Comment mettre la finance au service du développement par Sandra Mo
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Comment mettre la finance au service du développement par Sandra Moatti - issu de La finance n°075 Décembre 2007 Page 1Comment mettre la finance au service du développementpar Sandra MoattiFace à l'instabilité des capitaux extérieurs, publics et privés, la mobilisation des ressources internes redevient le nouveau credo de la communautéinternationale pour favoriser la croissance des pays du Sud.Comment financer le décollage économique des pays du Sud ? La réponse qui prévaut depuis une cinquantaine d'années est simple: parce que leur épargne intérieure estlimitée, il paraît logique que les pays pauvres fassent appel à celle des pays riches. Sous forme d'aide publique au développement, pour les moins avancés d'entre eux, parcequ'ils doivent avant tout satisfaire aux investissements de base, dans l'éducation, la santé, les infrastructures de distribution d'eau et d'énergie, les moyens de transport...,difficilement pris en charge par des investisseurs privés. Pour les pays qui commencent à s'en sortir, l'apport de capitaux extérieurs privés (crédits bancaires, investissementsétrangers...) peut venir doper l'investissement dans les moyens de production et nettement accélérer le rattrapage économique des bénéficiaires.Théoriquement avantageux pour les pays du Sud, ces transferts d'épargne le sont aussi pour ceux du Nord: à la fois plus équipés et plus vieux, ils dégagent normalement unexcédent d'épargne en quête de placements rémunérateurs, ce qu'offrent les pays en ...

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Comment mettre la finance au service du développement
par Sandra Moatti Face à l'instabilité des capitaux extérieurs, publics et privés, la mobilisation des ressourcesinternes redevient le nouveau credo de la communauté internationale pour favoriser la croissance des pays du Sud.
Comment financer le décollage économiquedes pays du Sud ? La réponse qui prévaut depuis une cinquantaine d'années est simple: parce que leur épargne intérieure est limitée, il paraît logique que les pays pauvres fassentappel à celle des pays riches. Sous forme d'aide publique au développement, pour les moins avancés d'entre eux, parce qu'ils doivent avant tout satisfaire aux investissements de base, dans l'éducation, la santé, les infrastructures de distribution d'eau et d'énergie, les moyens de transport..., difficilement pris en charge par des investisseurs privés. Pour les pays qui commencent à s'en sortir, l'apport de capitaux extérieurs privés (crédits bancaires, investissements étrangers...) peut venir doper l'investissement dans les moyens de production et nettement accélérer le rattrapage économique des bénéficiaires.
Théoriquement avantageux pour les pays du Sud, ces transferts d'épargne le sont aussi pour ceux du Nord: à la fois plus équipés et plus vieux, ils dégagent normalement un excédent d'épargne en quête de placements rémunérateurs, ce qu'offrent les pays en rattrapage rapide. En pratique, c'est l'inverse que l'on observe: depuis la fin des années 90, les pays en développement dégagent un excédent d'épargne, tandis que ceux du Nord  les EtatsUnis en particulier accusent un déficit. Anomalie passagère ? Peut être. Reste que les insuffisances de l'aide et les crises financières àrépétition depuis vingtcinq ans ont fait évoluer la conception du financement du développement. La mobilisation des ressources internes apparaît désormais aussi décisive que les apports de capitaux extérieurs.
Les insuffisances de l'aide
Il faut tout d'abord relativiser le montant des transferts financiers vers le Sud, à commencer par ceux de l'aide publique. Pour les pays les plus pauvres, l'aide ne représente plus, en 2005, que 10 %de leur formation de capital, d'après les données de la Banque mondiale, contre 22 % en 1992. Après la fin de la guerre froide, les pays de l'OCDE ont en effet sensiblement diminué leur aide, même si elle est quelque peu remontée sous l'impulsion des Objectifs du millénaire (*) . En 2006, elle représentait 0,3 % environ du revenu national brut des 22 pays membres du Centre d'aide au développement, de l'OCDE, soit 104 milliards de dollars  dont le cinquième consiste en allégements de dettes. On est donc très loin de l'objectif de 0,7 % de leur PIB que les pays riches s'étaient fixé dès 1970.
