Psychiatre
202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Le nouveau paradigme qui nous guette et qui transparaît dans l'évolution actuelle de la psychiatrie est la réduction de la personne à son aspect purement quantifiable, au détriment de la parole et de l'initiative de chacun. C'est ainsi que, chacun est prié de se conformer à des procédures qui excluent toute forme de décision personnelle ou d'engagement. Seuls les décideurs s'entourent d'une opacité compacte. Ces changements sont-ils globalement bénéfiques ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 22
EAN13 9782336286440
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Robert Boulloche






Psychiatre
Une espèce en voie de disparition ?
Copyright

© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-28644-0
Citation

« Comment dire ma liberté, ma surprise, au terme de mille détours : il n’y a pas de fond, il n’y a pas de plafond. »
René Char
« Et pour lui, il fallait qu’on l’écoutât pour qu’il crût à sa vie. »
Albert Camus
AVANT-PROPOS
Il y a de fortes chances pour que la psychiatrie telle que je l’ai connue et qui se pratique actuellement ait disparu dans à peine dix ans.
Cependant, elle n’a pas démérité, je dirai même qu’elle est victime de son succès : partie de rien dans les années soixante à une époque où les rares psychiatres ne sortaient pas des asiles, elle s’est installée au cœur de la cité. Ce qui était impensable il y a un demi-siècle : aller consulter son psychiatre près de chez soi, est devenu tout à fait banal.
Les hôpitaux psychiatriques se sont vidés, remplacés par des soins plus efficaces, plus humains, moins coûteux.
Pourtant, le nombre de psychiatres va être diminué de moitié dans les toutes prochaines années, aussi bien dans le public que dans le privé, alors que tous sont surchargés.
Les survivants, si vous me permettez cette expression un peu théâtrale, auront des conditions de travail dégradées. Pas seulement parce qu’ils auront en charge beaucoup trop de patients, mais aussi parce que l’idéologie qui se met en place actuellement dans notre société aura de profondes répercussions sur la pratique psychiatrique.
En effet, la psychiatrie actuelle n’est pas une discipline médicale parmi d’autres : elle prend appui également sur la psychanalyse, la philosophie, l’éthique, l’anthropologie ou l’éthologie, ce qui la rend rebelle aux classifications sommaires dans lesquelles on tente de l’enfermer.
À l’opposé des procédures de standardisation et de transparence manichéennes en vogue, elle reconnaît la complexité, l’originalité et la confidentialité.

