Un homme lucide
140 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Un homme lucide , livre ebook

-

140 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Si un matin vous vous réveilliez et que vous vous apperceviez que cela faisait quarante ans que vous dormiez ?ŠEt si vous découvriez que le monde, les hommes, vos proches n'étaient pas ce que vous pensiez ?ŠProfiteriez-vous de ce réveil brutal ou vous rendormiriez vous ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 64
EAN13 9782296714649
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UN HOMME LUCIDE
STEVE MOREAU


UN HOMME LUCIDE

roman


L’HARMATTAN
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13664-9
EAN : 9782296136649

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À Jean-Paul

et

à toutes les personnes qui œuvrent
pour rendre ce monde moins médiocre…
1
Un rayon se fraya un chemin jusqu’à mon visage et me sortit du sommeil : la lumière filtrait à travers mes paupières. J’ouvris un œil. C’était le matin. La petite lumière bleue de l’écran à cristaux liquides de mon réveil digital indiquait qu’il était huit heures. Le temps d’un clignement de paupière, elle passa à huit heures une.
Je m’arrachai à mes brumes, les yeux encore mi-clos. Je m’assis sur le bord du lit afin de préparer mon esprit à cette nouvelle journée, coupant ainsi avec les rêves de la nuit. Pendant une minute, je restai fixe à contempler le rayon de soleil qui pénétrait peu à peu dans la pièce, faisant briller en moi toute la splendeur de l’hiver. Puis, dos au sol sur un petit tapis, je commençai mes exercices de gymnastique. J’aimais bien chauffer mon corps et le préparer à attaquer une bonne journée. Une fois les articulations souples, je sautai sous la douche et chantonnai comme chaque matin The most beautiful girl in the world qui me mettait de bonne humeur. Sinatra n’avait qu’à bien se tenir.

Depuis ma naissance, j’avais ce qu’on appelle une bonne nature. C’était ma mère qui aimait employer ces mots pour me décrire. Comme un menu de DVD, elle répétait en boucle que je rendais la vie plus belle par ma joie de vivre. Jamais de pleurs, de caprice, de crise qu’exprime la majorité des enfants. Mon existence de petit bonhomme glissait comme une rivière le long d’une prairie, paisiblement. Quoiqu’il arrivât, je trouvais la vie agréable et je dois dire avec toute honnêteté qu’elle était jusqu’à présent formidable : ma femme, Marie, était une épouse aimante ; des projets d’enfants se profilaient à l’horizon ; je possédais une santé de fer ; des parents exemplaires ; des beaux-parents attentionnés ; des biens matériels en suffisance ; des amis chaleureux ; mon métier d’écrivain me permettait de m’accomplir pleinement professionnellement. Et, pour couronner le tout, mes rapports avec mon éditeur étaient excellents. Chose assez rare, nous avions trouvé un équilibre entre le niveau de l’écriture et celui des ventes.

Une fois le petit-déjeuner avalé et la matinale de France-Inter éteinte, je m’installai devant mon ordinateur afin de poursuivre l’écriture de mon dixième roman. Et oui, dix romans ! Moi-même je n’en revenais pas d’avoir réussi à coucher sur le papier autant de mots et de phrases dans une période aussi courte. Une boulimie d’écriture s’était emparée de mon être, d’un coup, suite à un échec.
Depuis enfant, je rêvais d’enregistrer un disque. Dix morceaux composés et chantés par une vedette de l’époque et accompagnés par moi au piano. C’était mon challenge. Un pari que je m’étais fixé depuis mes premiers cours. Mais pour des raisons de planning de ladite vedette et de complète insatisfaction de la part du producteur sur les textes, l’enregistrement du disque fut annulé à la dernière minute. Un an de ma vie partait en fumée, le temps d’un claquement de doigts. Ecœuré, effondré, déprimé, je ne savais plus dans quelle direction aller. Le vent avait tourné sans que je le sente venir. J’étais un voilier sans gouvernail.
Un jour, le temps d’un verre avec un ami, celui-ci m’expliqua que la principale raison de mon échec était due au fait que je devais écrire des textes. mes textes. Que je m’affronte dans l’écriture. Que les capacités étaient là, dans mes entrailles et qu’elles ne demandaient qu’une seule chose : sortir. Mais il y avait un problème. Je détestais écrire. Je m’imaginais sans aucun talent dans ce domaine et surtout je pensais n’avoir rien à dire. J’étais un artiste sans souffrance, sans faille, sans déchirure intérieure comme la majorité des grands compositeurs. Mais mon ami me demanda de ne pas en tenir compte et d’au moins essayer. juste essayer. De me laisser guider par ma petite voix intérieure et de ne rien faire pour lutter contre cela. Ainsi, j’étais rentré chez moi, en marchant, réfléchissant à cette conversation. J’essayais de comprendre pourquoi, me dirigeant vers le nord, la vie me poussait vers le sud. Jamais on ne m’avait dit que j’avais des talents d’écriture, sauf lui. Pourquoi aurait-il raison ?
Le lendemain je me mis au travail, sans réfléchir à l’entreprise que j’entreprenais ce jour-là. Mécaniquement, je jetai des mots sur le papier. J’étais persuadé que dans quelques heures j’en aurais terminé et que plus jamais je n’en entendrais parler. Que je pourrais mettre une nouvelle croix sur le tableau de mes échecs. Et finalement, un mois plus tard ce n’était pas d’un album de chanson que j’avais accouché mais d’un roman, puis deux, puis trois, etc. Voilà comment on en arrive à dix. Mais c’était essentiellement ces dernières années que je n’avais pas chômé.

