Le Chêne foudroyé
133 pages
Français

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Description

Fruit des amours tardifs de Rosa et Eugène, modestes paysans, Fernand a la réputation d'être un peu simple. Timide à l'excès, il est toujours gêné par ses grosses mains qu'il dissimule de son mieux, par ses oreilles qui rougissent dès qu'il se sent observé... Sévère et bigote, sa mère le rabroue souvent tandis que son père lui porte une attention affectueuse.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 7
EAN13 9782812917677
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Table des matières
Couverture Table des matières L'auteur Titre Du même auteur Avertissement I Naissance II Âge de raison III Belle Zébute IV En classe V Le dilemme d’Eugène VI L’orage et son mystère VII Le dilemme de Rosa VIII Le voyage IX L’exil X La lettre XI Noël XII Un monde à qart XIII Premières vacances XIV Claudia XV Frère André XVI Couvignot XVII Le deuil Qui sauve XVIII Le retour XIX Le monde des grands XX Wanda XXI Le qèlerinage 4e de couverture
Maurice Bouchete d’agriculteurs est né en 1937 dans la Loire, au sein d’une famill depuis plusieurs générations. La guerre presse son père à quitter la terre pour la mine de Saint-Étienne. L’auteur deviendra informaticien. Les aléas de la vie professionnelle l’amènent à Grenoble en 1963, où il découvre avec p assion la montagne. Cette passion qu’il souhaite aujourd’hui partager à trave rs l’écriture.
Titre
GÉRARD DENEGRI LEcHÊNE FOUDROYÉ
Copyright
Du même auteur
La Pierre au mercier,collection « Romans du terroir », De Borée, 2003.
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. ©De Borée, 2004
Copyright
Avertîssement
mie Lectrice, Ami Lecteur, A Ceci est une oeuvre de fiction… toute ressemblance avec des… etc.
Même si vous croyez reconnaître des personnages, de s institutions, des lieux (je ne cite pas les moeurs !), ne laissez pas vagabonder v otre imagination qui risquerait de vous entraîner encore plus loin que la mienne…
Permettez-moi deux réflexions :
– Nous avons tous croisé, un jour ou l’autre, quelq u’un volontiers qualifié de “simple”. Il existe de nombreuses définitions de ce mot dans les dictionnaires. On se contentera d’en donner deux : a) Qui est par trop naïf. (Petit Larousse, 1999.) b) Plante sauvage récoltée pour ses vertus médicina les. (Larousse 3 vol., 1966.)
– La mère du héros lui fait quelquefois ce reproche : « Tu es un drôle de phénomène ! »
Bien sûr, vous vous dites que je dois chercher à vo us embrouiller ; eh bien, pas du tout
! Si vous ne me croyez pas, lisez l’histoire de Nan d : c’est encore le plus simple !
l’auteur.
I
Naissance
ES DEUX POINGS SERRÉS appuyés contre les orbites, Rosa pousse un L gémissement. Un nouveau spasme la parcourt. Il naît , comme la pointe qu’un coup de marteau a brusquement enfoncée dans une pla nche; puis il s’étend, en ondes concentriques, jusqu’aux épaules et aux doigts de p ied. Pendant le temps d’une éternité, la douleur suspend Rosa sur la crête d’un e vague qui paraît ne pas vouloir s’étaler. Puis la souffrance reflue, abandonnant un e laisse de meurtrissures disséminées un peu partout, dans le ventre surtout. Rosa desserre un peu les poings pour soulager ses doigts, dont les jointures ont bl anchi. Elle allonge ses bras le long du corps et replie ses genoux écartés laissant ainsi p lus de place à l’énorme ballon qu’est devenu son ventre et d’où vient tout le mal. Cela a commencé ce matin pendant qu’Eugène se prépa rait pour descendre au moulin. Il avait déjà chargé les sacs de grain dans le tombereau, mis le joug aux vaches et mangé un petit morceau. À la première con traction, Rosa s’est appuyée