Le chagrin de Marie-Louise
136 pages
Français

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Le chagrin de Marie-Louise , livre ebook

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Description

Des hommes, des femmes, des chiens. D'un style direct, sans fioriture, ces histoires courtes révèlent sans compassion une humanité urbaine à la dérive.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2009
Nombre de lectures 56
EAN13 9782336280943
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sommaire
Photographie de l’auteur par Sarah Wiame Page de titre Page de Copyright Dedicace Merci docteur Gust et Paula Roger et le gardien de nuit Micheline et Francine Marcel Aji Malaise Chadia Les journaux La fenêtre Le chagrin de Marie-Louise Gisèle Sur la route Tu connais la nouvelle ? Ida La cellule L’enregistreur Wolé Epilogue -
Photographie de l’auteur par Sarah Wiame
Le chagrin de Marie-Louise
Nouvelles

Leïla Houari
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296085787
EAN : 9782296085787
Pour mon père et Belgica
Merci docteur - Docteur, rien ne va plus… ce n’est plus possible de continuer comme ça, je n’en peux plus, vous comprenez ? … Si je dois tout supprimer, il ne me reste plus qu’à mourir.
Le jeune docteur Pierre Van Devergelduur acquiesce, imperturbable. La trentaine flamboyante, pectoraux en béton, yeux vert émeraude, cheveux soyeux, il caresse d’un doigt nonchalant le cadre argenté qui lui fait face. Il n’écoute sa cliente que d’une oreille. Il admire la photo de son fox-terrier à poil lisse. Lors du dernier dog show, il l’avait rempli de fierté en raflant tous les prix dans sa catégorie. - … Docteur, vous comprenez, j’ai cinquante ans, je suis seule, j’ai perdu mon emploi, pour comble de malheur, je ne peux manger ni salé ni sucré, vous me déconseillez la viande, le pain blanc, le gâteau du dimanche. Qu’est-ce qu’il me reste à apprécier ? Rien. Je ne peux même pas avoir d’animaux, je suis allergique aux poils.
Le beau docteur Pierre Van Devergelduur daigne enfin lever ses yeux aux sourcils bien dessinés sur la malheureuse femme au teint gris qui, manifestement, est au bord du précipice. - Il est en effet regrettable que vous ayez cette allergie, un petit animal vous console de bien des misères… mais ne retournons pas le couteau dans la plaie. Si vous n’êtes pas raisonnable, vous risquez d’avoir des problèmes de cœur, sans compter que votre ménopause se présente à un moment où vous n’êtes pas au mieux de votre forme.
La femme effondrée prend un mouchoir dans son sac, mais nulle larme chaude ne vient réconforter son désarroi. - Faites quelque chose docteur, je ne tiendrai pas longtemps… - … Il vous faudrait un peu de soleil, dit-il en pensant à ses dernières vacances aux Antilles. - … Docteur, c’est l’hiver, il pleut tout le temps ici, où voulez-vous que j’en trouve… du soleil ? - Très bien, je vois, dit-il en fixant longuement sa cliente dont les yeux anémiés s’illuminent d’un vague espoir. - Une petite cure de vitamine D est toujours salutaire et sera toujours moins chère que des vacances en Espagne.
La femme sourit faiblement : - Oh docteur ! Des vacances ! Même en rêve, c’est du luxe pour moi. - Allons, allons, madame, il ne faut pas voir tout en noir, tenez, voilà l’ordonnance. - … Mais, vous m’avez donné les mêmes l’année dernière et je vous avoue que je n’ai pas vraiment senti la différence. - Cela existe sous différentes formes, cette fois-ci, je vous ai prescrit les ampoules et vous prendrez également du Tranxène pour chasser vos vilaines inquiétudes… vous verrez… pour la consultation, il y a un supplément à payer, voyez avec ma secrétaire. - Oui docteur, bien sûr docteur, merci pour tout docteur. - Au revoir madame.
Elle s’en va. - Madame, madame !
C’est la voix du docteur. Elle se tourne vers lui avec un grand sourire, il lui tend un objet. - Vous oubliez votre parapluie…
Gust et Paula
Chaque soir, après son dernier verre, Gust rentre avec Paula, son vieux retriever à poil plat.
Ce soir-là ne serait pas un soir comme les autres.
Les rues de la ville sont désertes. La pluie tombe tranquillement, la chienne de Gust avance avec difficulté. Eh bien ma vieille, c’est dur de remonter la pente, je vais te dire une bonne chose, pour toi et moi c’est la fin. Ce serait bien si cette nuit était la dernière. Je te prendrais dans mes bras, le sommeil nous emmènerait pour toujours. Fini, plus de Gust, plus de Paula. La suite on s’en fout, n’est-ce pas qu’on s’en fout, ma Paula ? Personne ne saura qu’on n’existe plus.
J’entends d’ici les voisins : « Vous ne trouvez pas que ça pue dans l’immeuble depuis quelques jours ?... C’est sûrement le vieux du troisième, il ne se lave jamais et puis toujours avec ce chien malade qui se traîne, tout de même, il y a des gens qui ne sont pas vite gênés. »
Gust part dans un grand éclat de rire.
Ah çà, ils vont le savoir qu’on n’est plus là, ça va sentir jusque dans leur chère télévision !
A cet instant, la chienne lance un hurlement effroyable, elle quitte le trottoir à l’aveuglette. Gust crie : Paula, reviens, attends-moi !
Gust court après l’animal tout en titubant. La rue de ce quartier est mal éclairée, elle absorbe les deux silhouettes. L’automobiliste qui les écrase n’en revient pas. Il croyait avoir simplement heurté un sac poubelle. La chienne crache sa vie dans un aboiement.
Gust, mortellement blessé, a des yeux hagards. Il est assis au milieu de la rue. Dans un dernier réflexe, il ramène sa chienne contre lui, il sourit et bascule à terre.
L’homme, tout blême, se penche sur lui.
Dans un souffle, Gust a juste le temps de lui dire : - Merci, c’est encore mieux que ce que j’espérais…
Roger et le gardien de nuit
Les aiguilles dégoulinantes d’eau indiquent 19 h 30. La gare du Nord se vide peu à peu. Les navetteurs rentrent chez eux. Ce soir Roger veut être seul. La pluie froide pénètre son vieux manteau bouffé aux mites. Il pense à son ami Freddy. C’est sûr, il n’en a plus pour très longtemps. La nuit dernière, il crachait ses poumons et même sa vie entière. Si au moins, ça pouvait être vrai, ça le soulagerait un peu ; parce qu’en fait de vie pourrie, à côté de lui, la mienne est un conte de fées, se dit-il en riant. Enfin, on peut s’estimer heureux, on a la chance de vivre sous cet escalator en panne, personne ne nous emmerde. C’est toujours ça de pris pour cet hiver. Tout en se remémorant sa rencontre avec Freddy, Roger avance sous la pluie battante. Du quartier proche de la gare, il ne reste plus rien. Toutes les habitations avaient été rasées et des bâtiments miroirs poussaient à toute allure supplantant la mauvaise herbe des derniers terrains vagues. Roger avait bien failli prendre un train tout à l’heure pour quitter toute cette misère. Mais que faire de plus à Ostende ou dans les Ardennes ?
Il sentait que partout ce serait pareil et puis tant que Freddy était vivant il ne pouvait pas le laisser seul.
Roger a grandi dans ce quartier, il avait même travaillé dans la bonneterie de la rue du Progrès. Quelle animation, quelle gaieté à l’époque ! Plus rien de tout cela ne subsiste. Les seuls commerces qui tiennent encore le coup vendent du plaisir vite fait aux employés pressés.
Complètement mouillé, Roger s’abrite sous le porche d’un gigantesque immeuble gris métallique. Il grelotte de froid, de l’une de ses chaussures usées pointent ses orteils crasseux. Freddy sera mort demain, je ne veux pas assister à ça, crie-t-il au vent.
Pour se réchauffer, il exécute une drôle de danse, il plisse les yeux pour mieux voir. Au loin, les lumières d’un hôtel chic éclairent une multitude de drapeaux. Sur l’un d’eux, un cercle d’étoiles prometteuses sur fond bleu exécute de gracieuses vaguelettes sous la houlette d’Eole. Tout va très bien madame la marquise ! - Que faites-vous là ?
Roger sursaute et se protège les yeux du faisceau lumineux qui l’aveugle. - Doucement, on se calme… j’attends juste que la pluie cesse un peu. - Vous n’avez rien à faire ici. - C’est pas votre problème, vous êtes flic ? - Je suis chargé de veiller sur l’immeuble. - Les murs de votre immeuble se sont plaints de ma présence peut-être ? - A l’intérieur de ces murs, il y a des machines et dans le ventre de ces machines des secrets vitaux pour l’homme.
Roger s’esclaffe, le veilleur de nuit perd toute contenance. Roger rit de plus belle. - Pourquoi vous êtes là ? - Je tue le temps en attendant la mort de Freddy.
Le gardien, intrigué par cette réponse, reste pensif un bref instant. - Entrez ! - … C’est à moi que vous parlez ? - Oui, j’ai un thermos de café à partager.
Roger ne se le fait pas répéter deux fois, il se seco

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