J’étais pratiquement arrivé à la moitié de mon nouveau manuscrit et cela se passait, comme toujours, fort bien. Jamais une panne d’inspiration n’était venue interrompre ma créativité. Entre deux gorgées de café bien chaudes, les pages blanches de mon fichier Word se noircissaient comme des vagues venant s’abattre en rythme sur la plage. À présent, j’adorais l’écriture. Et elle m’avait sauvé de la noyade de l’échec. C’était le fait de raconter des histoires qui me passionnait, surtout des histoires d’amour. Il est vrai qu’une histoire d’amour ne présente pas beaucoup d’intérêt mais ce qui est passionnant, c’est une histoire qui interroge l’amour. De toute manière, je n’avais pas le talent pour écrire de la grande littérature et ce n’était pas bien grave à mes yeux. On fait avec ce que l’on a et avec ce que l’on est, me répétais-je régulièrement. Evidemment, la presse littéraire se déchaînait contre moi en me traitant « d’écrivain populaire » : et alors… Comme je vivais très bien de ma plume, je n’avais pas de problème de reconnaissance à ce sujet.

Soudain, sur l’écran de mon téléphone portable un SMS s’inscrivit et me sortit de mes écrits : « Je te souhaite un joyeux anniversaire mon amour, Love M ». C’était Marie. Elle était en Afrique du sud depuis maintenant six semaines pour un film qu’elle produisait. Son petit mot était accompagné d’une photo d’elle me faisant un baiser avec sa main… Elle me manquait ma Marie. Rien que cette année elle avait passé plus de six mois en dehors du domicile conjugal. Autour du monde, souvent dans des pays aux noms imprononçables. À chaque fois pour des tournages : documentaires, longs métrages. Elle vivait sur le terrain ce que moi j’imaginais (car l’écriture n’est rien d’autre que la réalisation de son imaginaire). Nous étions mariés depuis dix ans. Dix années de bonheur mais environ trois cumulées sans se voir.
En reposant le téléphone sur le bureau, un craquement du parquet dans l’appartement me fit penser à sa présence. Car ça ne rapproche pas le téléphone, ça amplifie les distances. Je l’imaginais sortant nue dans son peignoir blanc de la salle de bains, les cheveux encore mouillés ; ses chaussettes en laine, qu’elle mettait l’hiver, avachies au bas des chevilles ; ses mains ouvrant en grand les deux portes de son immense armoire afin de choisir la tenue qu’elle allait mettre pour la journée. Il lui fallait un temps considérable pour choisir ses vêtements quand elle restait en ville.
De mon bureau je pouvais juste entr’apercevoir ses longs cheveux blonds remuer en cascades, suivant ses gestes. Ses pas dans les couloirs de l’appartement étaient parfois aériens, comme ceux d’un chat, afin de ne pas me déranger pendant mes heures d’écriture. À d’autres moments, sûrement afin de rattraper le temps perdu, elle envahissait mon territoire, comme pour se le r

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents