A la mémoire de madame Lee Childe
17 pages
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Description

Lettre à Hortense Howland, 12 mars 1886, sur la mort de son amie madame Lee Childe : « Sa mort a creusé auprès de moi un vide qui durera

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Publié par
Nombre de lectures 50
EAN13 9782824710853
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
A LA MÉMOI RE DE
MAD AME LEE CH I LDE
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
A LA MÉMOI RE DE
MAD AME LEE CH I LDE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1085-3
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A LA MÉMOI RE DE MAD AME
LEE CH I LDE
N ÉE BLANCH E DE T RIQU ET I
   à la mémoir e d’une amie noble et e x quise , dont je r
etr ouv e l’imag e inoubliable , étrang ement vivante , chaque fois queJ j’ai le temps de p enser .
Pour elle seule , ces notes avaient été é crites d’ab ord, dans les lointains
p ay s Jaunes  ; je les lui env o yais de là-bas  ; entr e nous deux, c’était comme
une causerie p our la distrair e — p endant les longs mois tristes où elle
s’éteignait lentement, av e c une figur e ser eine . D e ces ler es, qui l’avaient
amusé e , est sorti ce liv r e , aussi dép ar eillé que les jour s de ma vie .
D epuis un p eu plus d’une anné e , elle r ep ose dans la ter r e  ; c’ est déjà
bien tard sans doute p our v enir p arler d’ elle , — même à ces g ens
choisis, aristo cratie de naissance ou de talent, dont elle était entouré e comme
d’une cour .
Je v oudrais, moi, essay er de grav er ses traits qui s’ en v ont, comme
ceux de tous les morts, s’ effaçant de toutes les mémoir es. Les liv r es, même
ceux qui s’ oublient le plus vite , dur ent encor e plus que les e xistences
hu1A la mémoir e de madame Le e Childe Chapitr e
maines  ; je v oudrais fix er dans les feuillets de celui-ci quelque chose d’ elle
qui lui sur viv e un p eu.
Nous avions pr esque toujour s été l’un p our l’autr e des amis lointains,
comme elle avait coutume de dir e . Je vivais er rant, p ar métier . Elle , chaque
été , se r etirait dans son châte au du Perthuis  ; et, l’hiv er , s’ en allait v er s
l’ Afrique , cher cher le soleil qui enrayait son mal. Nous nous r encontrions
tout au plus quelques jour s, entr e de longs v o yag es.
Mais nos ler es, qui couraient le monde , nous p ortaient fidèlement,
l’un à l’autr e , nos p ensé es sur toute chose . Elle a même été mon conseil
quelquefois, dans des moments de tr ouble , un conseil dr oit et fer me qui
m’était pré cieux et que je suivais. Et je crains de ne p as tr ouv er des mots
assez pleins de r esp e ct p our p arler d’ elle , p our toucher à sa mémoir e .
Son habitation p arisienne était, aux Champs-Ély sé es, cee grande
maison qui s’avance en pr oue de navir e entr e le cour s La Reine et le jardin
du p alais de l’industrie . C’ est là en somme que je l’ai v ue le plus souv ent  ;
c’ est là que je la r e v ois le mieux, en souv enir , assise à sa place fav orite ,
dans une sorte de p etit sanctuair e qu’ elle s’était fait au fond d’un salon
o vale du r ez-de-chaussé e , à l’abri de hauts p almier s qui for maient, à
l’intérieur , comme une haie contr e le tr op grand jour du dehor s. Il y avait
une suav e o deur d’Orient qu’ on sentait dès l’ entré e . and on v ous avait
ouv ert les pr emièr es p ortes, — p ar-dessous des drap eries r ele vé es, dans le
r e cul des salons, au b out d’une sorte d’av enue de choses rar es assemblé es
av e c son g oût à elle , — on l’ap er ce vait là-bas, dr essant sa tête aux
chev eux couleur d’ or r oux, p our r e connaîtr e quel p er sonnag e lui ar rivait  ;
puis, quand elle avait r e connu, r etombant dans sa p ose un p eu couché e ,
elle accueillait le visiteur av e c son sourir e , aimable p our les indiffér ents,
