Le gardien du temple
269 pages
Français

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Le gardien du temple , livre ebook

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269 pages
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Description

Christian Souque nous offre ici un "gardien du temple" tragi-comique, plein de piquant. Le sujet affiché, la rencontre entre un homme simple et le destin tragique d'une femme sublime et innocente à ses yeux, s'il paraît des plus sérieux, révèle au fil du texte la dérision de la condition humaine et notre délicieuse superficialité.
Extrait du chapitre 16 : "La tombe et le professeur".
"Il était si épris d'elle, si vigilant au moindre signe de sa présence, des lointaines traces imaginées de son parfum, qu'il rêvait d'elle bien souvent. Durant ces nuits, elle se présentait à lui en songe, drapée d'une lueur transparente et virginale, mystérieuse et discrète tout à la fois. Le regard félin, les yeux verts, la chevelure déployée, à peine vêtue de voiles sombres, elle apparaissait dans l'embrasure de sa porte et lui murmurait de douces paroles et les appels de l'au-delà que son cœur réclamait. Les rêves demeuraient chaque fois inachevés, transpercés par les bruissements de la vie. Elle disparaissait si brutalement, sans jamais achever son discours ou ses plaintes qu'il bondissait de son lit tel un homme d'âge mûr, amoureux pour la première fois."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 303
EAN13 9782296677968
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le gardien du temple
Du même auteur


Roman

La chaumière abandonnée ,
Editions La Société des écrivains, Paris, 2009
Christian Souque


Le gardien du temple


roman


L’harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http:// www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09053-8
EAN : 9782296090538

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Chapitre 1 Un homme heureux
M onsieur Edmond était un homme modèle ; cordonnier de son état, professionnel rigoureux, la clientèle toujours satisfaite, époux exemplaire, fils affectueux avec ses vieux parents, on n’eût jamais parlé de lui si son étrange aventure de l’esprit n’avait suscité la curiosité de chroniqueurs en mal de récits accrocheurs.
Oui, cet homme, cet artisan boutiquier, à la mine débonnaire, à la petite moustache rousse, aux cheveux fins et assez rares, aux gilets classiques et démodés, voyait le monde depuis plus de quarante ans à travers une paire de bésicles aussi rondes que deux hublots d’un bateau fantôme naviguant sur les rives paisibles des âmes sans histoire.
Marié jeune à une beauté autoritaire, il percevait depuis lors son épouse sous les traits de la belle jeune femme qui vingt ans plus tôt lui avait inspiré quelques vers de mirliton. La reprise prometteuse du commerce de son oncle, son sérieux bien connu, un petit pécule bien rondouillard, une jolie maison en héritage, agrémentée d’un jardinet fort mignon, avaient fait le reste et, une fois marié, il s’était endormi sur les lauriers de cette flatteuse union.
Les années étaient passées et malgré l’absence de naissance au sein de son foyer, le caractère de plus en plus acariâtre de son épouse, des affaires stagnantes, une clientèle de plus en plus exigeante, il avait tout de l’homme heureux. Toujours aimable, toujours souriant, jamais aigri, ni à court de compliments à l’ensemble de son entourage, personne, non personne n’aurait pu supposer qu’il abandonnerait tout, la chaussure et le reste, à la suite d’une simple promenade champêtre…
Ah ! Cela madame ! Si l’on avait lancé des paris sur cette affaire, assurément il y aurait eu gros à gagner, quelques juteux profits et fortunes à faire !…
C’est bien loin aujourd’hui et pourtant, quelques écrivains, romanciers et pourvoyeurs de nouvelles tentent encore de comprendre l’étrange séduction qui, un dimanche anodin, s’empara de ce brave homme.
Il faut vous dire qu’on le voyait depuis si longtemps derrière son comptoir, son tablier de cuir beige un peu élimé ; il était beau finalement dans cette lumière matinale à travers la vitre de sa boutique ; on voyait à peine ses yeux dissimulés par les reflets de ses lunettes et sa stature, tantôt droite et sereine, tantôt courbée sur son ouvrage, trônait au milieu du relatif désordre de ses matériaux comme un seigneur en son royaume. Le grelot apposé derrière la porte signalait l’entrée d’un client telle la cloche qui rameute le fidèle, impose le passage par un lieu de culte, un péage obligé si l’on veut poursuivre sa route.
Son atelier paraissait une redoute imprenable, son métier des plus certains : « tant que les gens marcheront, il y aura des chaussures ! » avait-il coutume de lancer à tout bout de champ, avec un grand éclat de rire, conscient de sa situation bien établie, avec cette bonhomie commerçante dont sont dépourvus parfois, sans rémission possible, certains vendeurs aussi courtois que grilles de pénitenciers… C’était bien agréable pour sa clientèle, enfin, c’était une autre époque… Il était féru de vieux proverbes et ne manquait jamais une occasion de les placer avec esprit. Il lui arrivait même de les mettre en scène.
Quand l’envie lui en prenait, par un réveil guilleret, une matinée ensoleillée, il se chaussait pendant quelques heures de manière fastueuse et harponnait un client sur trois : « Tenez regardez ceux-ci ! » proposait-il en s’écartant de son comptoir et en montrant ses beaux souliers ; puis, fier de son répertoire d’aphorismes et de bons mots, il affirmait : « Les cordonniers sont les plus mal chaussés… Sauf moi ! D’ailleurs, exception confirme règle… »
« C’est vrai qu’ils sont beaux ! » était la réplique la plus répandue. Edmond ajoutait alors : « Que croyez-vous ? C’est à l’œuvre que l’on reconnaît l’ouvrier… »
Il répandait ses proverbes à tous moments avec une telle aisance, par la force de l’habitude, incontestable souveraine des petites gens, que le goût pour ces vérités issues du terroir avait déteint sur son épouse. Un mimétisme troublant surprenait celle-ci à débuter ou à conclure un propos par une laconique remarque du même type.
On eût pensé que la vie passerait ainsi, entre deux coups de marteaux, deux conversations avec des clients, deux plaisanteries gauloises, deux repas de dimanche au sein des belles-familles… et pourtant, il n’en fut rien…
Chapitre 2 Madame Edmond
U ne simple remarque de sa femme avait été à l’origine de tout. « Madame Edmond », comme se plaisaient à dire certaines mauvaises langues, Huguette de son prénom, était fine, distinguée, tournée avec ce brin d’élégance et de coquetterie qui ne demande qu’à briller, faire admirer ses escarpins et toilettes.
De petits chapeaux ajustés avec délice offraient à son visage le charme discret du mystérieux, de l’insondable, de cette science innée de la séduction. L’unique souci de sa jeunesse : susciter de nouveaux regards de préférence de beaux messieurs, éveiller de secrets désirs et d’ineffables jalousies.
Toutefois, après son mariage, consciente de l’importance d’un commerce prospère, elle avait d’abord, tapie dans l’ombre, la robe dans la penderie et les bijoux dans la boîte, patiemment attendu la fidélisation d’une nouvelle clientèle et n’avait rien trouvé à redire au travail acharné de son époux.
L’ancien propriétaire, l’oncle de monsieur Edmond, avait emporté avec lui l’essentiel de la vieille clientèle. Fidèle depuis de longues décennies, l’âge, le désabusement, la nostalgie de l’ancien temps et le dégoût du changement avaient fait demeurer au logis cette dernière au moment même du rachat ; elle ne sortait plus guère, marchait moins et par conséquent, n’usait plus ses souliers. Il avait donc fallu, au début de la reprise du commerce, promouvoir les nouvelles compétences, étaler les rabais, jouer de l’affichage, se faire connaître et apprécier…
Monsieur Edmond ne s’attendait pas à pareilles difficultés. L’exercice n’était pas sa panacée, il n’avait rien d’un batteur de foire et sa femme, rarement de bonne grâce, avait été mise à contribution.
« Nul n’est prophète en son pays », répondait-il toujours aux critiques de celle-ci. Elle ne s’était pas abaissée à susciter directement le client mais avait régné sur une troupe d’adolescents, stagiaires, apprentis et débutants, remplis de vigueur et de bonne volonté.
Améliorer le nid pour mieux s’envoler à tire d’ailes vers les fêtes, bals et réceptions de ses rêves, recevoir à son tour, lui paraissait la chose la plus légitime. Pour cela, il fallait d’abord redorer le blason, faire fructifier l’entreprise, et après réflexion, elle ne s’était point ménagée dans l’attente de jours meilleurs.
Cependant, elle était allée à l’encontre de sa nature dans ces quotidiennes besognes et le renouvellement des gains eux-mêmes n’avait pas empêché son courage de s’altérer un peu chaque année, surtout à la morte saison, quand le comptoir était plus froid et humide…
« Une hirondelle ne fait pas le printemps » était à l’époque son proverbe de prédilection. L’encadrement des employés pubères avait trouvé ses limites. Elle n’avait pas le public à la hauteur de son supposé talent et comme souvent dans ce genre de déceptions, préférait s’aliter en se languissant sur ses rêves.
Tels certains flots grandissent en hauteur par les effets conjugués des vents et des courants contraires, son vague

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