L ENNUI EN CLASSE -a-
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Description

Compte-rendu d'une expérience pédagogique en classe de 6ème appliquée au français. Expérience hors norme mais réalisée dans le système tel qu'il est encore. Expérience aux résultats positifs inespérés. Expérience qui nous semble encore terriblement d'actualité...

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Publié par
Date de parution 27 mai 2017
Nombre de lectures 82
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

L’ENNUIEN CLASSE I BLANCHARD Jef1
1PRÉAMBULE
2
Cette question de l’ennui, je l’ai bien connue au cours de ma carrière.  Ennui des élèves, de certains élèves, bien sûr, pas tous mais souvent les mêmes.  Ennui du professeur aussi qui se demande quel sens peut avoir de toujours et toujours corriger les mêmes erreurs, les mêmes copies émaillées des mêmes fautes d’orthographe ou d’inattention, de toujours rappeler les mêmes consignes qui ne seront que peu appliquées, de refaire années après années les mêmes cours suivis d’exercices qui ne seront justes qu’à un vaguepourcentage… A quoi cela rimetil ? Ou bien on a compris et tout ou presque est juste. Que veut dire que l’on a compris à 50% avec 10/20 ?Ça veut dire que rien n’est acquis solidement !
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C’est cela que j’ai voulu prendre à bras le corps. J’ai mis en place progressivement une autre pratique. Une pratique qui fait appel en permanence à la participation volontaire de l’élève. Je dois dire que dans ces dix années, hélas mes dix dernières années d’enseignement du français en classe de sixième, je n’ai plus vu d’élèves s’ennuyer, même ceux qui étaient catalogués comme cancres ailleurs s’épanouissaient, d’abord dans leurs compétences particulières puis s’enhardissaient dans d’autres domaines. Je me souviens de ce petit blondinet qui ne rêvait que de faire le pitre  son père était acteur amateur  il le fit en expression théâtrale et se tailla un succès tel qu’il se prit au jeu, accumula des microunités nombreuses en ce domaine et voulut ne pas en rester là et s’attaqua à la lecture d’un livre dont il raconta les péripéties avec bonheur. 4
 Puis il se mit à écrire des textes qu’il lut avec gourmandise devant la classe qui en redemanda et de fil en aiguille en fin d’année, non ce n’est pas lui qui tint le record d’obtention de microunités mais comme ses camarades il avait aussi travaillé … et beaucoup, beaucoup,ce qui au début le rebutait … Quant au professeur, enfin il évaluait des choses qui en valaient la peine et il le faisait avec empressement : distribuer des validations d’acquis, c’est autre chose qu’accorder une vaguenote. C’estaussi beaucoup moins long que de longues correctionsdont l’élève ne tiendra pas compte dans la majorité des cas. C’estaussi plus gratifiant pour lui et pour l’élève.
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 Par contre je me souviens d’Amandine qui après maints accords avec moi sur un rendezvous, juste après les cours, pour la lecture de sa création, rendezvous toujours annulé au dernier moment et qui se décida enfin à présenter son texte.  Je compris alors ses hésitations. Ce n’était pas un texte dont elle me fit la lecture mais d’un vrai roman… L’heure y suffit à peine. Et c’était bien écrit, bien pensé, bien organisé. Et comme souvent pour tout auteur l’autobiographie affleurait.  Vous parleraije de Marin dont je découvris exposés à la vitrine du libraire, des années plus tard, les nombreux romans policiers dont l’intrigue de l’un se déroule sur les lieux de sa scolarité?  Vous diraije que l’un de ces petits sixièmes devenu adulte supervisa les travaux de la reconstitution de la 6 fameuse grotte Chauvet?
 Je me souviens aussi de Marie qui chaque semaine, parfois deux fois par semaine, présentait à la classe un nouveau texte de son cru.Si souvent qu’elle dût se contenter de les présenter au seul professeur pour céder la place aux autres élèves avides de lire à leur tour leur production littéraire. Je la retrouverai quelques années plus tard actrice dans un spectacle historique auquel je prenais part.  Je me souviens aussi des comptes rendus de livres lus par ces gamines et gamins de sixième devant leurs pairs. Ceux ci étaient si fréquents que le problème n’était plusde faire lire les élèves mais c’était le temps qui manquait pour valider leur lecture devant la classe ! Cette question fut résolue par une organisation plus diversifiée de ces comptesrendus, fort heureusement car il arriva que certains dépassèrent les vingt livres lus dansl’année scolaire ! 7
 Je me souviens de ces deux gamines dégourdies et curieuses qui après la présentation, en vue de l’étude de la civilisation égyptienne, d’un scarabée de pierre recouvert sur sa face plate apparemment de hiéroglyphes, se lancèrent dans une recherche peu ordinaire. D’abord elles photocopièrent le texte gravé sur la face plate et l’agrandirentpour une lecture plus aisée. Elles cherchèrent lieux et adresses d’égyptologues et rédigèrent une magnifique missive avec toutes leurs questions sur le document. L’éminent historien contacté leur répondit avec enthousiasme : il apprit à la classe, et à moimême pour l’occasion, que ce scarabée était sans aucun doute une pièce historique, la traduction du texte largement commenté en faisait foi !
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 Je me souviens aussi, en éducation artistique où j’appliquais les mêmes principes pédagogiques, de cet élève qui avait choisi de réaliser son œuvre. C’était un garçon plutôt tranquille voire un peu lent, très lent mais obstiné. À raison d’une heure hebdomadaire il traversa l’année scolaire sur le même travail : une fresque de trois mètres de long sur deux de large toute en mosaïque de petits papiers collés… un chefd'œuvre ! Je me souviens surtout de l’empressement etdu sérieux de tous et toutes à compléter progressivement le tableau mural de leur gommette pour chaque microunité obtenue. Preuve de la correspondance avec leur besoin, ce tableau, pourtant couvrant tout un mur, resta au long de l’année sans graffiti aucun, sans déchirure, préservé par le respect vrai qu’ils en avaient : c’était leur 9 travail !
Je ne reparlerai pas ici de Christian, pédagogue émérite, car il a droit dans les remerciements, en fin de publication, à son appréciation élogieuse.  Je pense à cet autre Christian qui ne manquait pas de m’attendre assez souvent à la porte de la classe en fin de cours pour parler, simplement parler mais parler sérieusement… Il fit ses études de médecine et s’installa. Je le retrouvai sur ma commune, il devint notre médecin de famille jusqu’à sa retraite!J’ai pratiqué, au cours de la mienne retraite, quelques années de percussion dans la batucada du centre social local. Jour de fête ou carnaval, nous voici en concurrence avec d’autres formations. L’une, superbement costumée, jeune, nombreuse, bien entraînée par son chef. 10
 Surprise, ce dernier me hèle : « Vous vous souvenez, monsieur Blanchard, le film que vous nous avez fait préparer, séquencer et enfin tourner dans la nature : l’attaque par les indiens du camp retranché ? ». J’apprends alors que cet ancien élève est professeur de musique au collège. Il se souvient sans doute d’une super production… En fait le film ne dure que quelques minutes. La trace en est restée cependant, profonde.
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