à la table. Serrant les dents pour ne rien laisser paraître, elle a bredouillé: «Traîne pas trop en route hein…» Sans répondre, Eugène a observé Rosa du coin de l’œ il. Elle était pâle et tendue, le visage fermé, comme d’habitude quoi… Il n’a pas osé laisser glisser son regard vers le ventre ballonné de sa femme. Il sait trop qu’elle n e peut supporter qu’on la détaille par là. Avant de passer la porte il a remarqué, sans mé chanceté: «M’est avis qu’on aurait quand même dû avertir la Ti ne…» Jamais il ne dirait, comme d’autres, la «mère Guett autrou» parce qu’il déteste ce sobriquet et que, pour lui en tout cas, la Tine vau t mieux, bien mieux même, que les commérages qui courent sur son compte. Rosa a coupé , péremptoire: «T’occupe pas de ça! J’ai besoin de personne…» Il ne le sait que trop, Eugène, que Rosa n’a besoin de personne. Alors il est sorti en concluant: «J’vais tâcher de faire vite, mais jusqu’au moulin, y a un bout…» Bientôt, le choc des sabots ferrés des vaches et le roulement métallique des roues du tombereau ont résonné dans la cour pavée avant q ue le silence ne s’installe, seulement rompu, de temps à autre, par le caquèteme nt d’une poule. Rosa a tourné un peu dans la salle commune, se sentant lasse et inutile tout à coup. Avec des intervalles plus ou moins réguliers, d’aut res contractions, toujours plus douloureuses, ont jeté Rosa contre la table. Bientô t, elle n’a pas pu rester debout. La mort dans l’âme, elle s’est déshabillée, complèteme nt, en fermant les yeux pour ne pas se voir. Elle a passé une chemise de nuit qui la co uvre entièrement, des épaules aux pieds. Elle s’est allongée dans le lit-cage qui occ upe le mur du fond de la salle et elle s’est mise à attendre, sans trop savoir quoi…
* * *
De temps à autre, ses yeux s’évadent vers la pendul e: il est maintenant 3heures de l’après-midi. La fenêtre, creusée dans l’épaisseur du mur, éclaire difficilement la pièce en laissant pénétrer parcimonieusement une lumière de septembre. Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid… il n’y a pas de gaieté non pl us… rien qu’une attente morne entrecoupée de fulgurances douloureuses.
Durant un de ces répits qui la laissent tranquille, Rosa, machinalement, parcourt des mains l’arrondi qui s’étale entre ses jambes ouvert es aux genoux repliés. Soudain, elle se raidit: les doigts, qui lissent précautionneusem ent le tissu rêche et grossier de la chemise, viennent de rencontrer un obstacle. Ce n’e st qu’une toute petite couture, comme une cicatrice, sur le devant du vêtement, à l a hauteur du pubis. Quoi qu’il lui en coûte, Rosa ne peut empêcher de laisser remonter à sa mémoire des visions, des sensations qu’elle aimerait tant oublier. Cette che mise déjà: c’est sa mère qui l’a cousue et la lui a donnée. Elle a expliqué, en quel ques mots secs, à quoi servait cette ouverture qui bâillait, incongrue, comme une bouche mystérieuse trouant le tissu. C’est le seul accès qu’Eugène a jamais eu jusqu’au corps de sa femme. Encore a-t-il fallu qu’il tempête et s’obstine. Puis, quand Rosa a comp ris qu’elle était enceinte, elle a cousu l’ouverture… Elle sent deux larmes qui brûlen t en descendant le long de son nez…
Voilà! Le résultat est sous ses yeux: ce ventre éno rme qui remplit l’espace entre ses cuisses et ce poids mystérieux qui pousse et bo uge depuis quelques mois. «L’œuvre de la chair», comme dit monsieur le curé a vec cette voix désincarnée qui filtre à travers la grille de bois du confessionnal , l’œuvre de chair s’est accomplie malgré elle qui n’en voulait pas. Elle n’a jamais r éussi à savoir ce que pensait vraiment son confesseur, qui se réfugie dans des circonvolut ions verbeuses, lui «qui n’est plus tout à fait du monde». Elle a subi, parce que c’est son lot. Elle n’a même pas envié certaines de ses voisines avec qui elle a rompu qua nd des discussions, entrecoupées de rires entendus, laissaient à penser que la chose pouvait prendre un tour agréable…
