Et le temps s impatiente
157 pages
Français

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Et le temps s'impatiente , livre ebook

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Description

Dans ce poème, ce roman, ce cahier de croquis, l'auteur narre avec souplesse, parfois avec mélancolie, "le temps qui passe". Elle a, aurait dit Cocteau, "le secret si rare d'emprisonner la mouche au coeur de l'ambre". D'être si personnelle et déjà distante d'elle-même par la grâce de son style, Yvonne Clos étonne : l'évocation des lieux, des atmosphères, des personnages, les formules lapidaires, la pudeur naturelle d'une femme que le passé taquine, la subtilité dans les descriptions, attestent qu'elle est maîtresse de ses moyens.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 36
EAN13 9782336278650
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296105201
EAN : 9782296105201
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace Julie Guillaume. La première fois Les racines Nadia Luce Perle Despina Les ailes Djakarta Djalan Tjendana Sounarti, Karsino, Soutiam Honduras Le Balneario Maria del Mar Maria del Mar, Julie, Amparo et Judith Guillaume Rome Napoléonne Pensées importunes Pierre Olivier Amandine et Monsieur Marcel - Fin d’une histoire d’amour Mon père Maxime Guillaume et Julie Augaise Épilogue Écritures
Du même auteur
Dis, Mamie, tu l’écris notre histoire d’amour, Robert Laffont, 1989.
Et le temps s'impatiente

Yvonne Clos
À mes fils, Jacques et Loïc À mon frère Jean
Julie
J e connais Julie depuis toujours. Comme mon double. Pourtant, je ne sais pas tout d’elle.
Allongée sur son lit au milieu de l’après-midi, ce qu’elle déteste, Julie visite ses plaies. Celles dont on ne voit plus la trace, les plus profondes, enfouies dans sa mémoire qu’elle explore de temps à autre... furtivement. Mais celle-là, qui s’installe à l’improviste au grand jour, qu’elle ne pourra pas cacher : la plaie du Temps, que va-t-elle en faire ?
Dehors, le ciel après un orage est lumineux. « Si je pouvais moi aussi retrouver ma jeunesse d’un seul coup de vent... ». Lorsque j’avais le mal de mer, on me disait : « Il suffit de ne pas y penser ! ». Quelle sottise ! Vous pouvez être amoureux fou, ce mal-là ne vous lâche pas. C’est pareil aujourd’hui que l’âge le plus ingrat m’a agrippée, je ne pourrai plus jamais l’oublier. Et je vais bientôt devenir si vieille qu’on ne me distinguera plus d’une autre vieille. On m’aimera de moins en moins ou avec compassion. De guerre lasse, je mourrai.
Comment retrouver les beaux jours ? Où tous les désirs étaient à portée de ma main et la vieillesse au diable, où j’étais si bien accordée à la vie, où l’espérance était mon seul guide. « Le bonheur, le vois-tu bien là-bas, là-bas... », me chantait-elle. Moi, je courais pour l’attraper. J’y suis arrivée souvent, mais le bonheur est volage, il change de lieu et de compagnie.
L’espérance reprenait sa rengaine et moi, je volais vers d’autres plaisirs, d’autres chagrins, d’autres remords. Et frivole, je vivais.
« Vous ressemblez à une squaw » m’a dit Paul, un invité, le jour de mes trente ans. Il m’a offert les sept chevaux du bonheur. Il m’en reste deux. L’un est sans oreille, à l’autre il manque une jambe. Je ne sais plus rien de Paul. Je ne ressemble plus à une squaw. Mes désirs s’éloignent avec l’espérance. J’ai peur de perdre ma frivolité.
C’est elle qui me donnait la curiosité du bonheur, me permettait de résister au sérieux ou à la fadeur de la vie, mettait de la gaieté dans mes affections, effaçait la grisaille, organisait mes rencontres.
Sans elle, je n’aurais rien supporté. Sans elle, je ne supporterai rien.
Il y a des jours où la vie est tellement bête, cruelle, exigeante, brouhaha incompréhensible ou calme insipide, qu’il faut bien lui échapper un peu. La frivolité était ma drogue. Elle me donnait des ailes.
Comment être frivole à mon âge ?
Quel jour stupide ! Je n’ai rien fait et je suis épuisée. Je ne sais plus perdre mon temps. Je trouvais pourtant beaucoup de douceurs aux moments de paresse. Je n’ai plus de talent pour l’oisiveté. Est-ce aussi cela vieillir ?
Que faire pour exister « encore » ?
« Il faut s’enchanter soi-même ».
Je ne suis pas Socrate et je meurs d’ennui.
Lorsqu’elle entend Guillaume, son mari, tourner sa clé, Julie bondit sur lui comme si le feu venait de prendre dans l’appartement.
— Tu es complètement folle ! Tu ne me laisses même pas entrer.
— Il faut que je te raconte une histoire qui m’a beaucoup fait rire aujourd’hui : c’est Yvette Guilbert qui demande à Oscar Wilde : « N’est-ce pas Monsieur Wilde que je suis la femme la plus laide de Paris ? »
Oscar Wilde emphatique : « Du monde, Madame, du monde ! »
Guillaume éclate de rire.
— Vraiment tu es folle. Tu as passé une bonne journée ?
— Excellente.
« Qui ne sait pas feindre, ne sait pas vivre ».
Guillaume. La première fois
C ’était à Java dans une fête. Juste avant ou après que Paul eût offert à Julie les chevaux du bonheur.
Guillaume est venu vers elle, une coupe de champagne à la main et, devant cent personnes, a fait sa déclaration :
— « Un jour, Madame, nous ferons merveilleusement l’amour ensemble ».
Elle a ri, pour sauver la face, comme le lui ont appris des amis chinois. Elle a su aussitôt qu’elle mettait le cap sur des bouleversements. Guillaume était de passage, en reportage pour un grand journal. Elle était mariée à un jeune diplomate, avait deux enfants.
Le temps a passé depuis. Frénétique ou languissant.
Le temps peut s’évader, rêve Julie, je m’en moque. Il a l’éternité pour ça. Il peut tout recommencer. Pas moi. Je ne peux rien changer à ma vie.
Je m’appellerai toujours Julie. J’aurais mieux aimé Pilar, ou Bérénice. Même en Julie, j’ai adoré la vie. J’ai pris une part active à celle qui m’a été réservée. J’ai traversé des lieux protecteurs, des lieux d’angoisse, des moments de plaisir, des jours de tourment, des instants de vide ou d’intense passion, accompagnée par les chevaux du bonheur ou des oiseaux de malheur. Mais, il y a un fossé entre mes souvenirs et moi. À quoi bon le franchir ? Je me retrouverai là où je suis inexorablement.
Je ne ressens plus la douceur ou la volupté des bonheurs enfuis. Les chagrins et les peines d’autrefois ne me font plus souffrir. Même si les uns et les autres sont toujours là, battus et mêlés comme un jeu de cartes que l’on sort au hasard.
Tout ce que j’ai vécu, prisonnière de certains êtres, de circonstances, de convictions ou de préjugés, tous ces sentiments détruits, tout cela est inexprimable. Alors pourquoi fouiller dans le bric-à-brac du passé ?
Parce que c’est là que se trouve ma vie.
Peut-être aussi pour y trouver ce qu’elle m’avait offert et que je n’ai pas saisi.
Si je pouvais me retrouver dans le ventre de ma mère, troquer l’angoisse de la fin contre celle de l’arrivée, tourner ainsi et pour l’éternité avec la terre autour du soleil, toutes questions posées sans jamais de réponse, le jeu en vaudrait-il la chandelle ?
J e ne suis pas au bout de mes peines... Pourtant j’en ai bousculé des chagrins, balayé des remords, oublié des regrets !
L’impression d’avoir gravi une pente à vive allure, poussée par des passions, des folies et beaucoup de monde.
Il va falloir la descendre sans passion, sans folie et seule.
Les passions, les folies me manquent.
Aujourd’hui qu’elles ne m’accompagnent plus, je paresse sans appétit dans la solitude. Je fouille dans mes souvenirs où je voudrais ne retrouver que le superflu, le luxe de la vie, les personnages fous, légers, séduisants, bienveillants qui l’ont jalonnée et égayée. Je voudrai les inviter tous à la fois : « Entrez enfants de la folie, plus on est de fous... »
Croire encore que la vie est une fête dont on est l’invité.
J’ai aimé les efforts accomplis, le mal que je me suis donné et, souvent plus que les autres, les êtres qui m’ont combattue et que j’ai dû combattre pour conquérir ma liberté. Cette liberté me paraît aujourd’ hui illusoire, indocile, puisque je suis toujours prisonnière de mon humeur, de mes caprices, de ma nostalgie, de mes révoltes. Prise au piège de mes affections, de la tendresse, du respect des autres, toujours de quelques convenances et de l’imprévu.
« On ne peut donner à ses enfants que deux choses : des racines et des ailes ».
Proverbe juif
Les racines
J ulie est née au pays du ciel bleu, de la terre rouge, des mosquées blanches, des oliviers luisants et tendres, des arganiers coriaces et épineux : le Maroc.
Ses parents attendaient un garçon. Ils furent déçus. Julie aussi. Difficile de commencer sa vie en ne répondant pas aux espérances de ses parents. Julie essaya de plaire à son père. E

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