Un enfant sous les armes
102 pages
Français

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Un enfant sous les armes , livre ebook

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102 pages
Français

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Description

Un enfant sous les armes est un témoignage poignant d'un enfant victime de la guerre qui présente crûment "les réalités que des centaines d'enfant comme lui vivent au Congo". Il tentera de gagner la confiance de ses chefs, mais il deviendra au fil du temps un "être sans âme, un vampire impitoyable, une machine à massacrer".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 39
EAN13 9782296715813
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un enfant sous les armes
 
et autres nouvelles
 
Écrire l’Afrique
Collection dirigée par Denis Pryen
 
 
Dernières parutions
 
Bernard N'KALOULOU, La Ronde des polygames , 2010.
Réjean CÔTE, La réconciliation des mondes, A la source du Nil, 2010.
Thomas TCHATCHOUA, Voyage au pays de l'horreur, 2010.
Eric-Christian MOTA, Une Afrique entre parenthèses. L'impasse Saint-Bernard (théâtre), 2010.
Mamady KOULIBALY, Mystère Sankolo , 2010.
Maxime YANTEKWA, Survivre avec des bourreaux , 2010.
Aboubacar Eros SISSOKO, Moriba-Yassa. Une incroyable histoire d'amour , 2010.
Naïma BOUDA et Eric ROZET, Impressions et paroles d'Afriques.
Le regard des Africains sur leur diaspora , 2010.
Félix GNAYORO GRAH, Une main divine sur mon épaule , 2010.
Philippe HEMERY, Cinquante ans d'amour de l'Afrique (19552005) , 2010.
Narcisse Tiburce ATSAIN, Le triomphe des sans voix , 2010.
Hygin Didace AMBOULOU, Nostalgite. Roman , 2010.
Mame Pierre KAMARA, Le festival des humeurs , 2010.
Alex ONDO ELLA, Hawa... ou l'Afrique au quotidien , 2010.
Arthur SCAMARI, Chroniques d’un pays improbable , 2010.
Gilbert GBESSAYA, Voyage dans la société de Bougeotte, 2010.
Gaston LOTITO, Ciels brûlants. Sahel – 1985 , 2010.
Marouf Moudachirou, Une si éprouvante marche. Récit , 2010.
Appolinaire ONANA AMBASSA, Les exilés de Miang-Bitola, 2010.
Juliana DIALLO, Entrée dans la tribu , 2010.
Abdoul Goudoussi DIALLO, Un Africain en Corée du Nord , 2010.
Gabriel NGANGA NSEKA, Douna LOUP, Mopaya. Récit d'une traversée du Congo à la Suisse , 2010.
Ilunga MVIDIA, Chants de libération. Poèmes , 2010.
Anne PIETTE, La septième vague , 2010.
 
 
Moussa RAMDE
 
 
Un enfant sous les armes
 
et autres nouvelles
 
 
 
 
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@w.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-13822-3
EAN: 9782296138223
 
Un enfant sous les armes
 
Je suis soldat. Je suis né soldat. Je vis dans la guerre. J’ai grandi dans la guerre. Je suis dans la guerre. Je me nourris de la guerre. Ne cherchez pas à savoir pourquoi je suis devenu soldat. Tout comme on ne demande pas à l’enfant d’un forgeron pourquoi il est forgeron, n’attendez pas que je vous dise pourquoi je suis soldat. Lorsque j’ouvrais les yeux pour la première fois dans ce monde, je n’ai vu que des hommes en tenue, armés. Les tous premiers bruits qui me sont parvenus ont été le crépitement des armes, la déflagration des obus. La première bouffée d’air que j’ai avalée a été la fumée des canons. La première rivière que j’ai traversée a été une mare de sang, le seul et unique métier que j’ai appris, c’est appuyer sur la gâchette…
 
Quand, pour la première fois, j’ai demandé à ma mère qui était mon père, j’ai vu ses yeux saigner abondamment, son corps trembloter et sa bouche remuer, incapable d’articuler le moindre nom. J’ai tout de suite compris… Je lui ai présenté mes excuses. D’ailleurs, elle n’avait pas à s’imposer une gêne… La vérité, je la sais… Mon père, c’est ce morphinomane là-bas qui se balade, la kalachnikov en main, ou peut-être ce soldat, de ce coté là, qui lutine cette fillette innocente à peine rentrée dans la puberté ou peut-être cet homme, encore plus loin, qui se noie dans l’alcool ou probablement ce mec qui se fume de l’autre coté, sous les arbres, avec son opium pour enrager ses nerfs… Non ! ... Mon père, c’est plutôt tous ces hommes en arme, qui viennent et qui repartent sans cesse.
 
