Une poétique pour l éducation
353 pages
Français

Une poétique pour l'éducation , livre ebook

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353 pages
Français

Description

L'éducation est-elle une science ou un art ? Les deux, répond l'auteur ! Pour l'éducateur comme pour le psychanalyste, la théorie et la pratique se constituent en couple dans la réciprocité de leurs apports. Ce libre traité d'éducréation s'adresse à des praticiens : éducateurs et pédagogues en situation d'apprendre à apprendre mais aussi à être. Et à tous ceux qui tentent de théoriser l'éducation, il apporte le témoignage d'un acteur, historien et commentateur d'une aventure partagée en équipe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 107
EAN13 9782296254213
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Pour MARIE-CHRISTINEDAVID, et l’Ecole de Formation Psycho-Pédagogique
Et en souvenir des Mathurins et de ses « pionniers » : GUYBARBICHON, CLAUDEBASTIEN, COLETTEBIGEAULT, RAYMONDCAHN, JEANOSMONT, PAULSPINAT
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« Le rapport entre la liberté et le destin est le même qu’entre la force centrifuge et la gravitation ; de même que l’orbite des planètes est déterminée par le jeu combiné de deux forces contraires, de même la position humaine, c'est-à-dire la station verticale, est le produit de ce rapport. »
1 Journaux de guerre II, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 2008.
1 ERNESTJÜNGER
Préface
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ES«SCIENCES DE LÉDUCATION»REVENDIQUENT LEUR PLACE PARMI L LES SCIENCES HUMAINES. Elles ont même obtenu la reconnais-sance universitaire. La scientificité d’une discipline se mesurant à son adéquation à son objet, tout le problème est de savoir si les moyens, les instruments utilisés pour une telle visée sont ou non suffisamment ajustés. La nature même de l’objet d’étude, soit un certain type d’action d’êtres humains sur d’autres êtres humains, légitime, de par la multiplicité et l’hétérogénéité des faits observés, la démarche visant à dégager ce qui fait leur structure et la nature de leur processus, seuls objets possibles pour une réflexion et une confrontation sérieuses. De ce point de vue, il faut saluer la dé-marche effectuée par Jean-Pierre Bigeault qui, à partir des exi-gences méthodologiques requises dans les sciences de l’éducation, confère à la dimension poétique de l’acte éducatif un rôle essentiel quant à son inspiration tout comme à sa vérité et à son efficacité. Le mariage pédagogie-poésie, dans son paradoxe même, pourrait apparaître comme particulièrement dérangeant, sinon provoquant. Indépendamment de la connotation… poétique de son titre, les choix de Jean-Pierre Bigeault se situent en effet aux antipodes des modes d’action pédagogique habituellement utilisés, dont l’évidence n’a d’égale que leur logique apparemment ration-
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UNEPOÉTIQUE POUR LÉDUCATION
nelle. Il est vrai que, rationnels, ils le sont bien. Mais pour autant qu’on considère l’enfant comme l’objet même de l’enseignement. Tel est bien en effet le principe de l’éducation publique, quels que soient les réaménagements qu’elle concède aux goûts du jour. Si, pour Kant, l’enfant ne se soumet aux lois constitutives de l’ordre scolaire que parce qu’il prend conscience de leur universalité, le principe qui guide ce processus n’est, d’un certain point de vue, guère différent de celui de la pensée sauvage : au lieu d’un antérieur et d’un extérieur mythiques qui vont de soi et à transmettre tels quels, c’est un savoir déjà là et indiscutable qu’il importe que l’élève reprenne à son compte et applique comme une chose en soi, qu’on ne peut ni discuter ni refuser sous peine de blâme ou de rejet. La chose enseignée ayant valeur absolue, le sujet, lui, est donc assigné à n’être situé qu’entre les deux extrêmes de l’excellence et de la nul-lité par rapport à une telle acception : l’échec scolaire ne peut venir que de l’enfant qui n’a pas su ou pu parvenir à comprendre, à en-granger la chose à comprendre, laquelle ne peut que concorder avec 2 le sujet qui doit procéder à cette opération .
C’est de cette problématique qu’hérite le psychopédagogue. L’échec scolaire est devenu le symptôme des élèves qu’il accueille ; il s’inscrit dans leur identité. C’est donc à ce symptôme qu’il faut s’attaquer. Une sollicitude ambiguë s’est substituée au renonce-ment. L’évaluation pertinente des causes et de la nature du handi-cap permettra de le traiter. On fera ainsi coup double : la recherche et l’utilisation des moyens les plus adéquats pour y parvenir, tout comme la mise en évidence des raisons qui les ont fait surgir, constituent, pour les sciences de l’éducation, l’occasion rêvée pour analyser, à partir de ses insuffisances, de ses erreurs, de ses discor-dances, les divers composants de l’acte éducatif.
Il a d’abord fallu se garder de la tentation de l’anti-pédago-gie, du tout laisser faire ou de la prise en considération du seul désir du sujet, à l’instar de ces « lieux de vie » surgis dans les années 70
2 GAUCHET (M.) et SWAIN (G),La pratique de l’esprit humain, Paris, Gallimard, 1980.
Préface
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pour finir dans un désastre général. Un bilan va donc permettre une approche plus ouverte, plus attentive, mieux ajustée, mais tou-jours privilégiant l’acte d’apprendre et ce qui l’en empêche, tandis que ce qui concerne l’enfant ou l’adolescent dans sa personne – sa souffrance et ses conflits – se voit confié au psychiatre, au psycha-nalyste, voire au travailleur social. Nombre d’enfants ont pu béné-ficier d’un tel mode d’intervention, notamment ceux dont les difficultés demeuraient relativement circonscrites ou liées à une crise passagère.
Lorsque, à l’inverse, l’impasse en ce domaine s’est avérée plus marquée ou touchant plus ou moins d’autres registres sans pour autant que l’accès au symbole n’apparaisse par trop compro-mis ou le noyau du sujet trop atteint, une perspective psychopé-dagogique plus large, plus inventive aura pu laisser espérer une reprise évolutive d’une toute autre ampleur. Alors est apparue la nécessité d’un nouveau projet qui vienne s’inscrire dans le contexte général des années 60, marqué par une approche dynamique et globale de la psychopathologie et par la création d’institutions conçues dans le même esprit.
C’est ainsi que, se refusant à une « prise en charge » de l’échec scolaire, purement centrée sur le symptôme ou, lorsque pris dans sa globalité, appréhendé en ordre dispersé, Jean-Pierre Bi-geault et quelques autres ont tenté l’aventure d’embarquer dans leur bateau quelques dizaines de ces naufragés de l’enseignement secondaire. Leur pari, sans modèle ni recette, sans la moindre ex-périence d’une action de ce genre, fut précisément de partir de cette mise entre parenthèses de tout a priori et d’inventer leurs propres solutions face à tous les problèmes auxquels ils se trouvaient confrontés. De ce point de vue, Jean-Pierre Bigeault en effet «n’avait pas le choix».
Il y aura fallu la rencontre heureuse de certaines conjonc-tions. Jean-Pierre Bigeault en effet cumule en sa personne l’ensei-gnant, le psychanalyste et le poète, dans l’âme et par sa plume, et de surcroît l’auteur de nombre d’essais et d’ouvrages dont la diversité
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UNEPOÉTIQUE POUR LÉDUCATION
n’en révèle pas moins la question récurrente du pouvoir exercé par un être humain sur l’autre et de l’usage, fécond ou pervers, qu’il en fait. A ce bagage s’ajoute l’audace, qui lui fait entreprendre la créa-tion et la direction d’une institution psychopédagogique à mesure humaine avec le pari d’y appliquer avec d’autres les principes issus de cette triple appartenance.
C’est qu’il y a chez Jean-Pierre Bigeault une double dimen-sion : celle d’un barde, un tantinet efflanqué, à la chevelure aérienne, et celle d’un mi-aristocrate mi-paysan normand, les pieds solide-ment plantés dans la glèbe de la réalité, donnant la clef de la réussite d’un tel projet, en dépit des obstacles dressés sur sa route et, peut-être même, grâce à eux. Ce n’est pas par hasard que, cetteréalisation, Jean-Pierre Bigeault la place sous la bannière de Cézanne pour qui elle désigne la mise en forme jusqu’à son aboutissement de la vision, des sentiments suscités chez l’opérateur par l’objet plutôt que sa re-production en tant que tel. D’où cet objet pédagogique que sera Maison Rougeà la fois inédit et exemplaire et qu’on pourrait dire signépar son auteur. Une vision impliquant que, s’ils sont bien venus parce qu’ils avaient buté sur la chose scolaire, ces jeunes se-ront considérés d’abord comme des sujets, avec leurs conflits et leur souffrance manifeste ou latente, mais aussi leur potentiel créatif. Leurs enseignants, indépendamment de leur compétence profes-sionnelle, auront pu eux-mêmes éventuellement avoir de bonnes raisons d’être sensibilisés aux blessures de la vie tout en trouvant dans la tâche éducative un espace vivant, occasion d’initiatives nou-velles. De part et d’autre se verront donc réunies les chances d’une rencontre fructueuse, sans que soient jamais enfreintes les limites fondamentales entre les générations. La part incontournable de sé-duction inhérente à l’action d’éducation sera centrée sur une tâche tierce et ainsi mise au service de la sublimation, révélant pour ainsi dire sur pièces sa dimension à la fois élaborative et créative. Un tel programme se verra indéfiniment et successivement remis en cause et remis en selle, mais toujours présent à l’horizon, jamais aban-donné, jusqu’à devenir un bien partagé. Il implique un regard, une action spécifiques à une telle visée, qui constituent précisément la
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