Le réveil Sourd en France
332 pages
Français

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Le réveil Sourd en France , livre ebook

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Description

L'Association "Deux langues pour une Education" est à l'origine d'un mouvement militant pour une éducation bilingue de l'enfant sourd. Ce mouvement allait éveiller les consciences aux difficultés de communication dans la sphère de la surdité et lever les interdits concernant l'usage de la langue des signes dans les écoles et dans la vie quotidienne. Finalement, la reconnaissance officielle de la Langue des Signes française a abouti en 2005.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2009
Nombre de lectures 468
EAN13 9782336253626
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le réveil Sourd en France
Pour une perspective bilingue

André Minguy
© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296078987
EAN : 9782296078987
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Préface de Christian Cuxac Professeur de sciences du langage Université Paris 8 Remerciements Introduction Stage Gallaudet été 1978 Première partie : - Mon parcours Deuxième Partie : - Les prémices du réveil Sourd en France 3 ème partie : - Emergence du bilinguisme en France Documents 4 ème partie : - Quelles évolutions depuis 1971...
Préface de Christian Cuxac Professeur de sciences du langage Université Paris 8
De tous temps, les enfants nés sourds ont essayé de communiquer avec leur entourage entendant au moyen de gestes dont ils étaient eux-mêmes les créateurs. Toutefois pendant des siècles, à part quelques essais sporadiques de faire parler les sourds des familles fortunées et de leur apprendre à lire sur les lèvres, aucune tentative spécifique d’éducation des enfants sourds n’avait été tentée dans le monde. Ce n’est qu’en 1760, en France, après avoir vu deux jeunes filles sourdes, sœurs jumelles, communiquer gestuellement entre elles qu’un homme de bien, l’abbé de l’Epée, aura l’idée géniale de regrouper institutionnellement des enfants sourds dans un même lieu éducatif. De ce regroupement émergera une langue visuelle gestuelle au départ faite du mélange des signes spécifiques inventés par chacun des enfants. L’institutionnalisation a pour conséquence l’accélération du processus d’émergence et, quelques années plus tard, c’est une véritable langue qui est pratiquée au sein de l’institution par les jeunes pensionnaires. Cette langue de socialisation se transmet de génération en génération en ne cessant de s’enrichir grâce à sa promotion en tant que langue d’accès à l’ensemble des savoirs scolaires et langue permettant de traduire les textes écrits en français. L’idée de l’abbé est tellement séduisante et simple à mettre en œuvre que, très vite, ce modèle éducatif se répandra dans l’ensemble des grandes villes de la France puis s’exportera dans les métropoles européennes et mondiales. Par ailleurs, les sourds adultes, jusque-là socialement marginalisés, constituent alors, une fois sortis des institutions, une véritable communauté linguistique et culturelle de plusieurs dizaines de milliers d’individus. Ils peuvent en outre participer activement à l’éducation des jeunes sourds en tant que surveillants, répétiteurs, enseignants, voire chefs d’établissements, et exercer, par là même, des métiers intellectuels.
Mais en 1880, suite au déroulement, dans la ville de Milan, d’un congrès international préconisant l’interdiction de la langue des signes dans les établissements scolaires sous couvert de normaliser les enfants sourds, les organismes chargés de l’éducation des sourds en France (il s’agit à l’époque des ministères de l’Intérieur et de l’Instruction Publique) mettront fin avec une grande brutalité à ce qui constituait une formidable avancée éducative et sociale initiée au siècle des Lumières.
Une telle décision, cruelle en ce qu’elle prive une communauté linguistique de la pratique de sa propre langue, se révèle aussi, à l’examen, profondément stupide : en effet une politique éducative des enfants sourds qui vise prioritairement l’usage de la parole (démutisation et lecture labiale) est en quelque sorte incompatible avec le regroupement des enfants dans un même lieu éducatif. Et quoi de plus absurde que de forcer des enfants ou adolescents sourds quand ils s’adressent l’un à l’autre que de leur interdire leur moyen de communication naturel pour les forcer à se parler oralement alors qu’ils n’entendent pas. Ce credo éducatif porte un nom : l’oralisme. L’oralisme règnera sans partage pendant plus d’une centaine d’années en France, avec plus ou moins de rigueur : certains établissements maintiendront impérativement l’interdiction de signer dans tous les lieux de vie, d’autres la limiteront à ce qui touche à la scolarité, c’est-à-dire la salle de classe.
Quelques données chiffrées recueillies à la fin des années 1970 illustrent les effets dramatiques de l’interdiction de la langue des signes en milieu scolaire. - moins de dix adolescents sourds obtenaient alors le bac chaque année alors qu’à taux de réussite équivalent avec la population entendante on aurait été en droit d’en attendre 200 ; - sur tout le territoire, les jeunes sourds n’avaient le choix qu’entre une quinzaine de métiers manuels et, pour les rares titulaires du bac l’accès aux études supérieures était fermé ; - l’illettrisme affectait 80% de la population sourde (donnée extraite du rapport Gillot auprès du Premier Ministre, en 1998) ; - les sourds adultes étaient dans l’impossibilité d’exercer des métiers intellectuels.
En 1975, le congrès mondial des sourds, tenu cette année-là à Washington, permettait aux sourds français de rencontrer in situ leurs homologues américains et de constater que dans le seul pays au monde à ne pas avoir interdit la langue des signes dans les écoles, la situation des sourds adultes n’avait rien de comparable avec la misère sociale et culturelle qui était leur lot dans l’hexagone. De là à ce qu’une relation de cause à effet entre présence de la langue des signes à l’école et participation future à la vie sociale soit faite, il n’y avait qu’un pas.
Si, à partir de cette date de nombreux sourds français se sont alors mobilisés pour défendre en même temps que leur droits citoyens la promotion de la langue des signes, peu d’entre eux, en revanche, ont estimé que ce combat impliquait en dernière instance une refonte du système éducatif, marquée par un retour de la langue des signes dans les salles de classe et le droit pour les enfants sourds à une éducation bilingue. André Minguy, l’auteur de ce livre, est l’un d’eux. Estimant qu’un combat solitaire n’était plus de mise, André eut l’idée de regrouper en association toutes les bonnes volontés désireuses de rendre à la langue des signes dans le cadre d’une éducation bilingue, la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter dans le système scolaire. L’association Deux Langues pour une Education était née.
Fort heureusement, le mouvement en faveur d’une éducation bilingue commençait à disposer d’un accompagnement scientifique favorable: la sociologie et l’anthropologie décrivaient la population sourde en tant que communauté linguistique et culturelle alors que de son côté, la linguistique venait d’apporter la démonstration que les langues des signes constituaient bien un ensemble de langues à part entière. Parallèlement à cela des travaux historiques commençaient à rendre justice aux expériences éducatives bilingues délibérément occultées à la suite du congrès de Milan. Et ce patient travail de reconstruction historique restituait peu à peu la richesse d’une pédagogie censurée.
Pour l’association Deux Langues pour une Éducation, cette mobilisation des sciences humaines constitua une aide non négligeable car, du côté des pouvoirs publics, les ministères chargés de l’éducation des sourds se montraient peu enclins à faire bouger les choses. Pour le ministère de la Santé -puis par la suite des Affaires Sociales-, ayant la tutelle de la plupart des établissements spécialisés, accepter le retour de la langue des signes dans les salles de classe revenait à endosser une responsabilité écrasante dans ce qu’il convient bien d’appeler une institutionnalisation de l’échec. Quant au ministère de l’Education Nationale, sensible aux discours d’associations parentales militant pour l’intégration des enfants sourds en milieu entendant, il ne pouvait qu’être très réservé à l’idée d’une éducation bilingue.
De plus, si l’on ajoute à cela que les responsables de la Confédération Nationale des Sourds de France, à l’époque concernée, estimaient que l’éducation des jeunes sourds était le domaine réservé des seuls entendants, on comprend aisément que la réintégration de la langue

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