Ma mère a été enlevée, comme d’autres femmes d’ailleurs, dans son jeune âge, au début de la mutinerie et faite prisonnière ou plutôt esclave sexuelle. Bonne à tout faire et femme de tous ces soldats dissidents du Congo, elle a vécu, au point de devenir apathique, toutes sortes de violence : Corvée, menace, bastonnade, torture, viol systématique, mutilation, humiliation …
 
Je gagnerai à me taire… Je refuse de me faire ridiculiser, de me faire insulter par des gens qui, devant leur belle progéniture de mon âge, me traiteront de sans père, de sauvage, de primitif, de raté, de salop, de vaurien… Et pourtant, il faut que j’en parle. Il faut que je vous dessille les yeux. Tant pis pour ceux qui refuseront de me pleurer, de plaindre notre sort, pour ceux qui me taxeront d’ignare, de sadique, de sacripant, de satanique, de débile… Et je sais qu’il n’en manquera jamais.
 
Moquez-vous aussi de la façon dont je m’exprime, de mon langage ! J’ai grandi loin de ces milieux où les enfants apprennent, avec une intelligence surprenante, à lire et à écrire à bas âge, loin des milieux intellectuels, le monde des idées et de la bonhomie. Ici, c’est plutôt la loi de la jungle, le langage des armes et rien d’autres. Dans notre monde, il est interdit de raisonner au risque de périr dans les peines, les ennuis, les remords… La compassion est une faiblesse, le sentimentalisme est un mal, la pitié est un crime, la morale n’existe pas. Les cerveaux, robotisés obéissent sans jamais poser de questions. C’est d’ailleurs la règle n°1. Ici, on donne des ordres, on obéit à des ordres, on exécute des ordres. Pas besoin de pérorer.
 
Quelle putain de vie ! Partager les nuits et les forêts avec les bêtes féroces ; se livrer bêtement à un tireur d’élite embusqué ; escalader les ravins abrupts avec, au dos, une bonne charge d’explosifs ; nager comme un lézard dans un fouillis de bois morts et d’épines qui vous éventrent à la seconde ; marcher en crabe au milieu des balles qui vous rédigent au passage votre certificat de décès ; se hâter follement vers la mort ; s’engouffrer dans un cul-de-sac où la camarde vous accueille à bras ouverts ; avaler à longueur de journée des odeurs fétides qui vous donnent des haut-le-cœur à n’en point finir… Tout cela demande qu’on oublie sa chair, son âme, son être, sa vie…
 
Toujours le même scénario, la même scène : Annonce subite d’une attaque imminente de l’ennemi. Rassemblement en diligence de tout le commandement. Mise en place d’un plan d’attaque et de contre-attaque. Mobilisation spontanée de troupe. Mise en alerte. Offensive !
 
Une rafale vous oblige à plonger à plat ventre, peu importe ce qui vous accueille par terre, et à ramper, l’oreille tendue, l’œil aux aguets, à la recherche d’une cachette. Une autre siffle furieusement, fauche l’herbe tout au tour, laboure le sol dans un grognement sourd. Un tonnerre de mortiers crachent un ouragan de feu blanchâtre qui ballait tout sur son passage. Un essaim de balles vous effleurent et vous rappellent que vos heures sont comptées à la seconde près. Un bataillon de blindés vous assaille, pilonne vos positions sans relâche et vous contraint à récapituler. Une mine vous envoie en l’air en explosant avant de vous éparpiller sur le sol comme des feuilles arrachées à un arbre par un cyclone. Un avion de chasse vous torpille jusqu’à votre dernier retranchement et vous réduit en patte de chair rouge,…
 
Je ne commettrai pas le crime de vous traîner jusque dans les profondeurs du champ de bataille ; là où les vies s’arrachent comme de vulgaires plumes fanées au son des crépitements des mitraillettes. Vos âmes fragiles ne peuvent pas vivre toutes les atrocités d’une guerre. Vos cœurs sensibles ne peuvent non plus supporter ni les lamentations et les supplications, ni les cris et les pleurs, encore moins les torrents de larmes des femmes et des enfants pris dans l’étau de l’enfer. Vous n’avez jamais bu du sang chaud ni mangé de la viande fraîche. La mort, vous ne l’avez jamais affrontée ni gouttée… Alors, acceptez que je vous épargne de nos réalités, les réalités que des centaines d’enfants comme moi vivent au Congo, les réalités que des milliers d’enfants enrôlés dans les guerres vivent à travers le continent, réalités vécues par

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