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150 pages
Français

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Description

Une écriture hardie qui croise érudition, érotisme et humour, le récit ricoche entre profondeurs sombres et lumière irisée. Une femme, d'abandons en renaissance, s'ouvre à la littérature et la vie. Fragments erratiques, son temps comme son corps sont la proie des autres jusqu'au "redémarrage" qui la fait advenir auteure de sa propre existence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 286
EAN13 9782296688773
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris


http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10530-0
EAN : 9782296105300

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
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Du même auteur


Poèmes & Slam, L’Harmattan, 2007
Caroline Barbier-Beltz


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Collection « Écritures »
dirigée par Daniel Cohen


L’H armattan
À Bernard Lamarche-Vadel
L a souris s’aventure brusquement sur le sable jusqu’à la limite de l’eau, bondit dans le ciel ; immobile ; puis s’enfonce à nouveau dans l’ombre des cocotiers.
Démarrer. Arrêter.
Je regrette chaque jour sans faille l’achat de cette nouvelle machine. J’ai faim ou un peu froid. Je sais que le choix de travailler à la maison est une erreur. C’est une liberté de souris.
Vous pouvez maintenant arrêter votre ordinateur en toute sécurité.
L’annonce passe sur l’écran à la limite de la préhension rétinienne inutile puisque l’arrêt de cette génération d’ordinateurs s’est affranchi de toute manipulation.
Autrefois, il y a presque un mois, le message chaleureux s’invitait calmement. Plus qu’un avis, au-delà du compliment ; une bénédiction.
Je pressais amplement le commutateur de la tour ; une sorte de pont-levis ; en toute sécurité.

La nuit vient d’enjamber le jour et cette heure toujours sombre ne m’est pas malveillante.

J’ai un peu faim et froid.
Je passe devant la grande cage vide du perroquet.

Le vétérinaire avait engouffré ses doutes, quelques gestes inutiles et toute son impuissance dans cette mort qui s’avançait sans raison. Le stress ; une peur déstructurante jusqu’au néant lui semblait la seule explication. En était-ce bien une ?
Car plus présente que mon oiseau bavard et tendre, bien plus présente, cette cause qui avait tué Jeudi rôdait hors d’atteinte.

Je fais chauffer du lait et je prépare mon chocolat à petits gestes soigneux.
Demain je répondrai au courrier de ce Monsieur Félix Arnaudet. Il semble que ce puisse être une proposition intéressante.
Je redoute l’escalier. J’aurais préféré une maison de plain-pied. Je passe devant la chambre de Christophe.
Je ne sais plus si c’est lui ou moi qui retarde toujours la défragmentation.
E n captivité, le perroquet gris du Gabon a une espérance de vie de soixante-dix ans. Le cheval trente, le chien quinze. Ceci revient à dire que l’adoption d’un perroquet pose d’emblée le problème de votre propre mort.
Je n’avais donc jamais envisagé la mort de Jeudi. Dans son œil gris, dans sa mémoire claire, j’avais capitalisé quelques intérêts plus que je ne contemplais mon au-delà. Cet espoir menu, ce petit recel de moi-même n’avait aucun relais.
Le regard brouillé de Christophe communique probablement avec un cerveau dont l’état de son sac de sport me paraît la métaphore la plus juste.
Non c’est faux.
Je n’ai jamais, fut-ce un instant, préféré un perroquet à mon fils.

