La cruauté
398 pages
Français
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Description

A travers le concept de Nebenmensch (le prochain) Freud pose les premiers jalons de la théorie du « tiers caché » qui dialectise le rapport entre la négativité cruelle du père (représentant le masculin primitif) et la négativité balbutiante de la « fille » (représentant l'infantile préhistorique). Tel est le thème central de ce livre qui a trouvé dans l'oeuvre de Winnicott, la reprise du thème freudien des deux principes, paternel et maternel.

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Date de parution 01 février 2013
Nombre de lectures 82
EAN13 9782296530317
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

Dans une lettre conIdentielle adressée à Fliess le 24 décembre 1897, Freud note : « Le père appartient à la catégorie des « hommes qui poignardent les Illes », pour lui les blessures sanglantes sont un besoin érotique ». Freud semble évoquer la sexualité anale induite par un père mythique, en contrepartie de la survie de sa chaîne de Iliation. Ce père est ainsi le personnage absent d’une saynète où la mère (contrainte au coït anal) est en proie à une « crise où elle joue les rôles des deux personnes à la fois (auto-mutilation et auto-mise à mort) ».
En interrogeant le savoir dont témoigne la crise, Freud prolonge en réalité sa pensée exprimée dans l’ de la nécessité d’une « action spéciIque du », répondant àl’Hilosigkeit (détresse sans recours) du nouveau-né. L’hypothèse avancée dans ce livre est qu’à travers le concept de (le prochain) – qui n’apparaîtra plus ensuite dans ses écrits – Freud pose les premiers jalons de la théorie du « tiers caché » qui dialectise le rapport entre la négativité cruelle du père (représentant le masculin primitif) et la négativité balbutiante de la « Ille » (représentant l’infantile préhistorique).
Tel est le thème central de ce livre qui a trouvé dans l’œuvre de Winnicott, autour des notions decruauté primitive et defolieprimaire, la reprise du thème maternelle freudien des deux principes, paternel et maternel. L’approche nouvelle a été de concevoir ces deux principes comme deux vides physiques formant une paire contrastée qui transIgure l’interdit de naissance intrinsèque à ce père en une afInité générique propice aux faits migratoires du masculin.
 est née en 1948 au Maroc. Après des études de médecine et de psychiatrie à Strasbourg, elle s’engage dans la psychanalyse d’obédience lacanienne. Sa pratique psychanalytique avec des adultes dits « borderline » ainsi qu’avec des enfants psychotiques, l’a conduite à une recherche refondant l’apport de Freud et de Lacan avec d’autres courants de pensée psychanalytique, essentiellement celui de Winnicott. Membre de la Société de psychanalyse freudienne, elle a animé de nombreux séminaires et est l’auteur de plusieurs articles dont « Le double et le sacrifice » (Sacrifices, Enjeux cliniques, L’Harmattan, 1998), « Les enjeux du miroir chez Winnicott et Lacan » (L’esprit scientifique en psychanalyse, L’Harmattan 2003).La cruauté. Le corps du videest son premier livre.
Touria Mignotte
LA CRUAUTÉ.LE CORPS DU VIDE Freud, Lacan, Winnicott
Études psychanalytiques
La cruauté. Le corps du vide Freud, Lacan, Winnicott
Études Psychanalytiques Collection dirigée par Alain Brun et Joël Bernat La collectionEtudes Psychanalytiquesveut proposer un pas de côté et non de plus, en invitant tout ceux que la praxis (théorie et pratique) pousse à écrire, ce, « hors chapelle », « hors école », dans la psychanalyse. Dernières parutions Pierre POISSON,Traitement actuel de la souffrance psychique et atteinte à la dignité. « Bien n’être » et déshumanisation, 2013. Gérard GASQUET,Lacanpoètedu réel, 2012. Audrey LAVEST-BONNARD,L’acte créateur. Schönberg et Picasso. Essai de psychanalyse appliquée, 2012. Gabrielle RUBIN,Ces fantasmes qui mènent le monde, 2012.Michel CONSTANTOPOULOS,Qu’est-ce qu’être un père ?, 2012. Marie-Claude THOMAS,L’autisme et les langues, 2011. Paul MARCIANO,L'accession de l'enfant à la connaissance. Compréhension et prise en charge des difficultés scolaires,2010. Valérie BLANCO,Dits de divan, 2010. Dominique KLOPFERT,Inceste maternel, incestuel meurtrier. À corps et sans cris, 2010. Roseline BONNELLIER,Sous le soleil de Hölderlin : Œdipe en question, 2010. Claudine VACHERET,Le groupe, l’affect et le temps, 2010. Marie-Laure PERETTI,Le transsexualisme, une manière d’être au monde, 2009. Jean-Tristan RICHARD,Nouveaux regards sur le handicap, 2009. Philippe CORVAL,Violence, psychopathie et socioculture, 2009. Stéphane LELONG,L’inceste en question. Secret et signalement, 2009. Paul DUCROS, Ontologie de la psychanalyse, 2008. Pierre FOSSION, Mari-Carmen REJAS, Siegi HIRSCH,La Trans-Parentalité. La psychothérapie à l’épreuve des nouvelles familles,2008. Bruno de FLORENCE,Musique, sémiotique et pulsion, 2008. Georges ABRAHAM et Maud STRUCHEN,En quête de soi. Un voyage extraordinaire pour se connaître et se reconnaître, 2008. Jacques PONNIER,Nietzsche et la question du moi. Pour une nouvelle approche psychanalytique des instances idéales, 2008. Guy ROGER,Itinéraires psychanalytiques, 2008. Jean-Paul MATOT,La construction du sentiment d’exister, 2008. Guy KARL,Lettres à mon analyste sur la dépression et la fin d’analyse, 2007. Jeanne DEFONTAINE,L’empreinte familiale. Transfert, transmission, transagir, 2007. Jean-Tristan RICHARD,Psychanalyse et handicap, 2006. Chantal BRUNOT,La névrose obsessionnelle, 2005. Liliane FAINSILBER,Lettres à Nathanaël, Une invitation à la psychanalyse, 2005.
