Psychanalyse sans Oedipe
232 pages
Français

Psychanalyse sans Oedipe , livre ebook

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232 pages
Français

Description

La psychanalyse est-elle destinée à une mort lente mais inexorable tant elle est inapte à recueillir l'esprit du temps et ses exigences ? Peut-on imaginer un avenir post-œdipien de la psychanalyse dont la figure d'Antigone serait l'incarnation ? Les auteurs considèrent les changements sociaux-parentaux et affectifs, notamment l'expérience de l'homoparentalité, comme la condition du surgissement de nouveaux possibles permettant de rendre souple l'ordre sexuel et symbolique.

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Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 40
EAN13 9782296264410
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

PSYCHANALYSE SANS ŒDIPE
Daniel BEAUNE Caterina REA
PSYCHANALYSE SANS ŒDIPE
Antigone, genre et subversion
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Introduction  La psychanalyse estelle destinée à une mort lente mais inexorable ? Incarnetelle une pratique vouée à être supplantée car désormais inapte à recueillir l’esprit du temps et les exigences qui lui sont propres ? Nous savons qu’elle ne vit pas aujourd’hui son meilleur moment et qu’elle paraît de plus en plus menacée par la présumée efficience des thérapies cognitives et comportementales. Face à ce panorama désolant, la question est de savoir si une possible solution ne consisterait pas dans la rencontre de la psychanalyse avec le domaine des études de genre et dans un processus d’amendement qui la libèrerait de ses présupposés ontologiques et universels, à commencer par la version classique du complexe d’Œdipe. En d’autres mots, nous pensons que si la psychanalyse a un futur, celuici ne peut qu’impliquer la prise en compte de son incontournable revers politique et social, donc de l’historicité tant de son discours que de sa pratique.  Ce qui est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux éléments obsolètes de la psychanalyse est sa prétention de fixer une norme universelle et inquestionnable du développement psychosexuel, une vérité métahistorique et originaire du fonctionnement psychique.  On connaît bien le mythe raconté par Aristophane dans le Banquetde Platon qui décrit l’état heureux et de plénitude qui aurait caractérisé les origines de l’humanité. Il s’agit d’un mythe fondateur présentant la naissance du désir et de la sexualité orientés et préformés par une condition ontologiquement préalable, celle de l’androgyne. Celuici constituait une espèce particulière unifiant la forme et la
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condition du mâle et de la femelle. Ayant été coupé en deux par Zeus qui en craignait la puissance, les deux parties de l’androgyne se cherchent et aspirent à se réunir. « Le corps étant coupé en deux, une nostalgie poussait les deux moitiés à se rejoindre. S’empoignant à bras le corps, elles s’enlaçaient l’un à l’autre, dans la passion de ne faire 1 qu’un » . Ce mythe a une importance centrale pour la psychanalyse, non seulement parce qu’il y est question de l’origine de la pulsion sexuelle et du désir, mais aussi parce qu’il semble nouer la sexualité humaine à une structure symbolique. L’expression de la sexualité serait l’exemple par excellence dusymbolon: les deux parties d’une poterie cassée qui s’unissent parfaitement, car 2 préconstituées et préalablement ajustées à cette rencontre .  La façon dont la psychanalyse, en particulier freudienne, s’est approprié ce mythe nous permet d’interroger le
1 PLATON,Le Banquet, 189 d, e, 190 d, 191 a. Nous nous référons ici à la version du texte de Platon citée par S. Freud dans « Audelà du principe de plaisir », dansEssais de Psychanalyse, Payot, 181, p. 107. Nous soulignons que dans la tradition philosophique occidentale et notamment dans sa reprise par Freud, ce mythe a été considéré comme le paradigme de l’hétéronormativité. 2  Le termesymbolonvient du grec (symbole) symballo, mettre ensemble. Il désignait pour les grecs les deux moitiés d’un objet cassé qui peuvent être recomposées. Le geste unificateur du symbolon semblerait présupposer une réunification, une recomposition de ce qui est censé s’ajuster selon un ordre préconstitué. De cette première expression indiquant une fonction de recomposition ou de reconnaissance, le symbole passe à indiquer une dimension représentative (quelque chose à la place de quelque chose d’autre). Ce que nous voulons mettre en question dans ces pages c’est la conception d’un ordre pré donné dont découlerait une fonction symbolique éternelle et non modifiable.
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rapport, complexe et ambigu, que celleci entretient avec l’origine. L’origine est ici à entendre comme ce qui est censé fonder le dynamisme de la pulsion et du désir ainsi que la norme qui oriente et structure la vie sexuelle. Comme le rappelle J. Laplanche, il y a, au moins, deux occurrences explicites du mythe du Banquet platonicien dans l’œuvre de Freud. L’un au début desTrois Essais sur la théorie sexuelle, où Freud le refuse en tant qu’expression de la « théorie populaire de la pulsion 3 sexuelle » , et l’autre dans « Audelà du principe de plaisir », où, en revanche, Freud semble l’accepter en tant qu’expression de la théorie régressive « qui fait dériver 4 une pulsiondu besoin de rétablir un état antérieur» . Il va sans dire qu’il s’agit là des deux versions opposées de la théorie de la sexualité, pourtant présentes dans le corpus freudien : la pulsion n’a pas d’objet ni de but prédéterminé la pulsion est cadrée par un modèle préexistant. 1.Sexualité sans objet et sexualité préformée Freud nous a bien enseigné en effet que la sexualité humaine est loin d’être préformée et préalablement constituée par une origine déterminée. La source somatique de la pulsion, en ellemême opaque et insaisissable, ne prenait forme qu’aprèscoup(expost), par les représentations multiples et non universellement dérivables dans l’histoire singulière de tout un chacun. Néanmoins, à partir de 1920, le destin de la pulsion 3  S. FREUD,Trois essais sur la théorie sexuelle(1905), Gallimard, Paris, 1987, éd. de poche, p. 38. 4  S. FREUD, « Audelà du principe de plaisir » (1920), dans Essais de Psychanalyse,op. cit.p. 106.
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semble se tailler sur la figure prédonnée d’une origine à laquelle il s’agirait de faire retour. Comme le rappelle encore J. Laplanche, cette nouvelle version de la pulsion sexuelle paraît difficilement conciliable avec la première, car elle présuppose une différente conception du fondement et de l’origine de la dynamique pulsionnelle. « Après avoir dit que la sexualité n’était pas préformée, on revient dans ‘Audelà du principe de plaisir’, à l’idée que tout cela était donné à l’avance et qu’on ne cherche qu’à 5 revenir à ce qui était là depuis le départ » . A savoir, tandis que la première version de la théorie de la pulsion consistait à nier la réalité en soi d’une origine directement atteignable en ellemême, capable de certifier et d’orienter le développement de la sexualité humaine, car elle ne lui assigne pas un objet déterminé, la deuxième position affirme l’existence de ce présumé point de départ auquel il s’agirait de revenir.  Par cette reformulation conservatrice de la théorie des pulsions, Freud fixe les formes et les usages de la sexualité humaine à partir d’un état qu’il présume être ontologiquement premier et universellement valable. Le mythe raconté par Aristophane dans leBanquet de Platon prend, dès lors, un sens normalisateur, comme si l’on pouvait dériver un critère ou un modèle originaire pour orienter et façonner la pulsion sexuelle. A travers la stratégie des origines, la sexualité de la psychanalyse est étroitement liée à un ordre prétendument normal et normatif, censé la constituer.  La double valeur de cette référence dans le corpus freudien nous semble bien illustrer l’attitude ambiguë de la 5  J. LAPLANCHE,Problématiques VII. Le fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freudp. 29., PUF, Paris, 1993,
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