UNE AMITIE ALGERIENNE   ROMAN
180 pages
Français

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UNE AMITIE ALGERIENNE ROMAN , livre ebook

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180 pages
Français

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Description

Oran. 1961-1962. La guerre d'Algérie tire à sa fin. La ville est livrée à la tuerie absurde, à la folie, à l'autodestruction. Un peu à l'écart, un village algérien de paysans et de pêcheurs apparaît comme un havre de paix. Ce n'est qu'une apparence. Un jeune instituteur, Antoine Esquirol, y a été nommé. Il a cru en l'Algérie française mais, sur place, il découvre une société qui lui avait été tenue invisible jusque-là, avec sa culture, son histoire, ses contradictions propres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 35
EAN13 9782296463325
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une amitié algérienne
Bernard Zimmermann


Une amitié algérienne


Roman
Du même auteur

La afrancesada, in Ma Mère, ouvrage collectif, textes inédits recueillis par Leïla Sebbar, Éditions Chèvre-Feuille étoilée, Montpellier, 2008.
Paroles immigrées, en collaboration avec Nora Aceval (Préface de Habib Tengour), Éditions L’Harmattan, Paris, 2008.
Petites conversations, in C’était leur France , ouvrage collectif, textes inédits recueillis par Leïla Sebbar, Coll. Témoins, Éditions Gallimard, 2007.
Retours de mémoires sur l’Algérie, en collaboration avec Michel Laxenaire, Éditions Bouchene, Paris, 2003.
Présentation et notes du texte du peintre antinazi Erwin Bowien : Heures perdues du matin (Journal de clandestinité, Alpes bavaroises, 1944-1945), Éditions L’Harmattan, 2000.
Cuisine et culture des Pieds-noirs d’Algérie, Éditions Orion, Catalogne (en espagnol), 1989.
Quel orage, ô mon cousin Noé ! (Images et récits d’Algérie, préface de Marc Ferro), Éditions Fanlac, Périgueux, 1986.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.Com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55456-6
EAN : 9782296554566

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À Abdelkader
À Catherine, François et Gabrielle.
Et pourtant, vous et moi, qui nous ressemblons tant, de même culture, partageant le même espoir, fraternels depuis si longtemps, unis dans l’amour que nous portons à notre terre, nous savons que nous ne sommes pas des ennemis et que nous pourrions vivre heureusement ensemble, sur cette terre qui est la nôtre.

Albert Camus, Lettre à un militant algérien

Il m’arrive quelquefois ce que j’appellerais « mon examen d’identité », comme d’autres font leur examen de conscience. Mon but n’étant pas – on l’aura deviné – de retrouver en moi-même une quelconque appartenance « essentielle » dans laquelle je puisse me reconnaître, c’est l’attitude inverse que j’adopte : je fouille ma mémoire pour débusquer le plus grand nombre d’éléments de mon identité, je les assemble, je les aligne, je n’en renie aucun.