Une douleur irradie, à nouveau, son corps qui se cr ispe. Le regard de Rosa dérive sur le mur et s’accroche au crucifix. Alors, par-de ssus le mal, s’insinue un sentiment inconnu qui lui fait peur, tout à coup. Elle n’a mê me pas envie de prier Celui-là, en face, qui n’a pas su, ou voulu, lui éviter ce qui est arr ivé, cette souillure de l’homme et maintenant ce corps déformé dont il lui semble qu’i l n’est plus complètement à elle…
* * *
Un rapide regard vers la pendule: il est déjà 5heur es, et Eugène qui n’est toujours
pas revenu. Les douleurs sont de plus en plus fréqu entes et de plus en plus aiguës. Les pensées de Rosa divaguent dans des espaces qu’e lle n’arrive pas à cerner. Pendant que son corps peine, douloureusement, pour se libérer de ce poids qui l’encombre, une force, qu’elle ne maîtrise pas, la pousse à retenir cet inconnu qui cherche à venir au jour. On l’a planté, contre son gré à elle, dans son ventre et c’est arrivé à cause de cet accouplement bestial, qu’il a fallu subir. Ah! Misère! Mais pourquoi a-t-elle accepté? Pourquoi ce mariage? LE mariage? Elle aurait dû résister davantage, refuser même, quand sa mère la fouaillai t de ses mots secs et durs qui lui venaient si facilement, surtout quand elle voulait infléchir la vie ou la conduite des autres. «Vieille fille! A-t-on idée de ça? C’est ce que tu seras, et dans pas longtemps encore…» Et elle montrait une pomme de terre, toute ridée et grise, une de l’autre année qu’elle avait sortie du panier. «T’as vu ça! Bonne à jeter! Voilà ce que tu seras!» Par précaution, elle s’appuyait sur monsieur le curé, dont elle avait fait son allié. Oh! lui, c’était avec des mots ronds, des mots sans asp érité, qu’on peut tourner de tous les côtés sans pouvoir les retenir, des mots qui se cou lent dans n’importe quel vide tellement ils sont lisses et sans consistance. Alors qu’il ne cesse de répéter «qu’il n’est plus complètement du monde», qu’est-ce qu’il peut s avoir du mariage, et de l’homme? Pendant des années, il a susurré la vertu de l’inno cence et de la pureté dans l’oreille des filles comme Rosa… Et elle qui l’a cru, elle qu i ne connaît même pas son propre corps après tout ce temps… et le premier venu qui v oulait voir, et toucher, et… Parce qu’il y a eu Eugène, au printemps dernier, le jour de ses quarante ans à lui, et peu de temps après ses trente-huit ans à elle. C’es t un brave homme, Eugène… Sa mère n’a pas cessé de le lui répéter, et aussi qu’o n ne pouvait pas toujours faire la difficile… Lui dire ça à elle qui n’avait rien dema ndé… Et Eugène, le gentil, a demandé lui, puis exigé ce qu’on lui devait: «Mais enfin, Rosa… On est mariés tout de même… j’su is plus un jeune c’est vrai, mais… toi non plus. Alors, de temps en temps, hein? C’est quand même pas trop demander?…» Quand elle est allée se confesser, après, monsieur le curé a dit que ce n’était pas nécessaire… Rosa n’a toujours pas compris…
* * *
«Ah! Ce que ça fait mal! Est-ce que ça va durer lon gtemps encore? Et Eugène? Jamais là quand il faut!» Un grincement d’essieu se fait entendre dans la cou r, puis un bruit de pas devant la porte… Rosa ne reconnaît pas le claquement des sabo ts d’Eugène. La porte s’ouvre, en face du lit. La Tine entre et Rosa sursaute. «Bonjour Rosa! Eugène m’a dit… Alors j’suis venue v oir, pour aider, des fois que…»
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