Le temps d Uranie
290 pages
Français

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Le temps d'Uranie , livre ebook

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Description

Pour quelle raison un recueil d'estampes du Quattrocento a-t-il été dissimulé au dos de la "céleste" Uranie, tableau allégorique de la même époque ? Afin de découvrir le secret lié à l'exemplaire des "Tarots dits de Mantegna" que lui a légué son oncle, le jeune Lucas Clément s'engage sur le chemin de l'Unique Vérité. Semé d'embûches, ce voyage le conduira, de Paris à Ferrare, de Lyon à Florence, aux sources de l'Humanisme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2008
Nombre de lectures 258
EAN13 9782336284026
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296056275
EAN : 9782296056275
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Ouvrages déjà parus : Dedicace I Melanosis Conjonction II Leukosis Ablution III Xanthosis Rubification IV Iosis Fermentation POSTFACE BIBLIOGRAPHIE Roman historique - Collection dirigée par Maguy Albet
Le temps d'Uranie

Chloé Dubreuil
Ouvrages déjà parus :
Vertige d ’ un ailleurs Editions du Mot Passant 1998 Roman L’Amant-Songe Le « A » Martin Editions 2000 Nouvelles Toiles...Emoi Editions Au Même Titre 2002 Monographie Le goût des choses H.B Editions 2005 Roman
www.chloe-dubreuil.com
A toi... Parce que ce livre est aussi un peu le tien
Le départ Ferrare, avril 1497 Jour 1

