Picardie, Les Histoires extraordinaires de mon grand-père
108 pages
Français

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Picardie, Les Histoires extraordinaires de mon grand-père , livre ebook

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Description

Picardie, Les Histoires extraordinaires de mon grand-père - Rares sont les ouvrages qui vont chercher ce qui se cache derrière cette terre de cartes postales. Or cette vieille province de Picardie possède bien d’'autres trésors, bien d’'autres richesses, un patrimoine oral particulièrement original et varié, transmis de génération en génération depuis ces temps que l’'on dit "immémoriaux". Ce sont ces histoires, à faire sourire, à faire peur, à faire rêver… que nous racontaient nos grands-pères et leurs pères avant eux.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 décembre 2012
Nombre de lectures 868
EAN13 9782365729758
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La nuit des écrevisses
Depuis des semaines, déjà, Michel Dullin et les siens se montraient incapables de parler d’autre chose que de « pattes rouges ».

– Quand je vois ce que ces petites bêtes sont capables de faire faire à de grosses bêtes comme vous, je me dis que la force n’a rien à voir avec la taille, bande de nigauds, disait Grand-père à l’un de ses fils qui était chaque année de la partie.

Lentement, l’hiver délaissait chaque jour un peu plus les plaines picardes. Des brumes épaisses attestaient du chamboulement des températures. Le thermomètre commençait à afficher d’étonnants écarts. Et chacun de le rappeler : quand il fait doux à la Saint-Patrice, de leur trou sortent les écrevisses.
Ils étaient plusieurs à rivaliser avec Michel en matière de crustacés d’eau douce. Le homard de rivière , comme le nommaient autrefois, dans leur patois, les gens d’ici, formait à lui seul le climax gastronomique de l’année. Les plaisirs de la table succédaient aux joies immenses de la pêche, auxquelles les dangers du braconnage ajoutaient une savoureuse pincée de condiments.

– On va bientôt y aller, annonça Michel au café.

Il n’était nul besoin de préciser la destination ni le but. Cette phrase prononcée une fois par an, alors qu’on était accoudé à plusieurs au Café des Gleuderies, servait à elle seule d’invitation, de feuille de route et de promesse d’aventure.
Ceux qui n’y participeraient pas, reconnaissaient le signal de départ d’une folle équipée qu’ils se gardaient bien de trahir.
Michel avait beau s’interroger chaque année, à l’amorce de l’été : pourquoi autant d’excitation et d’étonnement ? Comment la perspective de rapporter chez soi un sac dégoulinant rempli de quelques kilogrammes d’écrevisses pouvait-elle susciter pareille fièvre ? Il restait sans réponse sur ce qui était finalement une passion d’autant plus vive qu’elle était sans raison.
Bien sûr, la vigilance supposée du garde-champêtre ne faisait qu’amplifier la délicieuse tension qui accompagnait les préparatifs. Mais quand venait la nuit fatidique, toute cette nervosité, cette formidable charge émotionnelle accumulée pendant des semaines retombait en un seul instant pour se muer en une adresse de bête sauvage, une connaissance intérieure sans faille des moindres gestes à effectuer pour capturer des pattes rouges par grosses. Que celles-ci soient justement interdites à la pêche ne changeait rien à la détermination de Michel. Comme tous ses compagnons de pêche, il fulminait contre les pouvoirs publics.

– Ils voudraient nous faire attraper des bestioles qui ne sont même pas d’ici : des américaines et des écrevisses de Louisiane et des Signal de Californie. Ils se moquent de nous ! Ils sont là pour nous défendre et nous aider à vivre ou pour nous enfoncer encore un peu plus ? Je demande !

Le ton pouvait monter en quelques instants et les poings se mettaient à frapper lourdement le formica du comptoir. Heureusement, il y a avait la bière Colvert pour faire retomber la colère et rappeler aux pêcheurs mal aimés que la vie par ici valait d’être vécue. Et cela malgré ces petites tracasseries réglementaires que l’on savait, au demeurant, fort bien contourner.

– Des règlements y en a toujours eu. Ça ne nous empêche pas de pêcher. S’il n’y en avait pas, p’têt bien que ça nous dirait moins, les pattes rouges.
– Faut qu’j’vous dise, mon Albertine a inventé une recette ex-tra-or-di-naire...
– Raconte-raconte !
– Les écrevisses au Champagne picard de Trélou. Une merveille ! Et pas besoin de les ébreuiller. Elle les fait cuire telle quelles.
– C’est pas le tout de berdeler : quand est-ce que tu nous invites ?
– Quand j’aurai rempli mon panier, gros nigaud, on ira festoyer insanne.
– C’est ça, on se fera une pérsoèe à tout casser !
– Avant ça, il faudra se méfier du gard’champêt qu’est rien qu’un horsain.

Lorsque les premières lueurs parurent du côté du Vermandois, Michel avait déjà rempli un gros sac de jute. « On fait un massacre, cette année », disaient ses compagnons de contrebande. Ils avaient entendu quelque part la toux nerveuse de Giraudeau, le garde-champêtre. Mais nul ne l’ayant aperçu, on pensait qu’il s’était trompé de chemin.
Giraudeau avait pris des photos infrarouges et détenait ainsi la pièce à conviction lui permettant de poursuivre les contrebandiers.
Étant donné que le Jean de Claire avait perdu son emploi, ils décidèrent de vendre le produit de leur pêche et de lui offrir la somme ainsi réunie. Ils ignoraient que Jean venait tout juste de se fiancer... à la fille du Garde-Champêtre. Et surtout, ce dernier ignorait que son futur gendre braconnait.

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