Robert Schnerb, un historien dans le siècle 1900-1962
300 pages
Français

Robert Schnerb, un historien dans le siècle 1900-1962 , livre ebook

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300 pages
Français

Description

L'histoire d'un homme, l'historien Rober Schnerb, nous fait entrer de plain-pied dans la vie universitaire, celle des historiens en particulier, entre 1930 et 1960, mais aussi dans la vie politique des turbulentes années trente comme dans la bataille idéologique de la guerre froide. On saisit aussi plus intimement ce qu'ont été les années noires pour une famille d'origine juive.

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Informations

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Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 76
EAN13 9782296470651
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ROBERT SCHNERB, UN HISTORIEN DANS LE SIÈCLE
(1900-1962)
Une vie autour d’une thèse
Collection « Inter-National » dirigée par Denis Rolland avec Joëlle Chassin, Françoise Dekowski et Marc Le Dorh Cette collection a pour vocation de présenter les études les plus récentes sur les institutions, les politiques publiques et les forces politiques et culturelles à l’œuvre aujourd’hui. Au croisement des disciplines juridiques, des sciences politiques, des relations internationales, de l’histoire et de l’anthropologie, elle se propose, dans une perspective pluridisciplinaire, d’éclairer les enjeux de la scène mondiale et européenne. Série générale (dernières parutions) : Hugues TERTRAIS (dir.),La Chine et la mer. Sécurité et coopération régionale en Asie orientale et du Sud-Est, 2011.Denis ROLLAND,La crise du modèle français, 2011. Georges CONTOGEORGIS,L’Europe et le monde. Civilisation et pluralisme culturel, 2011. Phivos OIKONOMIDIS,Le jeu mondial dans les Balkans. Les relations gréco-yougoslaves de la Seconde Guerre mondiale à la Guerre froide, 2011. Lucie PAYE-MOISSINAC, Pierre ALLORANT, Walter BADIER, Voyages en Amérique, 2011. Jean-Marc ANTOINE et Johan MILIAN (dir.),La ressource montagne, Entre potentialités et contraintes, 2011. Carlos PACHECO AMARAL (éd.),Autonomie régionale et relations internationales, Nouvelles dimensions de la gouvernance multilatérale, 2011. Denis ROLLAND (coord.),Construire l’Europe, la démocratie et la société civile de la Russie aux Balkans. Les Ecoles d’études politiques du Conseil de l’Europe. Entretiens, 2011. Aurélien LLORCA,La France face à la cocaïne. Dispositif et action extérieurs, 2010. Guillaume BREUGNON,Géopolitique de l’Arctique nord-américain : enjeux et pouvoirs,2011. Maria Isabel BARRENO,Un imaginaire européen,2010. Alicia BRUN-LEONARD, Constance d'EPANNES de BECHILLON, Albert Brun, un reporter insaisissable. Du Cuba Libre d'Hemingway à la capture de Klaus Barbie. 40 ans d'AFP, 2010. Erwan SOMMERER et Jean Zaganiaris (cood.),L'obscurantisme. Formes anciennes et nouvelles d'une notion controversée, 2010.
