le plan chronologique de la meilleure biographie de Colette, celle de Claude Pichois et Alain Brunet. J’ai commencé par mes ancêtres en donnant toute sa place à la classe sociale, à la famille, à la scolarité, aux études, à la vie professionnelle et à mon désir d’écrire. Je croyais que ce serait un jeu d’enfant, mais j’ai rencontré de nom-breuses difficultés. En effet dès qu’on cherche sur Internet des informations concernant la période antérieure aux années 60, voire 70, on ne trouve pratiquement rien. Ainsi, je pensais pouvoir me procurer facilement des notices sur mes professeurs de mathématique, Roger et Marcelle Robbe, quand je suivais leurs cours au lycée Considerant de Salins. C’était un couple de résistants pendant l’Occupation. Mais c’est à peine si j’ai pu exhumer une ligne sur Marcelle, sortie de la prison de Belfort le 22 août 1944, prison où elle avait été enfermée par les nazis. Sur Roger Robbe, chef du réseau de résistance franc-comtois, je n’ai rien trouvé du tout. Quant aux archives de ma famille, elles se réduisent à quelques rares photographies et quelques papiers dénichés dans la maison de mes parents au moment où je l’ai vidée avant de la vendre. C’est mince. Je n’ai pu me fier qu’à mes souvenirs d’une époque à laquelle j’avais résolu de tourner le dos pour aller de l’avant et aux documents qui encombrent mes placards, factures, agendas, feuilles de paye et lettres échappées à certains autodafés mentionnés au cours de mon récit. C’est à partir de ces éléments que je me suis mise au travail pour me faire l’historienne de ma propre vie. On me reprochera peut-être de ne pas m’étendre sur mes ressentis. C’est que j’ai été élevée dans un pays rude où l’on enseigne aux enfants qu’il ne
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sert à rien de se plaindre et qu’ayant dû, comme la majorité des homosexuels de ma génération, cacher l’essentiel de ma vie, il m’en reste des traces indélébiles. En outre, j’ai voulu porter un regard distancié et réfléchi sur mon passé afin de faire de mon témoignage celui d’une femme de ma génération. Michelle Perrot, dans son livre magistral,Les femmes ou le silence de l’histoire,a mis en lumière le fait que les femmes sont les grandes absentes des ouvrages historiques. J’ai donc pensé, au moment de mon départ en retraite, que je devais fournir des textes lisibles et honnêtes sur la condition féminine et lesbienne. Par ailleurs, quand j’ai rédigéEntre femmes, j’ai remarqué que la plupart des biographies de lesbiennes et de bisexuelles que j’ai commentées sont celles de privilégiées, de ces femmes auxquelles se réfèrent les misogynes quand ils affirment que les féministes sont des bourgeoises et des aristocrates fortunées qui ne savent rien de ce qu’endurent les pauvres. Ayant été élevée dans une famille où l’on tirait le diable par la queue, j’ai le sentiment de combler un vide en racontant ma vie. Quand j’ai relu récemment mon autobiographie, j’ai pris conscience du fait que la première moitié de mon existence a été hantée par les soucis pécuniaires. En effet, les célibataires qui, refusant de passer toute leur existence dans un studio, achètent un bien immobilier, ont de réelles difficultés à le financer seuls, sans l’aide de parents fortunés. Le célibat étant considéré comme un état transitoire, les avantages sociaux sont réservés aux familles. En outre quand ces célibataires sont des infirmières ou des enseignantes exerçant des métiers féminins mal rémunérés parce qu’on considère que leur traitement complétera le revenu principal, celui du mari, leur sort n’est guère enviable. La politique familiale chère à notre pays pénalise énormément celles qui, bien malgré elles, ne peuvent pas fonder de famille. J’ajoute qu’avec l’évolution des prix de l’immobilier, il est aujour-d’hui encore plus difficile à une femme seule d’acheter un logement décent qu’au temps de ma jeunesse. J’apparais dans ce livre, ainsi que mes parents et grands-parents, sous mes nom et prénom de l’état civil. Quand j’ai gardé la véritable identité des protagonistes, je donne également leur nom et leur prénom. Quand ils apparaissent seulement pourvus d’un prénom, c’est que j’ai changé celui-ci par souci de discrétion. Si je me cramponne à l’existence pendant longtemps, il me faudra rédiger un opuscule quand les années qui viennent se seront écoulées. Comme je suis optimiste et que j’aime la vie, je termine donc mon ouvrage par ces mots : « à suivre » !
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GALERIE DES ANCÊTRES
Quand j’étais jeune, j’écoutais d’une oreille distraite les vieux qui évoquaient leurs souvenirs. Tournée vers mon avenir, je n’avais aucun intérêt pour les temps révolus. Mais aujourd’hui, je regrette mon incurie et mon inconscience. Tous ces témoins d’une autre époque sont décédés si bien que, pour faire retour sur mon passé, je ne peux que puiser dans mes souvenirs et dans les quelques rares papiers que j’ai conservés. Les amateurs de généalogie seront donc déçus par le chapitre que je consacre à mes ancêtres. Les deux branches de ma famille sont franc-comtoises. Mes quatre grands-parents étaient des cultivateurs qui habitaient sur le premier plateau du Jura, au-dessus de Salins, dans des fermes où bêtes et gens vivaient dans le même bâtiment, l’étable attenant à la maison d’habitation et la grange attenant à l’étable. Les paysans vivaient en autarcie, en se nourrissant essentiellement de choux, de pommes de terre, de quelques légumes et de viande de porc qu’ils conservaient salée dans des pots de grès. L’argent, très rare, venait de la vente du lait qu’ils apportaient à la « fruitière », coopérative où l’on fabrique le comté, ainsi que de la vente des veaux. Les hivers étant longs et rigoureux, la grange destinée à conserver la paille et le foin était immense afin que les vaches ne meurent pas de faim pendant la mauvaise saison. Ce froid impitoyable est à l’origine, chez les Comtois, d’un souci de subsistance dont j’ai hérité. Pendant mon enfance, la maxime principale, c’était « Il faut prévoir ». Celui qui n’avait pas prévu était méprisé. C’est ainsi qu’après avoir été mutée à Montpellier, j’ai étéscandalisée lors du premier hiver que j’ai passé dans le Midi quand j’ai vu des mères de famille en arriver aux mains pour s’adjuger un paquet de pâtes ou de biscottes dans le supermarché de mon village. N’avaient-elles pas prévu qu’il pouvait neiger en hiver ? Et que la route attendrait un bon moment pour être déneigée… par le soleil ? Pour mon compte, j’avais des conserves dans mon sous-sol et de la viande et des légumes dans mon congélateur, de quoi soutenir un siège pendant deux ou trois semaines. Mon père est né dans une ferme de Cernans, ma mère à L’Abergement-les-Thésy, trois kilomètres plus loin. Je suis dans l’impossibilité de remonter plus haut dans le temps. Surtout, je n’en vois aucunement la nécessité. On comprendra pourquoi en lisant le peu que je sais sur mes grands-parents et sur l’enfance et la jeunesse de mes parents. Il y a une quarantaine d’années, un homme, cousin éloigné dont je n’ai pas gardé la moindre trace, avait pris contact avec mes parents. Afin d’élaborer l’arbre généalogique de sa famille, il recherchait des informations sur sa parenté. Il avait raconté qu’un de nos ancêtres communs, maître d’école et pourvu d’une abondante progéniture que son art n’arrivait pas à nourrir, avait pris une ferme dans le Haut-Jura. Qu’on ne s’extasie pas sur le savoir de ce pauvre hère. C’était l’époque antérieure à la loi Guizot de 1833 où il n’était pas nécessaire de posséder un
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