Touria MIGNOTTE
La cruauté. Le corps du vide Freud, Lacan, Winnicott
© L'Harmattan, 20135-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00673-4 EAN : 9782336006734
Note liminaire «Si la société est menacée, ce n’est pas tant à cause du comportement agressif humain que 1 du refoulement, chez l’individu, de sa propre agressivité . » Cette troublante pensée de Winnicott nous invite à une relecture de Freud avec qui nous en sommes restés à la notion depulsion de mort pour rendre compte d’une cruauté toujours surnuméraire, qui explique leMalaise dans la civilisation. Troublante, elle l’est en effet d’autant plus que Winnicott déplace le concept freudien derefoulement originaireen le rapportant à un facteur dedissociation primairede «La FEMME»qu’il définit comme «la mère non reconnue des premiers mois de la vie de tout homme 2 et de toute femme .» L’«état de dissociation» maternelle (Winnicott parle même 3 d’«état schizoïde »)- comme condition durefoulement originaire -la matrice est de l’aptitude de l’humain à manifester son comportement agressif au lieu de le refouler au sens durefoulement secondairede Freud. Face à un siècle où Thanatos a complètement pris le dessus sur Eros, comment la théorie de Freud, qui s’est toujours appuyée sur le «roc du biologique» se confronte-t-elle avec les connaissances de ses successeurs et les connaissances de la biologie ou de la physique modernes ? Lacan a largement ouvert la voie de cette relecture en plaçant, à l’horizon de la parole, les lois du vide qu’il a appelé «le manque», expliquant par là, pourquoi 4 «la vraie amour débouche sur la haine», pourquoi Thanatos l’emporte toujours sur Eros. Prolongeant la pensée de Winnicott, cette étude propose, à partir de l’acquis lacanien, une relecture de Freud qui nous amène à situer, dans la théorie psychanalytique actuelle, la cruauté comme originaire. Mais encore faut-il s’entendre sur le mot « cruauté » et sur le mot « origine », en partant de l’interrogation de Winnicott sur les conditions qui permettent à l’individu de prendre possession de sa propre cruauté. Tel est l’objet de ce livre. En ce sens il demeure dans la continuité de l’inquiétude de Freud interrogeant, dès 1912, la cruauté du repas totémique 5 pour instaurer une «communauté de substanceentre père et « fils », » et s’interrogeant encore en 1932 surLa prise de possession du feupar l’homme, puis revenant à nouveau, dans son œuvre finale,Moïse et le monothéisme,sur les processus collectifs qui recréent la multiplicité du père en renouant avec le meurtre du père primitif, et fondent la communauté des frères sur la
1 D. W. Winicott,De la pédiatrie à la psychanalyse, dans « L’agressivité et ses rapports avec le développement affectif », Payot, 1976, p. 80. 2 D. W. Winnicott,Conversations ordinaires,dans « Ce féminisme »,Gallimard, 1988, p. 217. 3  D. W. Winnicott,De la pédiatrie à la psychanalyse,« La préoccupation maternelle dans primaire » (1956), Payot, 1976, p. 170. 4 J. Lacan,Séminaire XX Encore,Seuil, 1975, p. 133.5 S. Freud,Totem et tabou(1913), Payot, 1970, p. 156.
