Femmes féminisme sionisme dans la communauté juive de Palestine avant 1948
376 pages
Français

Femmes féminisme sionisme dans la communauté juive de Palestine avant 1948 , livre ebook

-

376 pages
Français

Description

Cet ouvrage éclaire le public francophone sur une composante singulière de la mythologie nationale israélienne : la figure de la "pionnière" instrumentalisée par le nationalisme sioniste. Il donne des clefs pour comprendre, non seulement les confrontations et les alliances entre nationalisme et féminisme dans la période antérieure à la fondation de l'État d'Israël, mais aussi les débats et les affrontements politiques aujourd'hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296490345
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Femmes, féminisme, sionisme dans la communauté juive de Palestine avant 1948
Bibliothèque du féminisme Collection fondée par Hélène Rouch, Oristelle Bonis et Dominique Fougeyrollas publiée avec le soutien de L’Association nationale des études féministes (ANEF)
Les essais publiés dans la collectionBibliothèque du féminismequestionnent le rapport entre différence biologique et inégalité des sexes, entre sexe et genre. Il s’agit ici de poursuivre le débat poli-tique ouvert par le féminisme, en privilégiant la démarche scienti-fique et critique dans une approche interdisciplinaire. L’orientation de la collection se fait selon trois axes : larééditionde textes qui ont inspiré la réflexion féministe et le redéploiement des sciences sociales ; lapublicationde recherches, essais, thèses, textes de séminaires, qui témoignent du renouvellement des probléma-tiques ; latraduction d’ouvrages qui manifestent la vitalité des re-cherches féministes à l’étranger. Tous droits réservés pour l’ensemble des photos.
Isabelle Lacoue-Labarthe
Femmes, féminisme, sionisme dans la communauté juive de Palestine avant 1948
© L'Harmattan, 20125-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56966-9 EAN : 9782296569669
Introduction
1 L’histoire de la communauté juive de Palestine des « années pion-2 nières » est d’abord celle d’un groupe désireux de tenter la réalisation d’un e projet politique né à la fin du XIX siècle : le sionisme. Créé en 1890 par le 3 journaliste viennois Nathan Birnbaum , à une époque de forte recrudes-cence de l’antisémitisme européen, ce terme désigne l’aspiration du peuple 4 juif à une renaissance nationale, de préférence en Palestine . En 1897, cette aspiration se cristallise avec la création, à l’initiative de Théodore Herzl – autre journaliste et écrivain viennois –, de l’Organisation Sioniste Mondiale (OSM). Ses objectifs sont définis lors de son premier Congrès, réuni à Bâle : « le sionisme doit s’efforcer de créer en Palestine un foyer juif garan-ti par le droit public », en y favorisant l’installation de Juifs (paysans, arti-sans, commerçants) et surtout en stimulant la prise de conscience du fait 5 national juif .
1. Définir la Palestine représente une véritable gageure, rappelle Sonia Dayan-Herzbrun. Cf. Antoine Bouillon, Sonia Dayan-Herzbrun, Maurice Goldring,Désirs de paix, relents de guerre, Paris, Desclée de Brouwer, 1996, pp. 63-64. Comme il est habituellement admis, le terme de Palestine désignera le territoire situé à l’Ouest du Jourdain et soumis au mandat britannique de 1922 à 1948. 2. On nomme années pionnières la période durant laquelle se sont formés l’essentiel des cadres institutionnels, sociaux, économiques... du futur Etat hébreu ; elle s’étend de 1904 à 1939. er 3. Le terme sionisme est utilisé pour la première fois le 1 avril 1890 dans sa revueSelbst-Emanzipationqui diffuse l’idéologie des Hovevei Sion ; en 1893 Birnbaum précise sa pen-sée dans une brochure intituléeLa renaissance nationale du peuple juif sur sa terre comme solution à la question juive;. Si la formulation est nouvelle, les propos ne le sont guère e depuis la seconde moitié du XIX siècle, des projets semblables ont déjà été élaborés par ceux qualifiés rétrospectivement de précurseurs du sionisme (les rabbins Kalischer et Alka-lai, Moses Hess, par exemple). 4. En dépit des liens historiques et religieux unissant le peuple juif à la Palestine, certains sionistes envisagent des solutions de repli. En août 1903, Herzl propose ainsi aux délégués e du VI Congrès Sioniste de créer un foyer national juif en Ouganda, alors sous domination britannique ; son projet est rejeté à une large majorité. 5. Sur le programme de Bâle, voirNew Encyclopedia of Zionism and Israel, New York, Herzl Press, 1994, tome 1, article « Basle Program », p. 171. Le Congrès sioniste se réunit ensuite régulièrement, tous les ans ou un an sur deux avant la Seconde Guerre mondiale, plus irrégulièrement ensuite. Avec l’Organisation Sioniste Mondiale, il coordonne l’action des communautés juives du monde entier et assure la liaison avec la communauté juive de Palestine, désignée sous le terme de Yishouv.