A l’intérieur de l’atelier, les chandelles auraient bientôt fini de se consumer. Une lueur bistre jouait au clair-obscur avec les tableaux en cours d’exécution, esquisses de portraits pour la plupart ou peintures mêlant savamment sujets religieux et mythologiques. Un courant d’air frais s’insinua dans la salle depuis l’une des portes entrouvertes, celle qui donnait dans la cour, mais l’unique personnage présent en ces lieux ne sembla pas s’en préoccuper. Il se tenait immobile devant un tableau qui ce soir même ne lui appartiendrait plus.
Difficile de cerner les émotions qui l’animaient, ses traits s’accommodaient de la pénombre : une pointe d’impatience au vu des regards furtifs qu’il lançait de temps à autre en direction de la porte. Et sans doute du contentement. Dehors, le ciel brouillé laissait percevoir des sons désaccordés ; l’homme ne s’en souciait pas. Il caressa d’un doigt barbouillé de pigments céladon sa barbe naissante. Il était jeune, une virilité à peine entamée. Il était de ces artistes dont le talent aurait pu s’avérer prometteur s’il n’avait préféré créer dans l’ombre, disciple du maître à présent disparu, et demeurer ainsi un anonyme parmi les plus reconnus.
Un bruit de pas atténué par le sifflotis de la pluie sur le pavement de la cour se fit entendre, interrompant aussitôt la contemplation du peintre. Il redressa la tête. L’individu qui venait d’entrer dans l’atelier et de refermer doucement derrière lui la lourde porte de chêne présentait une figure âpre et contractée qui accentuait les rides profondes qu’il avait au creux des joues. De l’eau gouttait de sa toque sur son pourpoint droit et gris. D’un geste vif, il ôta ses gants et son chapeau de velours. La pluie l’avait surpris en chemin, indiqua-t-il en introduction avant de traverser la salle à grands pas et de venir se figer devant le tableau.
Le nouvel arrivant présenta délicatement à son vis-à-vis la sacoche de cuir qu’il tenait jusqu’alors en bandoulière Des relents d’humidité occultèrent provisoirement les senteurs de cire et d’huile de lin, pourtant si prégnantes. Le jeune peintre n’avait encore prononcé aucun mot, il attendait. Il tenait maintenant contre lui la sacoche au travers de laquelle il éprouvait la rigidité du parchemin. Il attendait.
Son visiteur aurait besoin de davantage de lumière. La voix flotta un instant sur une note unique.
Sur un hochement du chef le peintre s’exécuta, alluma d’autres
chandelles. Il ne s’était pas séparé du paquet, tenu fermement sous son bras.
Le visage de l’homme s’éclaira.
- Parfait, murmura-t-il enfin.
Sourire du peintre qui tapota du doigt le sac de cuir.
- Vous n’avez pas changé d’avis ?
- Non, faites, tout est prêt, je partirai à l’aube.
L’artiste opina de la tête, il n’en avait plus pour longtemps. Dans l’âtre d’une imposante cheminée de pierre, un petit fourneau était installé. Une fois le feu lancé, le jeune homme récupéra sur l’établi où s’exposait pêle-mêle une vision hétéroclite d’outils, de récipients et d’instruments de peinture, la préparation d’os broyés qui allait lui servir à coller le double panneau de bois qu’il avait aménagé comme demandé. Prestement, il la mit à chauffer.
Tout en se dirigeant ensuite vers le dos du tableau, l’artiste sortit doucement le recueil de sa protection. Une fois la colle prête à l’emploi, ses mains oeuvrèrent diligemment.
Couverte en partie par les clameurs de la pluie, la voix de son visiteur s’éleva à nouveau, par saccades, un brin déclamatoire.
- Cet exemplaire est si particulier...
L’exaltation de l’homme s’inscrivit dans son regard : une pellicule moirée couvrit momentanément le reflet sombre de ses yeux.
- ...En le plaçant sous les auspices de la « céleste » Muse, le Livre saura assurément déjouer les aléas de l’Histoire.
Le jeune peintre écoutait son visiteur d’une oreille distraite, rivé à sa tâche. Celui-ci prêchait un convaincu. Sa confiance en les esprits dogmatiques était des plus ténue. Comment auraient-ils été capable de retrouver la Parole Perdue ? !
Et l’homme de poursuivre :
- Florence vit dans la crainte, les inquiétudes de notre ami sont les miennes ; son apologie n’aura eu aucun effet...
Les derniers mots se délitèrent dans la nuit, silence. Le Livre venait de se fondre à la peinture, le Livre avait été happé par la peinture. Au loin, les cloches du duomo sonnèrent la demie de une heure. Le passage de cavaliers dans la ruelle contiguë souligna encore un instant l’impression d’un temps suspendu.
L’artiste reposa la coupelle à terre, sur les tomettes.
- Camerino et Ferrare ne sont pas Florence, souligna-t-il avec désinvolture avant d’examiner de nouveau avec satisfaction son travail.
Il ne saisissait pas vraiment les desseins de son visiteur, mais au fond ces derniers ne le concernaient pas. Le jeu avait essaimé dans de nombreuses régions, les valeurs qu’il portait en lui ne se perdraient pas. Néanmoins... Se pouvait-il qu’au crépuscule de sa vie, l’homme jugeât faire don d’une part de lui-même en agissant de la sorte ?
- A toi qui le trouveras, qu’il soit ton guide et ton destin ; le Grand Œuvre est en son sein.
Son visiteur s’était exprimé d’une voix si basse, pour quel dieu cette prière...
Dehors, la pluie s’était enfin arrêtée. Encore quelques instants et il serait temps pour chacun d’aller où son zèle ardent le mènerait.
Ainsi avait-il été au commencement.
Il est un livre muet, un mutus liber, qui se veut la vision artistique de la pensée humaniste du Quattrocento. Ce livre muet représente une suite d’estampes : les Tarots dits de Mantegna.
Regarde, écoute et comprends.
Voilà que se dessine une analogie de l’esprit avec l’univers, que transparaît l’idée que la vie supérieure s’obtient par la recherche de la connaissance. Mais quelle est la voie à suivre ? Quelle est cette voie initiatique, ce chemin de l’Unique Vérité qui invite à la descente en soi-même et à l’approfondissement de la nature humaine ? ...
Regarde, écoute et comprends.
En parallèle s’esquive une symbolique alchimique. Cachées dans l’ombre, tout est dit. Toutes ces choses cachées dans l’ombre et que les yeux de l’individu ordinaire ne voient pas.
Regarder de l’autre côté du miroir.
Ecouter le long rugissement de la vie éternelle.
Comprendre l’homme envisagé comme un monde en miniature.
I Melanosis Conjonction
« Ce n’est pas le fait de naître qui est la vie, mais la conscience. »
Hermès Trismégiste
Paris, octobre 2007

Lucas Clément s’engage à petits pas rue de Rivoli. En cette fin d’après-midi, le trafic n’est guère plus dense qu’à l’ordinaire. Les gaz d’échappement des véhicules pourraient empester l’air si un léger vent d’ouest n’atténuait leur importance. Un vélo le double, qui n’aurait rien à faire sur le trottoir. Le tumulte est tel que le jeune homme a du mal à s’entendre compter. Mille cent deux, mille cent un... Pas cadencés, ni rapides, ni lents, Lucas avance concentré pour ne pas perdre le rythme, pour que les coïncidences numériques entre l’aller et le retour soient de l’ordre du lieu commun. Il n’est pas rare lors de ses déambulations qu’il compte de la sorte. Lucas se plaît à flotter ainsi hors de lui-même le temps de se rendre d

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