C est maintenant
64 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

C'est maintenant , livre ebook

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Description

Des destins s'entrecroisent, parfois se jouent. Le regard se glisse, tout en pudeur, dans leurs interstices, y décèle la solitude irréparable des êtres et la quête éperdue de la qualité de l'instant. Ce récit est une épure.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 22
EAN13 9782296473980
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

C’est maintenant
Aline Gross-Batiot


C’est maintenant

Nouvelle


Préface de Ronan Mancec
Du même auteur

Le Souffle du monde n°5 (poésie), Ed. Amalthée, 2007


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55567-9
EAN : 9782296555679

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Remerciements


Je remercie Robert Pouderou pour la confiance
qu’il m’a faite, et ses encouragements sans lesquels
ce texte n’aurait probablement pas vu le jour.
A Laurence
Préface
C’est une projection en diapositive. Encore floue, elle cherche peu à peu sa netteté. On est en train d’en faire la mise au point en tournant l’objectif lentement. Cela nous semble doux, mais des taches de couleur surgit brutalement une image découpée.

C’est à cela que me fait penser le texte d’Aline Gross-Batiot. A une diapositive qui voudrait se stabiliser, se stabilise, disparaît encore. Il se dévoile en jouant sans cesse sur ses focales, avec pudeur, mais sans se taire. Avec douceur, mais par à-coups. Il navigue de maintenant à juste avant, de tout à l’heure à dans un instant. Il joue sur les strates du temps, au gré du souvenir, des suppositions et des anticipations.

C’est une gamme de mystères qui se déploie là, qui nous prend dans ses remous. Peu de choses sont certaines, ou bien seulement de petites choses, de petits objets, sur lesquels l’auteur passe la main, pour s’assurer de leur réalité, pour en garder la sensualité ou en raviver le souvenir.

En suivant les personnages, on ne sait pas si notre inquiétude est raisonnée, ou si l’on peut se laisser aller, avec eux, à dériver. Sans réponses, nous voilà pris, avec eux, comme dans un courant.


Ronan Mancec

Auteur
I
Elle est sortie du métro.

La bandoulière de son sac de voyage lui cisaille l’épaule.

Le compte à rebours : dans moins de cinq minutes, quatre, trois peut-être, elle sera face à lui. Qui l’attend. Elle le sait. Dans le hall. Le hall de l’hôtel, où il descend depuis trente ans , lui a-t-il dit. A plusieurs reprises, elle en a repéré la situation sur le plan.

A la sortie du métro pourtant, elle flotte un peu, légèrement désorientée.

Il lui a dit : je serais bien venu vous accueillir à la gare, mais on ne sait jamais… ça me semble plus prudent de vous attendre à l’hôtel. Elle en a convenu. Et puis elle préférait traverser Paris, plonger dans la chaleur du métro, la foule qui s’y presse, avec, à l’intérieur, la certitude enfin de ce rendez-vous qui approche, qu’ils sont seuls à savoir et qu’elle savoure.


Elle se sent belle tout à coup comme en suspension dans le temps parmi les gens qui se bousculent sur le trottoir, ravie, ravie à elle-même…

Mais il faut qu’elle sorte de son sac à main son miroir de poche une dernière fois – dans le train elle a interrogé son visage combien de fois –, besoin de se voir avant qu’il ne la voie. Besoin d’être sûre que sa bouche n’est pas trop rouge, car il va l’embrasser sur la bouche, forcément. Depuis le temps qu’ils se l’écrivent. Elle se rappelle lui avoir confié ce doute : et s’il n’aimait pas le grain de sa peau ?

Elle se regarde, vite, ôte de l’ongle un petit dépôt noir qu’elle a au coin de chaque œil – pourtant si elle aime souligner son regard, elle n’a pas forcé le trait –, c’est cette chaleur moite du métro qui l’a fait transpirer. Elle se dit que les quelque cent mètres qui lui restent à franchir sont bienvenus : le vent, la fraîcheur de l’air vont l’apaiser. Elle sort un Tic Tac à la menthe de son sac, le pose sur sa langue sèche. J’ai le trac se dit elle.

Et change son sac d’épaule.

Elle marche. Sans précipitation.

C’est maintenant.


Elle est sur le boulevard. Elle se félicite d’être sortie du bon côté, comme d’un heureux présage.

Elle est sur le bon boulevard, et du bon côté. En fin d’après-midi, à Paris.

C’est une sensation simple, juste et bonne, elle se dit.

Elle porte un manteau court, ample et souple, avec une vaste capuche. Deux liens, comme des rubans, le ferment sous la poitrine. Elle sait déjà qu’il lui plaira de les dénouer, qu’il y tiendra, qu’il l’exigera même, et qu’elle le laissera faire, en suspendant sa respiration. Elle le sait.

Quelques mètres encore.

Elle a des bottes marron foncé, pareilles à son manteau.

Plus tard, dans la nuit, il lui dira qu’elle lui fait songer à l’Ange Bleu mais cela elle l’ignore encore.


Elle ignore aussi qu’il a acheté du Champagne pour marquer l’événement et des chocolats fins – il l’a bien devinée gourmande – dans une confiserie du quartier qu’il connaît si bien, et des mandarines rafraîchissantes, pour après , ou dès son arrivée si elle a soif.

Qu’il a posé tout cela sur le rebord de la fenêtre pour que ça reste frais.

Qu’il a pris un long bain, enduit ses cheveux d’une lotion qui, sans les argenter atténue ce reflet légèrement jaunâtre qu’on lui a dit là-bas être dû aux nombreux pollens qui dans sa région imprègnent toutes les fibres les plus ténues du corps.

Ce corps qu’il a regardé dans la glace longuement avec incrédulité… tant d’années les séparent je suis une vieille chose a-t-il insisté au téléphone et elle en riait mais je suis sans complexes l’avait-il rassurée…

Qu’il a choisi une chemise de soie d’un bleu sombre, et souri en évitant de mettre – non, pas ce soir quand-même ! – ces bretelles qu’il croit tellement disgracieuses aux yeux d’une femme, et dont il sait pourtant que la plupart du temps elles s’en amusent, cette chemise soyeuse – peu importe qu’elle soit une imitation de la soie… elle est si douce murmurera-t-elle plus tard – contre laquelle elle posera sa joue puis la pulpe de ses doigts dans quelques instants avec une sorte de ferveur, mais cela ni l’un ni l’autre ne le savent encore.

Qu’il s’est parfumé – une eau de toilette qui rappelle la lavande ou le buis – elle sera trop étourdie et chancelante pour tenter de le définir.


Elle, n’a rien imaginé. Rien pensé. Seulement suivi son désir.

Son esprit est léger, confiant, cette sensation d’apesanteur, ce picotement de son intelligence qui lui semble lui faciliter toute perception jusqu’à celle de son regard qui en une fraction infinitésimale de seconde lui a fait percevoir l’imminence de la rencontre, car la large vitrine devant laquelle ses pas l’amènent maintenant et dont la partie basse est dépolie, à mi-hauteur – pour la discrétion sans aucun doute – est probablement, elle en est sûre maintenant, la devanture de l’hôtel, dont le dessin en arabesque voile l’intérieur d’un salon, elle le devine, où il l’attend, elle le sent, mais depuis combien de temps ? Elle hésite, s’arrête, aspire une bouffée d’air, pose son sac qui lui meurtrit l’épaule, ferme les yeux, avant de s’engager définitivement dans la zone de lumière, un peu orangée – on imagine un intérieur feutré – qui irise le trottoir, car elle ne pourra plus attendre davantage une fois qu’elle sera dans ce champ lumineux où il doit guetter son arrivée. Elle le sait si ponctuel.

En un éclair : je pourrais être sa fille.

Et tout à coup l’envie de se nicher contre lui.

Qu’il lui caresse la joue, ses cheveux…

Il sera là, elle n’en doute pas, et sa respiration devient plus courte.

C’est vrai qu’il calculé le temps approximatif de son trajet, et s’est déjà levé plusieurs fois pour regarder dans la rue – vers la gauche car c’est de ce côté qu’elle doit surgir et lorsqu’il est debo

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