8 FEMMES,FEMINISME,SIONISMEHerzl crée un lien entre les Juifs de Diaspora en leur imprimant la con-viction d’être un peuple ayant « droit à la plénitude politique dans le cadre 1 d’un Etat », grâce auquel il pourra se structurer en une nation. Le sionisme se définit donc avant tout comme un nationalisme, c’est-à-dire « à la fois une idéologie et un mouvement socio-politique qui vise à donner au groupe 2 humain juif une assise politique, dans le cadre d’un Etat-nation». Pour autant le sionisme n’est pas monolithique ; à la mort de Herzl en 1904, deux courants s’opposent en effet : les sionistes politiques s’efforcent d’obtenir la création, par l’une des grandes puissances de l’époque (la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou l’Empire ottoman), d’un foyer national juif en Palestine. Les sionistes pratiques estiment au contraire que l’immigration juive et la création en Palestine de structures économiques, sociales et politiques, doit précéder la création du foyer national, dont 3 l’existence pourra toujours être reconnue ultérieurement . Les seconds sont majoritairement socialistes ; les premiers s’inspirent davantage des valeurs libérales. Le 2 novembre 1917, grâce à l’action de Chaim Weizmann, les sionistes politiques obtiennent du ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Balfour, une déclaration qui reprend la terminologie adoptée à Bâle :« le Gouvernement de sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses ef-forts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne pourra être fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et 4 religieux des communautés non-juives en Palestine...».En 1920, les pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale, réunis à San Remo, entérinent la Déclaration Balfour et acceptent le principe d’un protectorat britannique sur la Palestine. Deux ans plus tard, celui-ci est officiellement confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations. Parallèlement, les sionistes pratiques s’emploient à développer l’immigration et la colonisation juives en Palestine. Très restreintes au e XIX siècle, celles-ci prennent leur essor à partir de 1904, au début de la 5 seconde aliya . Jusqu’en 1939, la population juive augmente constamment, 1. Ainsi Alain Dieckhoff justifie-t-il la phrase qu’Herzl inscrit dans son journal « A Bâle, j’ai fondé l’Etat juif ». Cf.. Alain Dieckhoff,L’Invention d’une nation. Israël ou la moderni-té politique, Paris, Gallimard, 1993, p. 70. 2. Voiribid., p. 206. 3. Sur cette division du sionisme, voir la brève mise au point inibid., p. 36. 4. Cité in Doris Bensimon et Eglal Errera dansIsraéliens. Des Juifs et des Arabes, Bruxelles, Complexe, 1989, p. 50. 5. L’immigration juive en Palestine débute en 1880, avec l’arrivée des Hovevei Sion ; mais une grande partie des immigrants ne parvient pas à s’y acclimater et quittent rapidement la Terre promise. Les autres amorcent la colonisation agricole juive de Palestine. Entre 1881 et 1903 environ 25 000 Juifs s’installent néanmoins durablement en Palestine.
INTRODUCTION
9
la colonisation agricole s’intensifie et le Yishouv se dote des institutions envisagées par les sionistes pratiques (Assemblée représentative, embryon de gouvernement, syndicat, entreprises « nationales », etc.). Celles-ci sont peu à peu reconnues par les autorités mandataires. Mais l’année 1939 marque un tournant décisif dans l’histoire du Yishouv : dans la perspective de la guerre imminente, les Britanniques, jusqu’alors favorables à l’entreprise sioniste, mettent un coup d’arrêt à l’immigration juive en Pales-tine, désormais limitée à une moyenne annuelle d’environ 15 000 per-1 sonnes . Les tensions entre Juifs et Arabes se sont en effet accrues, après les émeutes arabes de 1929 et de 1936 ; même si, trois ans après leur dé-clenchement, celles-ci sont définitivement écrasées par la répression britan-nique, il est désormais difficile d’imaginer une coexistence pacifique entre les deux communautés. Enfin le début du second conflit mondial place les Juifs dans une position inconfortable : faut-il soutenir l’Angleterre contre les puissances centrales, et surtout contre l’Allemagne nazie, fer de lance de l’antisémitisme, ou lui faire payer sa trahison de la cause sioniste ? Le sionisme ne peut dès lors plus apparaître comme une entreprise de 2 salut public, bénéfique tant aux olim qu’aux autochtones, Juifs et Arabes, mais plutôt comme un élément perturbateur du fragile équilibre du Moyen-Orient. A l’immense espoir né avec Herzl, décuplé par la déclaration de 1917, encore renforcé par la reconnaissance internationale, espoir que n’entament ni la présence d’une communauté arabe bien supérieure en 3 4 nombre – et pourtant négligée – ni les difficultés financières des sionistes, succèdent l’inquiétude et la peur d’un avenir incertain pour le Yishouv comme pour les Juifs de Diaspora.
