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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 septembre 2011 |
Nombre de lectures | 28 |
EAN13 | 9782296470002 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
La répression sexuelle par les psychiatres
1850-1930
Corps coupables
Médecine à travers les siècles
Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud
L’objectif de cette collection est de constituer « une histoire grand public » de la médecine ainsi que de ses acteurs plus ou moins connus, de l’Antiquité à nos jours.
Si elle se veut un hommage à ceux qui ont contribué au progrès de l’humanité, elle ne néglige pas pour autant les zones d’ombre ou les dérives de la science médicale.
C’est en ce sens que – conformément à ce que devrait être l’enseignement de l’histoire –, elle ambitionne une « vision globale » et non partielle ou partiale comme cela est trop souvent le cas.
Déjà parus
André FABRE, Haschisch, chanvre et cannabis : l’éternel retour , 2011.
Xavier RIAUD, Dentistes héroïques de la Seconde Guerre mondiale , 2011.
Marie FRANCHISET, Le chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle , 2011.
André FABRE, De grands médecins méconnus… , 2010.
Xavier RIAUD, Odontologie médico-légale : entre histoire et archéologie , 2010.
Dominique LE NEN, Léonard de Vinci, un anatomiste visionnaire , 2010.
Xavier RIAUD, Histoires de la médecine dentaire , 2010.
Xavier RIAUD, Pionniers de la chirurgie maxillo-faciale (1914-1918) , 2010.
Clément DAVID, Hygiène bucco-dentaire du XVIIème au XIXème siècle en France , 2010.
Henri LAMENDIN, Investigations et expérimentations en odontologie : 40 années de recherches , 2009.
Rozenn HENAFF-MADEC, Enquête médico-légale sur le naufrage du H.L. Hunley (1864), 2009.
Henri MORGENSTERN, Les dentistes français au XIXe siècle , 2009.
Patrick Pognant
La répression sexuelle par les psychiatres
1850-1930
Corps coupables
L’Harmattan
Du même auteur
Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing – 1886-1924
– Une œuvre majeure dans l’histoire de la sexualité , L’Harmattan, coll. « Médecine à travers les siècles », 2011
Procès de Philippe Naigeon – La paranoïa menottée , L’Harmattan, 2002
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55507-5
EAN : 9782296555075
Nota bene
Nous avons inséré des encarts « Pour aller plus loin... » qui permettent aux lecteurs désireux d’approfondir certains points de le faire mais dont la lecture peut être escamotée par les autres.
Avant-propos
Ce texte s’articule en deux parties, la première présentant le socle sur lequel s’est construite la psychiatrie des perversions sexuelles et la seconde illustrant, avec la masturbation et l’homosexualité, comment elle s’est fourvoyée, non seulement en ne guérissant pas, mais en engendrant une répression inédite dans le monde médical.
La première partie proposera un rapide survol de la psychiatrie occidentale entre environ 1850 et 1930, permettant d’assister à la naissance de la psychiatrie des perversions et de suivre son développement. S’il ne sera pas question de nier, voire d’atténuer, les particularismes nationaux (Jean Thuillier fait remarquer que « dans la deuxième partie du XIXe siècle les Allemands confisquèrent à leur profit la notoriété des psychiatres français1 », ce qui semble un peu excessif si nous considérons, par exemple, que Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing et Moll fait une large place à la psychiatrie française2), on constatera néanmoins une européanité des mondes artistiques et scientifiques, une européanité, voire une occidentalité, des idées. Les XIXe et XXe siècles (au moins jusqu’aux années trente) sont marqués par de nombreux échanges de matière grise entre les pays (rencontres interpersonnelles d’artistes et de scientifiques...), notamment entre la France et l’Allemagne, comme si les guerres récurrentes entre ces deux pays n’étaient pas un obstacle à ces échanges, comme si la science et l’art admettaient de transcender en partie les antagonismes et les haines internationales. C’est donc bien de psychiatrie occidentale dont il sera question ici.
La partie suivante, illustrative en quelque sorte de la première, sera consacrée à la pathologisation et à la répression de la masturbation et de l’homosexualité, l’« amour antiphysique » étant souvent considéré par les médecins de l’époque comme la conséquence de l’onanisme solitaire.
Nous avons privilégié de donner au lecteur de nombreux extraits pour qu’il puisse se forger lui-même une opinion, peut-être également pour qu’il puisse éprouver la distance que nous avons eu des difficultés à conserver, tant ces textes, si récents sur l’échelle historique, nous ont étonné, voire effrayé.
Avec la même distance temporelle, dans un siècle-un siècle et demi, nos descendants auront-ils le même étonnement, voire le même effroi, en lisant la prose de nos psychiatres contemporains ? Autrement dit, il faut replacer ces textes dans le contexte de l’époque, en essayant de les lire avec les yeux de l’époque.
Pourtant, même en faisant cet effort, ils demeurent toujours aussi ahurissants, voire criminels. Mais selon nous, l’intérêt est ailleurs. Il se trouve dans la juxtaposition des textes et dans leur progression chronologique qui montrent comment s’est installée la doxa psychiatrique dans le domaine de la sexualité. En effet, la psychiatrie des perversions sexuelles s’est bâtie sur deux postulats erronés et incontestés : le premier, c’est que toute sexualité non procréative est déviante, et le deuxième, c’est que les dites perversions sont pathologiques, pour la plupart héréditaires (même quand elles sont acquises, elles sont potentiellement dégénératives) et elles peuvent conduire à la folie et même à la mort ainsi que moult exemples sont donnés par la littérature médicale de l’époque.
Même si nous lui accordons trop peu de place, il faudra garder présent à l’esprit le contexte de la période concernée par notre étude : assurément, entre environ 1850 et 1930, l’époque fut riche en évènements (particulièrement dans les domaines médicaux, éthiques, juridiques et littéraires qui nous intéressent ici), lesquels, rappelons-le, sont convoqués directement ou indirectement dans la littérature psychiatrique de l’époque.
Nous avons renoncé à en faire l’inventaire dans ces pages. Il faudrait d’ailleurs, pour réaliser un travail approfondi de contextualisation de cette littérature, prendre aussi en compte les événements historiques (entre autres, la Guerre de 70 et la Grande Guerre, l’expansion coloniale...), économiques (distin-guons la ruralité d’une grande partie de la population, tant en France qu’en Allemagne3), politiques (par exemple, les différents régimes politiques, empire, royauté, république, qui ont eu une incidence directe sur la vie des citoyens et, partant, sur leur comportement criminel et sur leurs pathologies4)... Illustrons notre propos avec le cas de la masturbation (nous y reviendrons longuement en aval), lequel a pris dès la seconde moitié du XVIIIe un tour médical qui s’est activé comme un faux nez de la morale (en gros, du XVe à la première moitié du XVIIIe, la masturbation était un crime du point de vue moral et social, et un péché mortel du point de vue religieux, mais le sujet, nimbé de silence, était évité ou contourné). Ne nous y trompons pas, cette publicité soudaine sur un sujet éminemment tabou, sous les apparences du discours médical, a convoqué de concert la morale, la religion, le droit, en contaminant le monde artistique, notamment la littérature, un juste retour des choses puisque la littérature, surtout philosophique, à partir du milieu du XVIIIe siècle, a été l’un des instigateurs de la morale sexuelle !
Il était donc important de rappeler le contexte de cette psychiatrie pathologiste, poreuse aux soubresauts sociétaux, afin de mieux en mesurer l’inscription dans l’époque et de mieux en appréhender les faiblesses et les limites.
1 Jean THUILLIER, La folie, Histoire et dictionnaire , Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1996, p. 103.
2 Voir Patrick POGNANT, Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing – 1886-1924 – Une œuvre majeure dans l’histoire de la sexualité, L’Harmattan, coll. « Médecine à travers les siècles », 201