La mort est une grande croqueuse de bourgeons.
Et nous étions ensemble dans ce cortège qui allait de l’église, où tous entrèrent pour la première fois, au cimetière où tous pleuraient pour la première fois deux enfants morts un samedi sur la route du bal des anges aux ailes de bois.
Madame,
J’ai jeté dans cet apprentissage des fonctions du courrier électronique mes dernières forces informatiques. C’est pourquoi je viens vers vous par ce moyen solliciter votre aide. C’est cet excellent Martineau, un vieux camarade, qui m’a recommandé vos services. Voici l’objet : un long compagnonnage m’attache à notre grand Péguy dont, tout au long de ma vie, j’ai immodérément médité et modestement commenté l’œuvre. Me voici au soir, tard, faisant mes affaires et désireux de mettre de l’ordre dans ces notes. Pensez-vous avoir du goût pour cette toilette d’un mort encore sur pied ? Je vous offre, Madame, l’expression de mes sentiments respectueux.
Félix Arnaudet
L a durée de vie moyenne ou ce qu’il convient plutôt d’appeler, à partir des tables du moment, l’espérance de vie, soit à la naissance, soit à tout autre âge, est le nombre d’années de vie qui resterait à chacun des survivants si le nombre des années qu’ils ont encore à vivre à eux tous était également partagé entre eux ; ou encore, ce qui revient au même, la durée moyenne obtenue en répartissant également entre les survivants du même âge le nombre total des années qu’ils ont à vivre à eux tous » (Démographie, Encyclopædia Universalis)
Je dois convenir à regret que eux tous excluent les perroquets, bien que, mathématiquement, une année de perroquet, voire même une année de ver de terre, soit exactement égale à celle de Monsieur Félix Arnaudet.
Quel âge peut-il avoir ? Soixante-dix ? Plus de soixante-seize ans ? Et comment représenter ce porte-à-faux au-dessus de la mort ? Plus que l’espérance. Au-delà de cette limite, à qui profitent ces années ? à qui sont-elles prises ?
Monsieur,
Je vous remercie de votre confiance et accepte avec joie de collaborer à votre projet. Bien que ma qualification ne soit pas exactement celle d’une documentaliste, je crois cependant pouvoir vous être utile par une bonne connaissance des logiciels d’édition associée à une formation littéraire dont Monsieur Martineau vous aura parlé.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes meilleures salutations.
Catherine Duffour
À l’homme et à la femme liés par la harde, le Sei gneur dit : Et le chien, votre compagnon, je le retirerai de parmi vous, pilonnant votre vie avec ses morts. Je multiplierai par sept les souffrances du deuil jusqu’à ce que vous retourniez au sol ».

Verset apocryphe de la Genèse de mon cru.
L a robe de chambre baveuse, le cheveu autonome, j’avance au ras du sol.
Chaque jour que j’extrais de la tourbe des matins me coûte un travail harassant. Une fois sec, le temps devient plus léger et vers cinq heures, je peux même, assez souvent, me sentir confortablement installée dans ma peau.
Péguy, Claudel, je dois confondre les calottes et les képis.
Je vais chercher Péguy Charles.

Qu’il est étrange le pouvoir d’un cœur pur ! Comme il semble complexe !

« Engagé volontaire lors de la première guerre mondiale, le lieutenant Péguy mourut héroïquement la veille de la bataille de la Marne à la tête de sa compagnie, debout face à l’ennemi, frappé d’une balle en plein front. » ( www.eleves.ens.fr .)
Exactement comme Jeanne d’Arc.
L a couverture d’un recueil Poésie/Gallimard montre un visage magnifique. Le cadrage raccourcit le front trop haut (j’ai vu cette photo sur l’écran tout à l’heure) et concentre le regard.
La cible de la mort disparaît au profit des yeux relevés ; non pas extatiques, tendus et tournés vers l’intérieur.

J’ai fait une petite botte, comme de l’herbe à lapin, de notes biographiques et de textes. J’ai fourré quelques sites dans mes favoris.

En vrac, ça parle de bergères, de baisers sur le front des dimanches, d’un bûcheron rudement bon, des guirlandes de la procession, du double recrutement des saints et de la Lorraine.
Ça s’enfourche sans manière et ça avance tout seul. On se retrouve plus loin qu’on aurait voulu.
Ou lala.
M ars saute à cloche-pied dans ses déguisements de princesse.

Le scooter de Christophe est en panne. Les allersretours en 4 L cabossent son image ; la mienne est une épave. Il exige que je le dépose très loin du lycée, me donne des rendez-vous secrets ; mais la ville a des yeux partout et il est malheureux.

Je prends dix ans à Claudel, je les donne à Péguy. Dix ans de trop, à coup sûr, pour ce vieux croûton emphatique. Dix ans pour connaître son petit Charles Pierre, le fils posthume.
S’il est douloureux ou scandaleux que des parents survivent à leurs enfants, il est troublant qu’ils ne se croisent pas. Rupture du temps, désincarnation dangereuse du lignage.
Dans les chaudrons fumants de la génétique dorment des millions d’enfants posthumes.

J’

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