1. En mai 1939, le Livre Blanc réduit le rythme de l’immigration juive en Palestine à 75 000 personnes – incluant 25 000 réfugiés – pour 5 ans, soit un rythme annuel d’environ 15 000 immigrants. Il y est par ailleurs affirmé : « ... le gouvernement officiel de Sa Majesté dé-clare, de manière officielle, que la création d’un Etat Juif en Palestine ne fait pas partie de son programme », cité in Doris Bensimon, Eglal Errera, ibid., p. 306. Ce revirement pro-arabe de la Grande-Bretagne s’explique par la nécessité de se concilier les populations arabes à la veille d’un nouveau conflit mondial. 2. Pluriel de ole, terme hébreu désignant celui qui fait son aliya, autrement dit immigre en Palestine. 3. En 1880, on compte en Palestine 1 Juif pour 22 Arabes. En 1915, ce rapport n’est plus que de 1 Juif pour 6/7 Arabes ; il reste malgré tout très déséquilibré au profit de la commu-nauté arabe, voir les chiffres fournis par Claude Klein,La Démocratie d’Israël, Paris, Seuil, 1997, p. 40. 4. Au début de la colonisation sioniste, certains immigrants débarquaient en Palestine en croyant trouver une terre déserte, d’où leur surprise après leur arrivée. Simone Bitton évoque ce décalage dans son film :Palestine.Histoire d’une terre, 1993. Il faut dire que certains dirigeants sionistes les induisent – volontairement ou non ? – en erreur, ainsi de Max Nordau et de sa célèbre formule : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », citée in Sonia Dayan-Herzbrun et alii,ibid., p. 58.
10 FEMMES,FEMINISME,SIONISMELes quelques années qui séparent le début du second conflit mondial de la déclaration d’indépendance de l’Etat hébreu (1948) contrastent avec la période d’avant 1939, qui reste dans les mémoires comme un d’âge d’or. A cette période, rendue légendaire par ses propres contemporains qui évo-quent avec une tendresse teintée de nostalgie, à la fois des années d’effervescence politique, économique, sociale – les années d’enfance de l’Etat d’Israël – et le souvenir de leur propre jeunesse, les femmes sont largement associées. Elles apparaissent très présentes dans la mémoire col-lective et il semble qu’un grand nombre d’Israéliennes se soient longtemps référées à leurs aînées comme à des modèles ; certaines le font encore au-jourd’hui. Aussi l’image idéale dont ont bénéficié les femmes et plus largement l’ensemble de la période préétatique, auprès de l’opinion publique, est par-fois qualifiée de mythe, suggérant qu’elle falsifie l’Histoire. C’est ce que fait par exemple le journaliste israélien Amos Elon qui, dansLes Israéliens. Portrait d’un Peuple, se méfie de l’enthousiasme quasi général à ce sujet ; il écrit : « La légende ayant pris son essor – la réussite est toujours grande fabricatrice de mythes – les hommes et les femmes de la Deuxième Aliya ont pris une dimension presque surhumaine », et plus loin : même si « Les observateurs modernes sont las des termes héroïsme, dévouement, idéa-lisme altruiste», ces termes « étaient et sont encore fréquemment employés 1 pour les décrire ». Le « mythe des pionnières » n’a été identifié comme tel qu’un peu plus tard, sous la plume de Lesley Hazleton qui révèle son omni-2 présence dans la culture israélienne . Il existe en effet un écart considérable entre l’expérience vécue, marquée par les difficultés, les moments de dé-couragement, et la représentation archétypale, idéalisée qui en a été faite. 3 Le projet sioniste de créer une nouvelle société et un nouveau type de Juif – à l’opposé du modèle diasporique – et d’autre part le profil des futures immigrantes ont sans doute contribué à l’élaboration d’un véritable mythe des femmes sionistes de Palestine. Bénéficiaires d’une meilleure situation des femmes en Europe comme aux Etats-Unis, souvent très impli-quées dans des mouvements féministes et politiques de Diaspora – sionistes en particulier –, ces femmes, en rupture avec leur milieu socioculturel, font
1. Amos Elon,Les Israéliens. Portrait d’un peuple, Paris, Stock, 1972, p. 174. 2. Lesley Hazleton,Israeli Women. The Reality Behind the Myths, New York, Simon and Schuster, 1977, p. 15. 3. Les sionistes pratiques qui s’engagent dans la construction du foyer national juif en Pales-tine sont, jusqu’à la troisième aliya (1919-1923) majoritairement issus de partis socialistes et veulent d’ailleurs instaurer une Palestine socialiste ; ce sont eux qui créent les premières colonies collectivistes palestiniennes. A l’inverse, jusqu’à la fin des années 1920, les sio-nistes généraux (c’est-à-dire centristes libéraux) dominent l’Organisation Sioniste Mondiale.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents