Les identités des couples interculturels
102 pages
Français

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Les identités des couples interculturels , livre ebook

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Description

Le nombre de couples interculturels ne cesse d'augmenter. La question du choix des langues est essentielle. Pour les couples de cette étude, c'est le recours à une langue autre que leur propre langue maternelle qui caractérise leur relation. Quelles incidences cela a-t-il sur les identités des couples en question ? Qu'en est-il des "cultures" ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 15
EAN13 9782296468566
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES IDENTITÉS DES COUPLES INTERCULTURELS
En finir vraiment avec la culture ?
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55230-2
EAN : 9782296552302
Fred DERVIN
LES IDENTITÉS DES COUPLES INTERCULTURELS
En finir vraiment avec la culture ?
L’HARMATTAN
Till P. E., nästan tio år redan…
F.D. vii.11
INTRODUCTION
Cet ouvrage traite des couples que j’appellerai ici « interculturels ». Le choix de cette dénomination représente un positionnement parmi les diverses expressions utilisées par les littératures scientifiques en français et en anglais pour désigner certains types de relations intimes entre individus issus de pays (même parfois de « races » ou de « religions ») différents (Karis & Killian, 2009 : xviii). La littérature francophone a recours majoritairement aux expressions « couples/mariages mixtes », mais on trouve également « couples multiculturels », « couples dominos » (Kuoh-Moukoury, 2000), « unions binationales », « exogamie », etc.
En anglais, la variété d’appellations est plus grande : « multicultural/mixed marriages », « intermarriage », « interracial couples », « interlingual families », « cross-border couples »…
Mon positionnement terminologique pourra paraître paradoxal à mes lecteurs. En effet, proposer d’en finir vraiment avec la culture (sous-titre de cet ouvrage) et continuer à l’utiliser dans l’étiquette même de l’objet central semblera quelque peu contradictoire. Néanmoins j’espère qu’à la lumière de ce qui va suivre, le lecteur se rendra compte que dans mes compréhensions de l’interculturel, l’ « inter- » représente le point central de ces couples et qu’il n’est pas phagocyté par le « culturel ». Je conserve « interculturel » car, même si l’on verra que la frontière entre les couples interculturels et les autres couples est souvent fine voire imaginée, les représentations qui circulent sur ces couples dans nos sociétés (et auxquelles eux-mêmes contribuent) diffèrent largement de celles adossées à un couple où les partenaires partagent les mêmes origines. Il est clair néanmoins que dans les pratiques et la « réalité », ces derniers peuvent s’opposer davantage en termes de différences que deux individus issus de deux espaces nationaux différents – partager une même nationalité ou « culture » n’étant pas une garantie d’entente ou d’affinité (pourquoi tant de couples de même nationalité divorcent-ils alors ?).
Avec la globalisation accélérée que nous connaissons actuellement (Pieterse, 2004), il n’est pas étonnant de voir que le nombre de couples interculturels ne cesse d’augmenter (Karis & Killian, 2009 ; Heikkilä & Yeoh, 2011). En Finlande, par exemple, petit pays européen de 5 millions d’habitants dont on parlera dans cet ouvrage, 56.541 couples interculturels étaient officiellement déclarés en 2008, ce qui représente environ 10% des couples mariés dans ce pays membre de l’Union européenne de 5 millions d’habitants ( Statistics Finland , 2008).
Pourtant, que ce soit dans le contexte finlandais ou ailleurs, on se rend de plus en plus compte que l’on sait peu sur ces couples parce qu’il n’y a pas une seule catégorie de couple interculturel mais des couples avec des expériences de vie variables (Karis & Killian, 2009 : xix). Ces couples ont été toutefois étudiés depuis des décennies (voir par ex. les travaux de G. Varro qui ont été pionniers, Varro, 1995, 2003), entre autres, en psychologie, sociologie, études migratoires et sciences de la communication.
Passons rapidement en revue les dernières publications en français et en anglais. Les deux derniers livres sortis sur la thématique en français touchent, de façon innovante, à l’aspect religieux ( transmission du judaïsme , Mathieu, 2009 ; les religions en général , Lévy, 2006). Au début des années 2000, les thématiques suivantes ont été traitées (entre autres) : les couples interculturels et le divorce (Neyrand & M’Sil, 2000), l’intimité des familles juives et non juives (Chouchan, 2000), les mariages mixtes et les questions de nationalité (Neyrand, 2000), la migration des couples interculturels et la psychologie (Petit, 2002), les unions mixtes de la seconde génération d’immigrés algériens (Laffort, 2004). On notera aussi la publication en 2003 de l’excellent ouvrage de G. Varro, Sociologie de la mixité. De la mixité amoureuse aux mixités sociales et culturelles , qui s’interroge sur les questions identitaires liées aux enfants de familles mixtes et propose de mettre fin à la dichotomie couples dits « inter- » vs. « intra-culturels ». Cet ouvrage est sans aucun doute l’un des plus proches, avec celui d’Ingrid Piller en anglais (2002; nous y revenons infra), de la démarche adoptée ici.
La littérature en anglais, de son côté, regorge de publications sur la thématique. Je me limite ici aux plus significatives. Outre les multiples publications sur la thérapie des couples souvent appelés « multiculturels » (cf. par ex.
Rastogi & Thomas, 2011), deux ouvrages récents rassemblent des chercheurs issus d’horizons très différents (pays, domaines, etc.) et proposent des analyses « tous azimuts » des couples interculturels :
International Marriages in the Time of Globalization (Heikkilä & Yeoh, 2011) et Intercultural Couples (Karis & Killian, 2009). L’ouvrage Pluralism in the Middle Ages : Hybrid Identities, Conversion, and Mixed Marriages in Medieval Iberia de Ragnhild Johnsrud Zorgati (2011), quant à lui, est original car c’est l’un des rares écrits historiques sur la thématique. J’ai laissé Intercultural Couples : Crossing Boundaries, Negotiating Difference de Jill M. Bystydzienski (2011) pour la fin car il permet d’opérer une transition vers les critiques de la culture et de l’interculturel qui vont suivre. Je cite ici la quatrième de couverture, qui me semble relativement révélatrice des approches mises en œuvre par la plupart de ceux qui ont travaillé sur les couples interculturels : In these relationships, each partner brings a different set of cultural experiences that may include gender expectations, ideas about appropriate relations with family members, childrearing, financial matters, and general lifestyle. Sometimes differences may be unrecognized or seen as minimal, yet some can become salient, forming the basis for conflict, enriching diversity, or both.
On est ici dans ce que j’appelle le différentialisme à outrance (Dervin, 2011), ou bien la culture comme explication principale des problèmes de couple.
En finir vraiment avec la culture ?
L’été dernier alors que je lisais l’excellent livre de l’Anglaise Sue Townsend, Adrian Mole, The Cappucino Years (2001), je suis tombé sur l’extrait suivant. Adrian Mole, le protagoniste du roman est marié à une « Africaine » : A researcher from Kilroy1 rang this morning to ask me if I would appear on the show tomorrow morning to talk about « mixed marriages ». I pointed out to her that my African wife was divorcing me. « Due to racial intolerance ? » she asked, sounding excited. « No », I replied. « Due to her intolerance of my personal habits ». She said they were doing a show in November called, « My partner’s habits are driving me mad ». Would I be interested ? I said, « No ». (ibid. : 230).
On a là, de façon ironique, une des problématiques centrales concernant les couples interculturels : qu’est-ce qui leur pose des problèmes (si problème il y a !) ? La « culture » ? Ou bien le fait d’être des êtres subjectifs, humains et sociaux ? Je propose dans ce qui suit – et tout au long de ce livre – de me rapprocher de cette dernière question.

Un appel à changer d’orientation dans les recherches sur les couples interculturels
Ce qui va suivre en surprendra peut-être certains. Pour d’autres, ces idées seront déjà acquises, notamment pour la plupart des anthropologues, sociologues, spécialistes en cultural studies , etc.
Commençons par écouter Briedenbach & Nyíri (2009) qui dans un livre intitulé Seeing Culture Everywhere , expliquent que « Today’s world is a world shaped by a consciousness of culture that penetrates everyday life as well as matters of state in an unprecedented way. Culture – or rather, cultural difference – is now held to be the main explanation for the way the human world functions ». La culture est donc partout, elle explique tout, elle justifie tout, surtout quand on parle de l’interculturel, ou plus spécifiquement de l’Autre. Je suis loin d’être le premier ou le seul à le dire. Plus que tout le monde et de façon cohérente dans les mondes de recherche francophones sur l’interculturel, Martine A.-Pretceille a été l’une des premières à le démontrer

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