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1 consommation commune du père . Ce livre emprunte les mêmes sources scientifiques que Freud, mais tourne les mêmes interrogations vers la « folie », comme modalité de fabrication du corps sexuel collectif nécessaire à la jouissance cruelle du père et à sa pacification. L’hypothèse que nous soutiendrons tout au long de ce livre, et dont nous tenterons d’examiner les paradoxes, porte sur la nécessité de ce corps sexuel collectif – que Winnicott 2 appelle «couche de substance »et le père primitif, pour pallier- entre les « fils » l’impuissance originelle du père à doter ses « fils » de ses propres attributs de création autant que de destruction. Cette hypothèse met donc l’accent sur la précarité de la filiation au père primitif et interroge l’«Hilflosigkeit» (détresse sans recours) du nouveau-néet le «traumatisme de la naissance», comme les indices de la menace d’interception de cette filiation. Le meurtre du père et la culpabilité qui en résulte seraient alors l’expression, selon Freud, de cetraumaà l’origine de la religion, à l’origine de l’organisation collective de l’humanité ainsi que de l’instauration tardive de la notion d’individu en tant que triomphe sur cette précarité même. La fabrication du corps sexuel collectif nécessaire à la jouissance cruelle du père et à sa pacification, en vue de sa migration vers le « fils », oblige également à reconsidérer d’un œil nouveau les fondements majeurs de la psychanalyse touchant la question de l’inceste et du phallus. Cette question, qui conditionne l’accès des hominiens au langage et à l’exogamie, fait, ici, de la cruauté l’enjeu de la sexualité en même temps que du langage.
1 S. Freud,Moïse et le monothéisme,Idées/Gallimard, 1972, p. 175. 2 D. W. Winnicott,La nature humaine, dans « Environnement », Gallimard, 1990, p. 200.
Chapitre I Cruauté et dépendance absolue Depuis l’Esquisse d’une psychologie scientifiquede 1895 articulée autour d’une 1 nécessité qu’il appelle «l’urgence de la vie», jusqu’auMoïse, terminé en 1938 où il revendique la réalité « historique » du meurtre du père primitif, Freud ne cesse d’élaborer une théorie de la cruauté, élément central de sa théorie de l’appareil psychique. DèsLes trois essais sur la théorie de la sexualité, il affirme que «la cruauté 2 et la pulsion sexuelle sont intimement liées» et que «la pulsion de cruauté, dans ses formes active et passive», constitue l’élément déterminant des psycho-névroses. «C’est cet élément de cruauté dans la libido qui est cause de cette transformation de haine en amour, d’émotions tendres en mouvements hostiles, qui se retrouve dans la symptomatologie d’un grand nombre de névroses, et forme, presque en son entier, la symptomatologie de la 3 paranoïa .» Ce thème de la cruauté saute évidemment aux yeux dans un texte comme l’étude de 1915 intituléeNotre attitude à l’égard de la mort où il affirme que non seulement «l’histoire primitive de l’humanité est remplie de meurtres»,mais que,«à en juger par nos désirs et souhaits inconscients, nous ne sommes, nous-mêmes, qu’une bande 4 d’assassinsCette prise de position est encore plus nette dans sa lettre. » à Einstein, datée de 1932 et publiée en 1933, sous le titrePourquoi la guerre ?Il y «donne raison sans restriction: celui-ci en effet avance l’hypothèse» à Einstein selon laquelle existerait dans l’homme une «pulsion de haine et d’extermination», répondant à une«telle folie prédatrice (enthousiasme guerrier)». Il lui expose alors sa théorie des pulsions : «Nous admettons que les pulsions de l’homme ne sont que de deux sortes, soit celles qui visent à conserver ou à unir - nous les nommons érotiques ou sexuelles -, et d’autres, qui visent à détruire et à tuer ; nous regroupons celles-ci sous le terme de pulsion 5 d’agression ou pulsion de destruction .» Mais il est clair que l’évolution de la métapsychologie, depuis la première topique de l’appareil psychique considéré selon trois lieux : inconscient/préconscient/conscient, jusqu’à la seconde topique organisée selon trois instances : ça/moi/surmoi, montre le rôle central que joue l’élément de cruauté dans la conception que Freud se fait de l’appareil psychique. L’instance du «surmoi» incarne explicitement cet élément de cruauté qui est à l’origine des
1 S. Freud,La naissance de la psychanalyse, dans « Esquisse d’une psychologie scientifique », PUF, 1973, p. 317. 2 S. Freud,Trois essais sur la théorie de la sexualité, Idées/Gallimard, 1923, p. 45. 3 Ibid., p 55 4 S. Freud,Essais de psychanalyse, Payot, 1981, pp. 257 et 264. 5 S. Freud,Résultats, idées, problèmes II, PUF, 1985, p. 208.
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