CLAUDINE HÉRODY-PIERRE ROBERT SCHNERB, UN HISTORIEN DANS LE SIÈCLE
(1900-1962)
Une vie autour d’une thèsePréface de Nathan Wachtel
DU MÊME AUTEUR « Départs forcés ou départs contraints – Comment les étrangers partent des Ardennes durant les années 1930 : réflexion depuis un département frontalier », in l’ouvrage collectif sous la direction de Philippe Rygiel,Le bon grain et l’ivraie – La sélection des migrants en Occident, 1880-1939, Paris, Aux Lieux d’être, 2006, Chapitre 8, pp. 217-243. © L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55533-4 EAN : 9782296555334
P R É FAC E
J’avais déjà eu quelque responsabilité à l’origine de la rédaction, par 1 Madeleine Schnerb, de sesMémoires pour deux. Près de quarante ans plus tard, en écho lointain, comme une bouteille jetée à la mer, me parvint en terre auvergnate, à Saint-Nectaire, un message de Claudine Hérody-Pierre, sa petite-fille, exprimant le souhait de me rencontrer pour recueillir mes souvenirs d’hypokhâgne au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Fer-rand : je devenais à mon tour un maillon dans la transmission d’une mé-moire fidèle, obstinée, franchissant les décennies. Aussi est-ce pour moi un émouvant honneur de pouvoir lui offrir les pages qui suivent en guise de préface au bel ouvrage qu’elle a consacré à son grand-père, Robert Schnerb, mon maître vénéré. Ce livre est beaucoup plus qu’un témoignage de piété filiale: il dépasse le seul genre biographique pour restituer magnifiquement – comme l’an-nonce le titre :Un historien dans le siècle– une histoire plus large englobant le milieu social d’origine, l’itinéraire intellectuel et l’engagement militant, l’analyse synthétique des œuvres, le tableau saisissant de la vie universitaire en France pendant les années 1930-1940, les rebondissements d’une en-quête véritablement judiciaire, la prégnance de l’antisémitisme, le trauma-tisme provoqué par le statut des Juifs sous le régime de Vichy, le refuge dans la clandestinité, le combat pour la survie, puis la difficile réinsertion au lendemain de la Libération. – Tout ce passé reprend vie et Claudine Hé-rody-Pierre nous le donne à comprendre avec un talent d’historienne digne de celui de son grand-père, grâce à une heureuse association d’ob-jectivité scrupuleuse et de fine sensibilité, de généreuse empathie et d’in-transigeante distanciation. De la difficulté que risquait de créer sa proximité (son lien de parenté) avec le personnage central de son étude, elle fait vertu : ne dissimulant aucunement sa propre subjectivité (entre autres, page 13 : « J’ai senti que son histoire est aussi la mienne »), elle lui applique un examen critique sans complaisance, conférant de la sorte à son travail un supplément de rigueur, et une honnêteté exemplaire. Ainsi partageons-nous avec elle un sentiment de pleine familiarité avec les thèmes et les événements évoqués, en même temps que l’intelligence de leur extrême complexité. Pour le lecteur qui ouvre ici ce livre, il importe dès l’abord d’expliquer son sous-titre:Une vie autour d’une thèse. C’est en effet une thèse de doctorat
II
ROBERT SCHNERB,UN HISTORIEN DANS LE SIÈCLE
d’État, soutenue en 1933, qui se trouve au départ, comme l’écrit Madeleine 2 Schnerb, d’une « affaire Schnerb », d’un « scandale Schnerb » . De quoi s’agit-il? D’une cruelle injustice, d’une exécution implacable, certes non san-glante, mais définitive: un « bûcher » académique. La thèse de Robert Schnerb, préparée sous la direction d’Albert Ma-thiez (décédé en 1932, l’année précédant la soutenance) portait sur un sujet austère, important et totalement neuf, puisqu’il s’agit d’une histoire sociale de la fiscalité pendant la Révolution française. Que l’œuvre soit pionnière, fondée sur une documentation d’archives jusqu’alors inex-plorées, et de haute qualité scientifique, en témoignent les comptes ren-dus extrêmement élogieux qu’en donnent dès la même année 1933 des auteurs tels que Georges Lefebvre, Ernest Labrousse, et notamment Lucien Febvre. Or, comment s’était passée la soutenance ? On trouvera dans le livre de Claudine Hérody-Pierre d’abondants détails, présentés avec une sereine pondération. J’en résume ici quelques aspects dans un condensé inévitablement plus rude. Comment ne pas s’étonner, en effet, du déroulement même de la séance ? Elle débute à 14 heures, s’attarde pendant plus de deux heures et demie sur la thèse complémentaire (re-cueil de textes), si bien qu’il ne reste plus qu’un laps de temps dérisoire pour la thèse principale, car il faut terminer avant 18 heures ! Et com-ment ne pas évoquer à mon tour l’image consternante, dans le solennel amphithéâtre Louis Liard, d’un président du jury, Henri Hauser, soupe-sant le « trop gros bouquin », dont il découpe les pages sans pudeur sous les yeux effarés de l’impétrant et du public ! Verdict, malgré l’avis des deux rapporteurs (dont Philippe Sagnac, qui avait pris la succession d’Al-bert Mathiez) : mention « honorable », qui ferme à Robert Schnerb les portes de l’Université pour le restant de ses jours. Comme le même Phi-lippe Sagnac l’écrit le lendemain au candidat malheureux : «Votre soute-nance a été étranglée.» Et dans un billet adressé la veille à Robert Schnerb, c’est à peine un lapsus si Henri Hauser emploie, lui aussi, un vocabulaire 3 de meurtre : « Cette fin de juin est une liquidation . » Pourquoi ? L’enquête menée en toute impartialité par Claudine Hérody-Pierre me paraît parfaitement convaincante. L’on a proposé bien des explications au fait que Robert Schnerb ne put poursuivre la carrière universitaire qu’il méritait : malchance, malentendus, concours de cir-constances, sans oublier certains traits de sa personnalité, décrits au de-meurant de manière contradictoire (orgueil, modestie, intégrité intran-sigeante, rigidité, etc.). Le facteur essentiel n’en reste pas moins, de toute évidence, l’antisémitisme amplement répandu en France dans les années 1930, y compris (peut-être même surtout), dans le milieu universitaire. Claudine Hérody-Pierre rappelle à cet égard (p. 152) le témoignage de
PRÉFACE
III
Marc Bloch qui, dans une lettre du 19 avril 1936 adressée à Lucien Febvre, distingue, à propos des échecs répétés de sa propre candidature au Col-lège de France, « deux types d’antisémitisme. Celui qui veut exterminer, […] ce n’est pas le plus dangereux en raison de ce qu’il a d’excessif et de répugnant. Et celui du “Numerus Clausus”, beaucoup plus inquiétant 4 […] plus répandu ». Que le Président du Jury Henri Hauser, lui-même Juif, ait été complice de l’application à l’encontre de Robert Schnerb d’un numerus clausus antisémite, appelle cette observation exprimée en termes mesurés : « Des professeurs juifs, par crainte de donner l’impres-sion de favoriser leurs “coreligionnaires”, ont pu agir tels des antisémites ; il importe aussi pour certains qui ont alors le plus de pouvoir de ne pas grossir le rang des Juifs dans l’université, ce qui risquerait de renforcer 5 l’antisémitisme . » (p. 250) Le stigmate qui marquait désormais Robert Schnerb réapparut à chacune de ses tentatives d’accéder à une chaire uni-versitaire, même après la Libération : en 1947 encore Lucien Febvre l’in-6 forma, avec sa brutale franchise, qu’il était « barré » au Ministère (p. 170) . Pour quelle raison? Celle principalement que le même Lucien Febvre, dans sa correspondance avec Marc Bloch, désignait d’un euphémisme perfide 7 comme « le problème onomastique ». Paradoxe supplémentaire : à l’époque de la soutenance de la thèse, pendant toutes les années 1930 et jusqu’au statut des Juifs d’oc-tobre 1940, ni Robert Schnerb ni Madeleine ne songent un instant à attribuer leurs déboires au préjugé antisémite. Leur milieu d’origine n’est autre en effet que celui des israélites alsaciens très assimilés, laïcs, répu-blicains et intensément patriotes (tous deux appartiennent aux branches de leurs familles respectives qui ont opté pour la France après l’annexion de l’Alsace en 1871). Aussi bien ne s’agit-il pas seulement de leurs cas personnels : c’est toute leur vision du monde et de l’histoire, l’ensemble de leurs interprétations des événements politiques, des mouvements so-ciaux, des questions économiques, qui s’inscrivent dans un système de pensée rationaliste, athée, et, clairement pour Robert Schnerb, marxiste. On comprend qu’ils éprouvent alors « une forme de répugnance à ima-giner les problèmes de l’époque à l’aune de leur seule identité juive. Leur judéité ne compte d’ailleurs pas. Ils se veulent universalistes, huma-nistes » (p. 114). De fait, leur rapport à l’identité juive se signale par une profonde ambivalence. Robert Schnerb a certes reçu, en matière de religion juive, une ins-truction suffisante pour célébrer sa bar-mistvah. Mais son père Maurice, qui gère à Dijon un magasin de chaussures, et sa mère Florine, née Lévy (laquelle parle et écrit parfaitement tant le français que l’allemand), ne paraissent pas entretenir des relations suivies avec les membres de la com-
IV
ROBERT SCHNERB,UN HISTORIEN DANS LE SIÈCLE
munauté juive. Bien au contraire : la mère de Robert « contribue à trans-mettre à son fils des préjugés à l’encontre des commerçants juifs présu-més mesquins. Elle communique vraisemblablement aussi un rejet des pratiques religieuses, superstitions populaires […] » (p. 20). De fait, dans leJournal des vingt ansqu’a tenu Robert Schnerb, on observe que si celui-ci emploie l’expression « juiverie alsacienne typique », pratiquement n’y affleure « aucune mention à sa judéité » (p. 21). Quant à Madeleine Schnerb, née Liebschütz, ses grands-parents paternels, Emmanuel et Célestine, née Jacob, possédaient une boutique de passementerie à Chalon-sur-Saône et maintenaient encore des pra-tiques religieuses régulières : « Ces Juifs modestes vivaient en bonne in-telligence avec des voisins besogneux et qui ne répugnaient pas à venir 8 leur allumer les lampes les jours de Sabbat . » Cependant leur fils Georges (père de Madeleine), devenu voyageur de commerce, s’était déjà détaché de toute religion : « L’anticléricalisme de mon père […] englobait 9 dans sa méfiance vis-à-vis du clergé les rabbins et les ministres officiants . » Du côté maternel, Madeleine avait pour grands-parents : le docteur Élie Weil, médecin à Dijon, « profondément laïc » (p. 29), et Sarah, née Brun-schwig, qui parlait et écrivait couramment, elle aussi, le français et l’alle-mand, tout en émaillant ses propos, « dans l’intimité, de savoureuses 10 expressions yiddish ». Cependant leur fille Berthe (mère de Madeleine) fit ses études dans un établissement catholique (dont le docteur Weil avait été le médecin attitré jusqu’à l’affaire Dreyfus). En définitive, conclut Madeleine Schnerb, « le dénominateur commun de mon grand-père et de mon père était le laïcisme qui se traduisait naturellement par l’anticléri-calisme en général et l’agressivité envers la communauté juive en parti-11 culier ». Et concernant sa propre attitude elle rappelle lucidement (cinquante ans plus tard) : « Bien plus, je n’étais pas très éloignée d’un certain antisémitisme : paradoxalement je ne voulais pas être confondue avec ces mercantis nantis. […] en 1920, une étudiante comme moi pen-sait du fond du cœur pouvoir être absolument intégrée dans une France 12 républicaine et laïque . » On mesure le désarroi de Robert et Madeleine Schnerb, leur in-compréhension, lorsqu’est publié le premier statut des Juifs du 3 octo-bre 1940 qui leur interdit d’enseigner : « […] Nous eûmes l’impression 13 d’être des parias . » Les deux mois qui les séparent du 20 décembre, date à laquelle prend effet l’exclusion de l’enseignement (celle de la « dernière classe »), sont « littéralement insupportables ». Robert Schnerb, modèle de conscience professionnelle, qui jusqu’alors n’avait pratiquement jamais été souffrant hors des jours fériés ou des vacances, tombe « dans une sorte de dépression » (p. 132) : « Il se fit mettre en
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