— franc et doux p our ceux qu’ elle aimait v oir v enir .
A u phy sique , comment la p eindr e p our que cela lui r essemble un
p eu  ? — En elle , une distinction suprême , inné e . Grande , sv elte , dr oite
et ondo yante en même temps  ; mar chant comme les r eines qui rê v ent,
la taille cambré e et la tête p enché e v er s la ter r e . Le visag e très p etit,
affiné étonnamment, pâli comme de la cir e , cr eusé déjà , ravag é à certaines
heur es p ar l’appr o che du mal mortel. Un pr ofil aux lignes frêles,
adoucies, aux lignes rar es, jamais v ues chez aucune autr e . Et deux y eux qui
semblaient éclairer — un mot dont on a souv ent abusé p our b e aucoup
2A la mémoir e de madame Le e Childe Chapitr e
de femmes, mais qui, p our elle , était absolument juste  ; des y eux d’un
bleu gris ou plutôt d’une couleur aussi chang e ante que celle de la mer ,
leur teinte p araissant varier av e c les sentiments qu’ils e xprimaient. D es
y eux qui se dilataient quelquefois comme p our r eg arder pr ofond, pr ofond,
souder les der nier s r eplis de l’âme  ; qui p ouvaient de v enir dur s comme
de l’acier , à certains moments, quand ils désappr ouvaient, quand ils
n’aimaient p as  ; ou bien qui se faisaient infiniment b ons, infiniment doux  ;
— qui riaient aussi de temps en temps, du rir e le plus fin, quand elle avait
envie de dir e , du b out des lè vr es, un enfantillag e , une mo querie aénué e
et comp atissante , une chose drôle et impré v ue qu’aucun autr e n’aurait
tr ouvé e . . . Et souv ent aussi ces y eux g ardaient, p ar lassitude , une
indiffér ence absolue que b e aucoup de g ens pr enaient p our du dé dain et qui
intimidait ter riblement.
Un de ses amis, un académicien, je cr ois, lui avait dit un jour  : « Je
ferais v otr e p ortrait sup erficiel av e c quatr e adje ctifs  : or gueilleuse ,
élég ante , indiffér ente , intellig ente . » — Et comme c’était bien elle à la
surface  ! — Ayant eu en tout un idé al inaccessible , dé çue p our av oir tr op
r eg ardé au fond des choses, ennuyé e de la vie , blasé e sur les hommag es,
elle avait p eu à p eu caché son âme sous ces app ar ences-là .
S’il fallait fair e aussi av e c quatr e adje ctifs son p ortrait de dessous le
masque mondain, je dirais  : « Dr oite , courag euse , noble , e x quise . »
Dr oite et franche comme bien p eu de femmes sav ent l’êtr e  ; ignorant
absolument les mille p etits détour s féminins, les agitations miè v r es, les
mesquines rancunes, vivant plus haut que tout cela  ; amie stable et sûr e .
Dr oite et honnête jusque dans les pr emier s mouv ements ir réflé chis de
sa p ensé e . Ayant la p ar ole un p eu âpr e et brè v e quelquefois, quand elle
conseillait, quand elle blâmait, cher chant toujour s à ramener ses amis v er s
ce qui lui semblait b on et noble .
Courag euse autant qu’un homme de cœur . Courag euse de vant la mort
pré v ue et pr o chaine , luant pie d à pie d contr e la visiteuse noir e , p ar
attachement à la vie , — mais sans une plainte , sans une altération dans la
sérénité du sourir e . « N’ est-ce p as, m’é crivait-elle une fois, quelle chose
bête et inutile que la p eur  ! » — Courag euse même de vant les p etites
déceptions lassantes de chaque jour .
Ex quise , elle l’était en tout, dans son esprit, dans son lang ag e , dans
3A la mémoir e de madame Le e Childe Chapitr e
son asp e ct, — jusque dans les p er sonnes et les objets dont elle s’ entourait.
Airé e p ar tout ce qui est b e au ou char mant dans le monde visible ,
elle aimait natur ellement tous les raffinements de l’élég ance  ; — à pr op os
d’une grande mondaine tombé e br usquement dans la misèr e , elle me dit
une fois cee phrase , qui p eignait bien un côté d’ elle-même  : 

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