Amin Maalouf, Les identités meurtrières
Chapitre I Juillet 2001
M ourad avait prévenu : sa vieille 403 n’aimait pas trop les côtes. Esquirol avait acquiescé. Il ne fallait pas se fier au kilométrage indiqué au tableau de bord. Il regardait le paysage qu’il n’avait plus revu depuis tant d’années : le même décor de croûte rocheuse parsemée de touffes d’asparagus et de palmiers nains. Ici et là, un espace de terre plat, débarrassé des cailloux pour permettre un labour saisonnier plus facile. Mais aucune âme qui vive, seule se manifestait la musique du vent, du vent libre et sauvage comme tout ce djebel. La route, toute droite, s’élevait doucement jusqu’au bord du plateau, à quelques centaines de mètres devant. En haut de la montée, le ciel d’un bleu intense la tranchait net. L’illusion d’un vide vertigineux se creusant derrière était totale. Mais ce n’était pas une illusion. Lorsqu’ils atteignirent l’arête sévère de la falaise, la surface rouge bascula, leur vue s’envola vers l’horizon immense de la baie, un air iodé s’engouffra par les fenêtres dans la voiture. Le souffle coupé, Esquirol aspira le paysage de ses yeux agrandis. La beauté des choses réinstallait au creux de sa poitrine une douleur attachante, comme autrefois. Comme au temps d’avant, la pesanteur du temps s’effaçait.
On pouvait apercevoir, dans la profondeur où s’abîmait la terre, le village vers lequel se coulait la route, serpentant d’un ravin à l’autre. Au-dessous des maisons cubiques aux terrasses couvertes de roseaux, les jardins s’étageaient en larges gradins descendant jusqu’à la mer. Ils dessinaient une toison émeraude sur le bas-ventre du djebel fauve.
Esquirol ressentit la fraîcheur du versant et eut un frisson. Il porta son regard vers un petit point noir sur la surface de l’eau : c’était une barque s’éloignant de la côte. Son mouvement était à peine perceptible. Elle glissait dans la partie déjà éclairée de la mer, au-delà de l’ombre portée du grand relief côtier.
La guimbarde dévalait la pente en silence. « Le gredin, il a coupé le moteur ! » Bientôt, dans un creux du terrain sur la droite, apparut un bosquet de bouleaux. Une source coulait entre des rochers. Au passage, Mourad tourna le pouce dans sa direction sans rien dire. Esquirol l’avait vue et n’avait pas envie de parler. Il hocha la tête. Quelques minutes plus tard, ils atteignaient la localité.
Après le pont, Mourad prit à droite vers le nord. Dans la grande rue, çà et là, quelques hommes désœuvrés suivirent des yeux la voiture, mais Esquirol ne croisa pas leurs regards curieux. Il venait d’avoir un bref échange avec Mourad à qui il avait désigné la maison de Noureddine Khaled au moment où ils la dépassaient, à l’entrée du village : une grande maison carrée, blanche, avec une terrasse ornée de pots de géraniums.
C’était là qu’il vivait.
Mourad avait froncé les sourcils.
Cette maison ? Je la connais cette maison.
Et il avait ajouté, à demi-voix :
Nous tenions ici des réunions de l’organisation clandestine pendant la guerre. C’était l’habitation du chef du réseau local.
Esquirol n’avait rien répondu. Mourad venait sans s’en rendre compte de lever un des mystères dont Khaled avait enveloppé son existence. Cela correspondait au personnage dont il avait peu à peu percé des secrets. Pas ce dernier toutefois, parce qu’il n’avait pas voulu le voir. C’était tellement évident aujourd’hui. Mais au temps de la guerre, c’était une autre question… Esquirol se renversa contre le siège, un sourire aux lèvres.
Devant le cimetière, Bachir, le fils aîné de Khaled, les attendait, comme ils en avaient convenu au téléphone. Ils se serrèrent la main et silencieusement Bachir les conduisit jusqu’à la tombe. C’était une tombe musulmane au-dessus de la plage ; une pierre levée, étroite, à la tête du tumulus oblong, portait le nom de Khaled, en français et en arabe, et deux dates : 1921-2001. Ils se recueillirent dans le doux déchirement du ressac. À un moment, il eut l’impression que quelqu’un l’observait. Il tourna la tête vers une kouba accrochée un peu au-dessus de la tombe : par la fenêtre du petit édifice blanc, une chèvre à la robe rousse le fixait gravement.
Un peu après, tandis qu’ils s’apprêtaient à remonter dans la voiture, Bachir lui tendit une enveloppe.
Peu avant la fin, il a voulu que je te remette ça.
Sur l’enveloppe étaient tracés trois mots : « Pour Antoine Esquirol », d’une écriture fine, à l’encre bleue. Il pensa : « Son écriture. » Tira deux cahiers de l’enveloppe. Ils contenaient des poèmes et un journal qu’avait tenu Khaled. Le journal d’une vie.
Chapitre II Printemps-été 1961
Politique,
moi ?
Politique
le soleil ?
Politique
ce besoin de vivre,
moi, dans la paix, au soleil ?.
Jean Sénac, Diwân du môle
L e samedi 22 avril, la météo s’annonçait belle. Un beau matin de printemps du Tell. L’air était léger et une fine brume achevait de se dissiper au-dessus des jardins. Antoine Esquirol logeait dans un appartement de fonction situé tout en haut de l’école de garçons. Le bâtiment était planté au milieu des constructions basses du village, comme une affirmation de l’École française laïque en territoire indigène et musulman. Il alluma son transistor et chercha à capter Europe 1 comme il le faisait habituellement depuis qu’il avait acquis ce nouveau type de poste de radio. Il n’y parvint pas : au lieu de la voix connue du speaker, il n’obtint que de la musique militaire. Ces sonorités martiales le rendirent perplexe. Impression dérangeante d’un déjà vécu. Trois ans auparavant, Radio Alger s’était aussi mise à émettre à longueur de temps des airs militaires, entrecoupés de communiqués exaltés. Des images refaisaient surface. Il s’approcha de la fenêtre, poursuivi par les accents de la marche du régiment de Samb

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