La librairie italienne et autres récits
210 pages
Français

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La librairie italienne et autres récits , livre ebook

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210 pages
Français

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Description

Antoine est un jeune paysan du Forez, une région située au nord-est du Massif central, affamé de littérature. A la mort de sa mère, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il se décide à "monter" à Paris pour y tenter sa chance. Il y rencontrera une jeune femme italienne, Gina, qui travaille dans une librairie, et fera l'apprentissage de la vie, de l'amour et de l'érotisme dans les années cinquante du vingtième siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 57
EAN13 9782296677104
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La librairie italienne
et autres récits
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08963-1
EAN : 9782296089631

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Frédéric LHERBIER


La librairie italienne
et autres récits


récits


L’Harmattan
À mes lecteurs

Ce roman n’est pas un roman réaliste et historique. Il s’agit, et j’insiste là-dessus, d’une pure fiction.
Ce livre n’est pas non plus un livre sur les années cinquante du vingtième siècle, ni sur l’art de ces années-là mais sur l’art en général et sur l’amour, sur « les vérités authentiques du cœur humain » comme l’écrivait magnifiquement William Faulkner.
Toutes les « erreurs » concernant le monde de l’art sont volontaires. À vous de les identifier et de les corriger.

Frédéric LHERBIER
En hommage à Giorgio Bassani
Peace, peace, he is not dead, he doth not sleep
He hath just awakened from the dream of life
Shelley.
Adonais
La librairie italienne
A lors que je sortais de la station de métro Réaumur, je réalisai progressivement, en montant les marches rendues humides par la pluie qui s’était abattue sur la ville, que le ciel commençait à se dégager au-dessus de Paris. Un rayon de soleil, transperçant brusquement les nuages, m’aveugla quelques instants. Je ne fermai pas les yeux, affrontant l’astre en pleine face et ce aux heures chaudes de cet après-midi de juin.
J’entrai dans un bistro quelconque et absorbai quelques bières dans une atmosphère enfumée pour me donner un peu de courage (ou peut-être pour assumer ma lâcheté). Des mégots jonchaient le sol, les toilettes empestaient l’urine. Je croisai des hommes louches. Peut-être étaient-ils venus là pour les mêmes raisons que moi ? Ce bar, c’était la saleté, la médiocrité parisienne dans toute son horreur.
J’avais choisi le jour anniversaire de la mort de ma mère, le 13 juin, estimant que, lorsqu’il faut mourir au monde, autant que ce soit dans le déshonneur absolu.
J’étais né un peu après la Grande Guerre, au sein d’une paysannerie qui avait fourni l’essentiel et surtout le meilleur de ses troupes à l’armée française et avait reçu pour unique récompense un magnifique monument aux morts qui trônait insolemment sur la place principale de ma ville natale, Feurs, une bourgade située en plein cœur de la plaine d’effondrement du Forez. Il aurait suffi d’ajouter une consonne à cette vieille cité romaine pour qu’elle devienne la plus belle ville du monde. Ce n’était pas le cas. Mais à défaut de charme, Feurs était une petite ville de province où la vie n’était pas désagréable. C’était surtout la ville où vivaient les gens que j’aimais. Mon pays comme disent les paysans.
J’avais passé mon enfance à découvrir l’ample demeure familiale que notre famille se transmettait de génération en génération. Cette maison était un véritable labyrinthe de mystères dont je m’efforçais, années après années, de déceler les secrets.
La cave, immense, que je m’acharnais à parcourir d’abord avec, puis sans lumière, m’inspirait une peur indicible. Je m’obstinais à atteindre la chaudière qui constituait le but ultime de mon escapade. Tremblant de frayeur mais fier malgré tout de mon courage, je ressortais en courant de ce lieu que je croyais hanté. La grande salle à manger que nous n’utilisions qu’à de rares occasions, pour recevoir notre famille ou les associés de mon père, me dictait, elle aussi, un respect absolu. C’était une pièce où la parole d’un enfant n’avait pas lieu d’être. Seul le silence régnait en maître.
Mais c’était le jardin qui me procurait le plus de plaisir, avec son immense saule sur la branche duquel nous nous efforcions de grimper, ma sœur et moi. Nous y suspendions parfois un hamac. Les journées d’été se succédaient, interminables. Je pensais que le soleil ne disparaîtrait jamais.
Mon père était difficilement parvenu à s’extirper de la paysannerie pour fonder une entreprise de travaux publics. Taiseux, il avait fait la guerre, n’en parlait jamais. Il n’exprimait guère ses sentiments mais je devinais ce qui était caché au profond de son cœur. Cette haine ou plutôt ce mépris pour la guerre, pour toutes les guerres, pour lesquelles nous, les paysans, avions toujours payé le prix fort. Il savait inéluctablement que la guerre était la première passion de l’homme avant même l’amour qu’il portait à la femme et qu’elle était absolument indéracinable, que ces tueries abominables se perpétueraient jusqu’à la fin de l’humanité.
Ma mère était plus sociable, blonde aux yeux bleus, évanescente, elle s’occupait des comptes de l’entreprise et des travaux ménagers ce qui n’était pas une mince affaire étant donnée l’étendue de notre domicile. Elle m’avait donné une sœur, Françoise, de deux ans plus jeune que moi, aussi ravissante que sa génitrice.

Mon grand-père était mort peu de temps avant ma naissance, je n’avais pu le connaître. Nous hébergions notre grand-mère maternelle. Elle était l’âme de la famille, nous l’adorions ma sœur et moi. Assise dans son fauteuil, elle passait ses journées à tricoter ou à lire, elle ne se levait que pour préparer les repas. Elle apprêtait la plupart du temps ses délicieux saucissons briochés, spécialité locale, avec des soins qui s’apparentaient plus au monde de l’art qu’à celui de la cuisine. Puis nous dégustions les délicieux gâteaux de la maison Berlier. Je me régalais des barquettes au marron. Elle en profitait pour nous délivrer des dictons frappés non seulement du bon sens mais de cette finesse paysanne qui était l’essence même de l’esprit français, de sa légèreté. Sa foi en Dieu était d’une pureté absolue, aucune ostentation ne venait souiller son âme. Elle était restée janséniste comme on l’était encore au fond des campagnes et surtout dans le Massif Central où Biaise Pascal n’était pas encore tout à fait mort. Elle était l’incarnation de la bonté, de la gentillesse dans l’acception la plus noble de ce mot, laquelle représentait elle aussi la distinction de notre peuple.
Un jour de printemps, alors que j’approfondissais l’exploration de notre demeure, je montai au premier étage, celui des chambres qui s’alignaient le long d’un couloir obscur. Je parvins à celle de ma grand-mère située à son extrémité. Je m’y glissai furtivement, profitant de l’absence de celle-ci pour jouir de ma présence solitaire en ce lieu que je considérais comme sacré. D’habitude, ma sœur et moi nous nous glissions dans son lit le matin et ma grand-mère nous lisait des histoires de sa voix lente et douce, elle qui était passionnée de littérature populaire. Il s’agissait souvent des aventures de Sylvain et Sylvette. Mais ce n’était pas seulement sa lecture qui m’intéressait. J’observais la fenêtre du fond de sa chambre d’où filtrait la lumière du jour, les rayons du soleil commençaient à poindre et à illuminer le tapis de la chambre. Un monde inconnu s’insinuait en moi. À l’amour de ma grand-mère s’ajoutait autre chose que je ne parvenais pas à pénétrer. J’étais au seuil d’une révélation. J’avais, me semblait-il, tellement de choses à découvrir.
Ce jour-là, je fouillai méthodiquement sa chambre, j’ouvris le tiroir de sa table de nuit, j’examinai fébrilement l’intérieur de son armoire. En ouvrant la porte d’un meuble bas, je tombai sur une collection de livres issus du même auteur. Je lus : Les aventures du chevalier de Pardaillan par Michel Zévaco. J’en pris un au hasard, qui portait le titre suivant : "Fausta vaincue". Quelle pouvait être cette Fausta ? Je m’allongeai sur le lit et commençai ma lecture. Je venais d’avoir huit ans et avais beaucoup de facilité pour lire. Contrairement à ce que je pensais, il ne s’agissait pas seulement d’un roman de capes et d’épées. L’auteur relatait le conflit opposant un fier chevalier gascon nommé Pardaillan et une belle Italienne, Fausta, blonde aux yeux noirs. La couleur de ses yeux me fascinait. Ainsi il existait des femmes aux yeux noirs ? Fausta était originaire de Florence, une ville que Zévaco décrivait comme la splendeur de l’humanité. Ce nom me faisait rêver car il était aussi celui de ma mère. Des villes pouvaient donc porter des noms de femmes ? Je passai l’après midi absorbé dans la lecture de ce livre. Mes parents étaient restés au rez-de-chaussée et ne semblaient pas s’inquiéter : ils avaient l’habitude de mes échappées solitaires.
Au mil

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