Prague Déviation
214 pages
Français

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Prague Déviation , livre ebook

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Description

La vie nous enferme parfois dans un petit monde. C'est ce qu'éprouvent Dan et Marek. A l'étroit dans leur banlieue, ils rêvent de prendre la route sans regarder en arrière, et de découvrir notre planète autrement que devant leur écran de télé. Après quelques trafics afin de renflouer leurs économies, ils décident de partir. Leur périple à travers la Hongrie et la République tchèque s'enrichit de rencontres pleines de fraternité, comme à Prague, avec les musiciens tsiganes, Mikhaïl, Andrei et Nicolae. Leur voyage transforme ces deux gamins paumés en hommes prêts à faire face à leur avenir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 327
EAN13 9782296246621
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Prague Déviation
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10880-6
EAN : 9782296108806

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Bruno Lonchampt


Prague Déviation


roman


L’Harmattan
À Adama
Chapitre I Là-bas, peut-être…
J e regardais la carte du monde sur un vieil atlas plastifié, lorsque je ressentis pour la première fois ce besoin. Pas une envie, ouais, un besoin, un besoin primaire d’aller voir plus loin ce qui peut se passer sur cette terre. Comme une soif de connaissance, et le monde serait mon professeur. Le seul, l’unique qui t’apprend la pratique, et pas la théorie. En cours principal, je choisirais : « comment vivre la vie ? »
Je commençai à parcourir l’Europe, le doigt posé sur la carte. Je m’imaginais dans les rues de Budapest, de Sofia ou de Naples. De vieux mafieux siciliens jouaient aux cartes à la terrasse des bistrots alors que, plus loin à l’est, de pauvres carrioles roumaines avançaient péniblement sur des routes enneigées. Des odeurs d’épices envahissaient mes narines, les senteurs du jasmin se mêlaient à celles de la fleur d’oranger. Des violons tsiganes donnaient la mesure aux tam-tams africains. Je dansais le mapouka dans la chaleur étouffante d’une case ivoirienne, la seconde d’après la salsa, sur une plage de Cuba. Emporté par le courant, j’accostai à Porto, écouter dans un troquet une chanteuse de fado. Sa voie mélancolique se dissipa laissant sa place aux chants du griot. Transporté en terre noire, je partais de nouveau. Je me perdais en pleine brousse, la peau brûlée par le soleil et retrouvais mon chemin, sous l’air glacial des steppes de Sibérie. Puis le vent me souffla jusqu’au grand fleuve de Hongrie. Au moment où je traversais le Danube embarqué sur un radeau cahotant, une grosse claque sur mon épaule m’éjecta de mes rêves.
Mes fesses n’étaient pas sur un bateau mais enfoncées dans un vieux canapé en cuir, au milieu du salon d’un petit appart de Belleville. Elles avaient l’habitude de cette place vu que Zako, le propriétaire des lieux, m’invitait souvent à boire et à manger l’alcool et la bouffe que j’apportais.
Ce soir-là, Marek, un autre abonné du squat, avait préparé un goulasch, une sorte de ragoût de bœuf slave, bien arrosé de slivo, un alcool tchèque ramené du village natal de son père. Et lorsqu’il s’assit à côté de moi, me tendant une assiette et frappant une seconde fois ma pauvre épaule, je sus qui serait mon partenaire de voyage.
Ce grand brun à la perpétuelle barbe de quinze jours était bohème jusqu’à l’os. Le genre qui s’en fiche de dormir par terre, de se laver à l’eau froide, de chier à la turque et de se torcher avec les feuilles d’un buisson. Je pouvais lire la franchise dans ses yeux noirs presque bridés. En fait, physiquement il n’avait rien d’un Tchèque. Il tenait plus de sa mère, une Alsacienne qui, par son teint halé et ses cheveux noirs de jais, faisait plutôt penser à une Juive séfarade. Il avait une vingtaine d’années à l’époque et la tronche déjà marquée par la vie. Une balafre sur sa joue gauche prévenait les inconnus de ne pas trop lui chercher d’ennuis. Sa sensibilité, il la cachait dans ses manières de bourrin, et moi, je savais que ce mec-là, il en valait plus d’un. C’était un artiste, vous l’avez compris, pas un de ces snobs obnubilés par la mondanité. Il gravait des plaques de bois pour ensuite les imprimer. Son travail était aussi fin et minutieux que ses mains étaient grosses et brutales. Il touchait à tout ce qui pouvait l’intéresser, il forgeait des couteaux, préparait des enduits et, au final, il partait dans tous les sens.
Tout en extirpant un morceau de viande bien juteux de mon assiette, je lui montrai la carte.
Je veux voir tout ça Marek ! L’Europe de l’Est, l’Asie… J’ai l’impression d’être un ignorant mon pote, là, à rester toujours au même endroit et à regarder le monde à la télé.
T’as raison Dan, moi, j’me sens comme un poisson dans un bocal à Paname.
Faut qu’on l’fasse mec, faut pas qu’ça reste des belles paroles ou des rêves foireux ! C’est faisable bordel, tu pourrais vendre tes gravures et tes couteaux sur la route et moi avec ma guitare je jouerais dans les bars, dans la rue, n’importe où. On se démerde à Paris alors pourquoi pas ailleurs ?
Si t’es partant, j’suis du voyage Dan ! Avec Eurolines, pour trois cents euros, t’as des pass qui te permettent d’aller partout en Europe, jusqu’en Turquie. Regarde, on va d’abord en Hongrie, on remonte en Tchèco. Faut que je te montre mon bled quand même ! Après on file vers la Roumanie, on prend l’bateau direction la Turquie et la route elle s’arrête pas, si on veut y a l’Kazakhstan, l’Inde, la Chine…
Merde ! Cet enfoiré était excité comme un puceau à une élection Miss Camping. Il me regardait avec des yeux brillants, tout en gesticulant dans tous les sens afin de m’expliquer quelles étapes étaient selon lui les plus judicieuses, à quelles dates nous ferions mieux de partir ou comment préparer et organiser notre voyage. On aurait dit un marchand de foire en pleine démo, et moi je l’écoutais en buvant ses paroles, aussi chaud qu’une bouilloire oubliée sur le feu.
Même si tout est moins cher ailleurs qu’à Paris, on s’aperçut vite au fil de la discussion que le nerf de la guerre serait l’argent. On disposait d’à peine mille euros à nous deux et le fameux pass Eurolines acheté, il ne resterait plus grand-chose. Marek décida de se mettre à la vente de petites savonnettes marron et, de mon côté, j’envisageai de vendre sur le net toutes mes richesses matérielles qui n’auraient pas d’utilité dans le voyage.
En deux semaines, je réussis à fourguer mon téléphone portable, ma chaîne hi-fi et même mon vieux canapé en skaï avec mention « cuir de buffle véritable ». Marek, lui, avait percé dans le domaine du commerce de produits de loisir, et avait amassé mille cinq cents euros sur la même période, tout en gardant une savonnette pour l’exportation en Europe de l’Est. Mes ventes avaient été moins lucratives, mais je bénéficiais quand même de six cents euros supplémentaires bien calés au fond de mes poches. Il ne restait de ma chambre d’ado qu’un bureau, une chaise et une commode achetés en solde à un milliardaire suédois, dont personne n’aurait voulu.
Le son de ma guitare résonnait à l’intérieur de ces quelques mètres carrés comme dans une cathédrale, et ce grand vide me mettait mal à l’aise. J’étais plus chez moi, plus rien ne me retenait, j’avais cassé ma laisse d’un seul mouvement en vendant ces breloques.
Il me restait plus qu’à attendre que Marek pose ses pompes sur les starting-blocks ; les miennes y étaient déjà calées depuis un bail, et l’asphalte commençait à me faire mal au genou. J’avais justement rendez-vous avec lui et quelques potes le lendemain soir, j’allais bien voir si sa motivation dirigeait toujours une armée de fourmis dans ses jambes.
Nous nous retrouvions souvent entre potes au quartier de la Butte aux cailles, dans le sud de Paris. La vie nous avait éparpillés aux quatre coins de la banlieue, et ce petit bout de Paname était devenu rapidement notre point de ralliement. J’appréciais beaucoup le côté village de la Butte, ses immeubles peu élevés, à l’ancienne, ses troquets festifs aux ambiances décontractées et surtout son petit parc au fond d’une ruelle, que nous squattions chaque soir après avoir escaladé sa clôture en métal vert criard.
Ce soir-là, l’équipe habituelle était au complet, assise sur un banc du square, entre cannettes de bière, gros joints de shit et conneries en tout genre. Youssef, dit Nounours, à cause de sa carrure impressionnante, contrastant avec sa tête de gentille peluche, racontait ses exploits imaginaires de la veille à Flavio, alias Le Rital. On le surnommait ainsi parce qu’il le revendiquait comme personne. Ce Sicilien représentait son île, autant par ses manières latines et machos que par son look « rital », de sa tête gominée à ses pieds chaussés San Marina.
Je connaissais ces lascars depuis le collège et, en dix ans, personne n’avait beaucoup évolué. Nous vivotions tous, à la manière de petits oiseaux insouciants, entre petits boulots et grosses bringues.
Marek et moi parlions de notre projet, toujours aussi motivés, lorsque Nounours s’immisça dans la conversation.
Oh ! Vous allez vraiment l’faire, sans déconner ? J’vous savais barrés dans vos crânes mais à ce point-là ! Moi, j’suis sûr qu’j’vais vous voir revenir dans un mois, la queue en berne, sans une thune ! Oubliez-moi d’office pour le mand

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