À travers l’itinéraire d’un psychiatre comme un autre, j’espère vous faire sentir cette spécificité, en quoi elle est emblématique d’une société aujourd’hui menacée et qui mérite d’être défendue.
COMMENT DEVIENT-ON PSYCHIATRE ?
Même actuellement, c’est une profession qui demeure étrange : perçue avec un mélange de curiosité et de méfiance. Quand on fait les présentations chez des amis, bien souvent les convives marquent un temps d’arrêt qui peut durer. C’est qu’ils craignent d’être interprétés, c’est-à-dire démasqués. Ils craignent que ce qu’ils voudraient cacher soit tout de même perçu.
Cette crainte en dit long sur la nature de la communication sociale : produire une fiction fragile qu’il faut protéger d’une écoute trop attentive, comme si chacun se sentait décalé par rapport à ce qu’il devrait être. Elle explique très largement la réticence à consulter qui reste importante, même si elle a beaucoup diminué.
Ainsi, devenir psychiatre quand il n’y a pas de tradition familiale est une démarche qui n’est pas ordinaire et suscite de l’incompréhension.
Pour ma part, selon les souvenirs de mes parents, je me suis préoccupé de façon très précoce du sens de la vie humaine et j’ai pris conscience de la mort bien plus tôt que la plupart des enfants alors que je n’y ai pas été confronté directement dans ma petite enfance.
Ce questionnement ne m’a jamais quitté, mais il est loin d’expliquer à lui seul cette orientation. La fascination par la maladie et la folie a sa part : dans les années 50, il arrivait plus souvent qu’aujourd’hui de se trouver en présence dans un lieu public de personnes atteintes de grandes crises épileptiques avec convulsions et coma, ce qui, enfant, m’avait beaucoup impressionné.
Comment cela pouvait-il exister ?
Comment des comportements humains aussi effarants que ceux qui se sont produits pendant la seconde guerre mondiale ou une partie de ma famille, qui a résisté à l’occupant, a disparu en déportation ont-ils été possibles ?
Très tôt ces questions m’ont accompagné.
Je n’ai jamais rêvé d’être pompier et encore moins agent de police, mais plutôt vétérinaire comme beaucoup d’enfants. J’ai lu FREUD bien avant la terminale, sans être enthousiasmé, et après le BAC, j’ai hésité entre les études d’ingénieur (tradition familiale) et médecine.
Il s’en est fallu d’un cheveu que je ne fasse le mauvais choix, car je pense à tort ou à raison que le métier d’ingénieur ne m’aurait pas du tout conduit à une évolution personnelle intéressante.
Donc j’ai commencé les études de médecine en 1968, sans être spécialement déterminé à m’engager en psychiatrie. Les « évènements de Mai 68 » selon l’expression consacrée, m’ont passablement chamboulé : un peu comme un tremblement de terre, s’apercevoir que des fondations qu’on pensait solides sont bousculées est une expérience angoissante.
Je n’étais pas pour autant du tout partisan du maintien de l’ordre : une refondation me semblait préférable au replâtrage de fondations branlantes. Mais aussi j’avais un parti pris qui ne m’a en fait jamais quitté : la méfiance vis-à-vis de l’autorité.
Pour moi la recherche de l’autonomie est vraiment une valeur fondamentale qui a largement orienté ma vie privée et professionnelle, nous verrons comment.
Cela dit, à part galoper devant les CRS de temps à autre, je n’ai pas participé de façon très active à ces évènements qui me paraissaient peu constructifs, où peut-être étais-je effrayé par les excès auxquels ils pouvaient conduire.
Je pense que la violence est la conséquence de l’absence d’un vrai dialogue, c’est-à-dire relativement sincère et respectueux du partenaire et comportant un minimum de confiance.
Quand la parole n’est pas tenue, quand le dialogue est remplacé par de la COM., c’est-à-dire par de la manipulation, alors plus personne n’écoute personne et il ne reste que la violence pour se faire reconnaître, à moins que la non-reconnaissance ne provoque des troubles de l’identité qui se manifesteront éventuellement par des symptômes psychiatriques.
Dans ce cas, l’expression violente pourra s’avérer une étape vers la guérison.
Mais revenons aux études de médecine. Elles ont été décevantes : beaucoup de « par cœur », de répétitions de conceptions traditionnelles, de soumission à un système arbitraire et autoritaire, d’oubli de la personne devant un ensemble de symptômes et la « conduite à tenir » qui en découlait.
Je veux bien croire qu’une certaine froideur, un certain détachement soient parfois nécessaires à l’efficacité technique : se laisser dominer par son affectivité peut entraver la lucidité. Malheureusement, ce sont trop souvent l’indifférence, la négligence, un sentiment de toute puissance, l’angoisse devant la mort ou le manque de temps qui l’expliquent.
J’étais également assez dégoûté devant le côté « viande » de la médecine et surtout de la chirurgie. Le côté mécanique du corps humain reste pour moi quelque chose de scandaleux : regarder quelqu’un qu’on aime et penser au fonctionnement de tous ces organes qui contribuent à le maintenir en vie a quelque chose d’inacceptable. Il est peut-être paradoxal d’avoir choisi d’être médecin dans ces conditions, mais je n’ai pas pu fermer les yeux sur ce mystère.
De plus, je ne parvenais pas comme d’autres à oublier les conséquences humaines d’éventuelles erreurs inévitables pendant l’apprentissage et même après, ce qui avait tendance à m’inhiber.
Tout cela m’a poussé vers la psychiatrie qui avait l’avantage de toucher des questions bien plus intéressantes, de proposer des traitements moins codifiés, des interventions moins physiques et plus intellectuelles, et aussi moins irréversibles, le tout avec la possibilité de relations humaines intens

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents