L heure des djinns
244 pages
Français

L'heure des djinns , livre ebook

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244 pages
Français

Description

Sarah, la Toubab qui croit en la volonté, Khadija, la Sahélienne qui croit en Dieu, et Yacine, La Dakaroise qui croit aux djinns. Toutes trois sillonnent les pistes pour convaincre les villageois qui attendent la pluie, de s'assurer contre les démesures du soleil. Puis elles rentrent dans leur petite ville sillonnée par les enfants mendiants, pour y retrouver le cours de leurs vies et leurs amours. Mais les cauris l'ont prédit : « Un grand chaos vole vers le Sahel. Le vent de la fuite va souffler ». L'heure des djinns, c'est le portrait de trois femmes et de tout un monde, d'une saison des pluies à l'autre. Une saison où tout changea pour Sarah, Yacine et Khadija. Où tout changea à l'heure des djinns...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 novembre 2016
Nombre de lectures 30
EAN13 9782140021664
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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JeanPaul Mahoux
L’heure des djinns
L’heure des djinns
Roman
collection Amarante
L’heure des djinns
Amarante Cette collection est consacrée aux textes de création littéraire contemporaine francophone. Elle accueille les œuvres de fiction (romans et recueils de nouvelles) ainsi que des essais littéraires et quelques récits intimistes.
La liste des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Jean-Paul Mahoux L’heure des djinns
Roman
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-10377-8 EAN : 9782343103778
PREMIÈRE PARTIE
VERS LA PLUIE
CHAPITRE I
La piste
La soudanite ! Sarah venait de retrouver ce mot ancien qu'ils cherchaient la veille. Autrefois, il désignait ce mélange d’ennui, de fièvre et de folie qui s’abattait sur les Blancs restés trop longtemps sous les tropiques. Un mot pour dire tout le contraire aurait plu à Sarah. Mais il n’existe pas. Aucun mot d'aujourd'hui ne dirait son bien-être. La jeune femme était assise sur un fauteuil de la terrasse. Dans son corps tiède flottaient les endorphines de la nuit, des souvenirs de désirs assouvis. Sa tête, son ventre et son sexe étaient encore bercés de vagues. À l’intérieur de la villa, Souleymane dormait. Depuis quelques temps, il restait jusqu’au matin ; il ne s’était pas réveillé pour prier. Sarah ferma les yeux et écouta les premiers sons du jour : des bourdonnements sur les bougainvillées, du vent dans les arbres, des brebis qui trottaient devant la maison. Une charrette passa, dans un cliquetis d'attelage, au son étouffé des sabots sur le sable. Puis ce fut le silence. Les yeux toujours fermés, Sarah inspira l’air sec où flottaient encore quelques effluves d’eucalyptus. Mais une goutte de sueur coula le long de sa hanche ; ce matin d'avril était déjà brûlant. La grille du jardin grinça. Sarah ouvrit les yeux. Fatou venait d’arriver. C’était l’heure de partir.
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La jeune femme blanche descendit les marches de la terrasse et franchit la grille. La bonne en pagne la regarda s'éloigner. Sarah rejoignait les bureaux de son ONG par les rues ensablées. Dans les petites villes du nord du Sénégal, les Blancs étaient rares, les Blancs à pied encore plus rares. Au passage de Sarah, les gosses, cachés derrière les baobabs, criaient : « Toubaaab ! Toubaaab ! ». Toubab veut dire Blanc en wolof, la personne, pas la couleur. Au détour d’une rue, quelques enfants crieurs détalèrent en riant, sauf un, un gosse de trois ans qui se figea sur place, terrorisé. C’est effrayant une Blanche quand on n’en voit jamais. Sarah sourit et continua. Elle aimait ce chemin jalonné de rires et de cris. C'était frais; c'était vif. Rien à voir avec les « Hé la Sénégauloise !» qu'on lance aux femmes blanches dans les stations balnéaires sénégalaises. On n'entendait pas ces attrape-touristes dans cet arrière-pays perdu. Le climat – une fournaise en saison sèche, une étuve en saison des pluies – n’était pas touristique. Et ce qui restait de faune – varans, vautours, dromadaires – n’attirait pas ceux qui prennent l'Afrique pour un décor de safari. Dans cette petite ville, loin desall in, seuls les locaux marchaient en tongs sur le sable. Quand on y croisait un Toubab, c'était un coopérant ou un évangéliste perdu en pays musulman. Sarah Hafner, qui ne croyait pas en Dieu, était coopérante, suisse, sans accent. C’était une jeune femme au teint mat, aux cheveux éclaircis par le soleil de brousse; elle avait le nez aquilin, des yeux verts un peu écartés, un visage triangulaire, des lèvres ourlées et des sourires fréquents. Elle vivait depuis trois ans dans cette région perdue du Sahel où elle était arrivée à l’âge de 29 ans.
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A présent, la coopérante marchait le long d’une avenue bordée d’acacias. Un souvenir d'avenue plutôt. Quelques traces de bitume affleuraient encore entre les nids-de-poule ; les pluies torrentielles des saisons, la chaleur et l'usure des jours avaient littéralement haché la route. C'était le boulevard des projets. Les ONG y occupaient de grandes villas transformées en bureaux. Leurs couleurs nationales qui avaient perdu le droit de flotter après l'Indépendance, étaient peintes sur les façades. Drapeau italien : ONGMedici del Mondo. Drapeau belge : ONGNutrition Tiers Mondeoù travaillait Souleymane. Drapeau suisse : ONGSécurité Alimentaire Ferlo,une ONG de Genève dont Sarah Hafner était la coordonnatrice. Sarah qui aimait jouer à celle à qui on ne l’a fait pas, disait : « On dit coordonner quand les décisions se prennent ailleurs et les emmerdes sur place.» Coordonner, c’était surtout compter. Sarah, diplômée d'économie, comptait au sens propre, élaborant des budgets, payant des puits, des écoles, des hangars, des salaires. Selon les mots des villageois sénégalais, elle était venue leur apporter l'argent des Blancs, des Blancs lointains qu'ils ne rencontreraient jamais. C'était bien résumé. Ce qu’ils ne savaient peut-être pas, c’est que, comme des dizaines de milliers d’autres petits Blancs avant elle, Sarah Hafner était devenue quelqu’un en Afrique, quelqu’un d’important, quelqu’un qu’on reconnait, quelqu’un qui compte. Pour cette gosse de village, cette fille d’origine modeste, l’Afrique était une chance. Une chance de marcher fièrement à la surface de la terre.
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