L'insuffisance de son montant n'est pas le seul défaut de l'aide. Si elle apporte souvent un soutien précieux aux populations, elle est aussi mal ciblée, en fonction des intérêts stratégiques et commerciaux des pays donateurs plus que du souci du développement économique et social des bénéficiaires. Irrégulière, imprévisible, elle ne permet pas toujours d'accompagner les projets dans la durée. Elle est en outre en partie captée par les élites locales, entretenant clientélisme et corruption, et maintenant les pays pauvres dans une relation d'assistanat. Davantage de suivi dans l'usage effectif des fonds au bénéfice des populations et davantage d'appropriation locale des projets améliorent bien sûr l'efficacité de l'aide. Reste que cestravers ont la vie dure, d'autant que tous les donateurs n'ont pas les mêmes scrupules, comme en témoignent les pratiques d'aide de la Chine envers nombre de pays africains.
L'instabilité des capitaux privés
En regard des vicissitudes de l'aide publique, les transferts de capitaux privés semblent parés de toutes les vertus du marché  absence d'arbitraire politique, mise en concurrence, efficacité accrue, etc. Ils représentent surtout des montants bien plus considérables (voir graphique). Mais ils sont en réalité très concentrés sur une minorité de pays émergents en Asie et en Amérique latine. Ils sont aussi très instables.
Flux nets de capitaux vers les pays en développement, en % de leur PIB
Les pays en développement en ont d'abord fait l'expérience avec les prêts bancaires, lors de la crise de la dette des années 80. Suite aux chocs pétroliers, les banques occidentales regorgeaient de pétrodollars, issus des excédents des pays exportateurs d'or noir; elles les recyclèrent massivement vers les pays en développement en besoin de financement. Jusqu'à ce que la banque centrale américaine augmente brutalement ses taux d'intérêt, entraînant une remontée vertigineuse du service de la dette. L'annonce du défaut de paiement du Mexique mit un frein brutal à l'afflux de capitaux et engagea les pays endettés dans une longue cure d'austérité, sous la houlette sourcilleuse du Fonds monétaire international (FMI). Dans son nouveau rôle de gendarme des dettes, celuici prêta aux pays en difficulté de paiement, en contrepartie de conditions drastiques. Ses fameux plans d'ajustement structurels (*) leur imposaient de dégager des excédents consacrés au service de la dette, au détriment des besoins élémentaires de leur population.
Plus que cette potion amère, c'est un accord avec les banques orchestré en 1989 par le secrétaire américain au Trésor de l'époque, Nicolas Brady, qui permit de sortir de l'impasse de la dette. Grâce aux nouvelles techniquesfinancières et moyennant une décote,les prêts bancaires furent transformés en titres de dettes négociables cédés à d'autres investisseurs. CesBrady bondsdébut d'un grand basculement dans le financement extérieur des pays désormais qualifiés d'émergents: alors que lesmarquèrent le banques se retiraient assez largement du financement du développement  leur contribution reste aujourd'hui minoritaire , le relais était pris par les investissements de portefeuille (*) et les investissements directs étrangers (*) .
Nouveau mode de financement, nouveau mode de développement. Le consensus de Washington (1) résume les grands principes d'une politique propre à séduire les épargnants et les investisseurs étrangers: ouverture commerciale, libéralisation financière, privatisations, déréglementations, stabilité du taux de change sont les nouveaux mots d'ordre des réformes encouragées par le FMI et la Banque mondiale. Pendant quelques années, la recette parut miraculeusement fonctionner: les capitaux reprirent le chemin des pays émergents, qui renouèrent avec une croissance rapide.
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12/11/2008 11:31:05
mots d'ordre des réformes encouragées par le FMI et la Banque mondiale. Pendant quelques années, la recette parut miraculeusement fonctionner: les capitaux reprirent le chemin des pays émergents, qui renouèrent avec une croissance rapide.
Mais le coup de semonce de la crise mexicaine dès la fin 1994, et surtout les crises asiatique et russe de 1997 et 1998 révélèrent les failles de ce modèle. La solidité des institutions financières, notamment, avait été négligée, alors qu'elle est une condition cruciale pour faire face à des flux massifs de capitaux volatils. Or, les investissements de portefeuille sont plus instables encore que les prêts bancaires. Qu'un doute s'installe dans l'esprit des investisseurs sur la pérennité de la croissance et ils retirent tous leurs capitaux au même moment, plongeant des économies jusquelà florissantes dans des récessions sévères.
La Chine l'a bien compris, qui ne s'engage que très prudemmentsur la voie de la libéralisation financière. Tout en continuant de contrôler les flux de capitaux, elle accueille massivement les investissements étrangers, par définition plus stables  on ne vend pas une usine aussi facilement qu'une action  et porteurs de précieux savoirfaire. Mais encore fautil être un géant comme la Chine  où les investissements directs étrangers, malgré leur masse considérable, représentent moins de 10% du total de l'investissement  pour en tirer pleinement partie. Pour les plus petits pays, l'implantation de multinationales risque davantage d'éradiquer les producteurs locaux et de donner lieu à des chantages fiscaux et sociaux.
Mobiliser les ressources internes
"C'est une erreur d'imaginer que la croissance d'un pays puisse principalement naître d'une mobilisation externe des ressources", estime JeanMichel Servet, professeur à l'Institut universitaire d'études du développement de Genève. Les pays en développement comptent désormais davantage sur leurs propres forces. Ils y sont aidés ces dernières années par la flambée des prix des matières premières, dont les revenus leur ont permis d'accumuler des excédents extérieurs et de commencer à rembourser leurs dettes. La mobilisation des ressources internes est redevenue lecredode la communauté internationale, formalisé notamment dans le consensus de Monterrey de 2002.
De fait, l'épargne domestique est la première ressource, même dans les pays les plus pauvres. Mais elle est souvent sousutilisée, voire dilapidée. A cet égard, il n'y a pas de solution miracle, comme pourrait le laisser croire l'engouement actuel pour le microcrédit. Cette nouvelle mode masque les véritables obstacles qui entravent la mobilisation efficace des ressources internes: la corruption et la mauvaise gestion des Etats, qui dilapident les rentes issues des matières premières, plutôt que de l'investir dans le développement des infrastructures de base; le sousdéveloppement des systèmes financiers, qui ne s'adressent qu'à une poignée de privilégiés, laissant l'immense majorité de la population sans service d'épargne ni d'assurance, et les entreprises petites et moyennessans accès au crédit; les lacunes du système juridique et de l'Etat de droit; l'inefficacité et l'inéquité des systèmes fiscaux, qui taxent très faiblement les hauts revenus sans empêcher une évasion massive des capitaux... On le voit, tous cesobstacles sont de nature plus politique qu'économique. Ce qui manque aux pays en développement, ce sont moins des ressources financières extérieures que des institutions en état de marche.
Sandra Moatti
Alternatives Economiques  Horssérie n°75  Décembre 2007
(*) objectifs du millénaire : ensemble d'objectifs fixés par les Nations unies visant à améliorer les conditions de vie dans les pays du Sud d'ici à 2015.(*) plan d'ajustement structurel : ensemble des politiques économiques négociées par le FMI avec les gouvernements en échange de son aide financière.(*) investissements de portefeuille : achats de titres financiers (obligations et actions) émis par les Etats et les entreprises.(*) investissements directs étrangers : participations directes dans le capital des entreprises locales.
Notes (1) Cette expression, forgée par l'économiste John Williamson en 1990, résume la doctrine économique qui était alors celle des institutions internationales, FMI et Banque mondiale, basées à Washington.
En savoir + www.un.org/french/ffd: la Conférence internationale sur le financement du développement, sur le site des Nations unies. Financer le développement par la mobilisation des ressources locales,annuaire suisse de politique de développement, 2007. Le FMI. De l'ordre monétaire aux désordres financiers,par Michel Aglietta et Sandra Moatti, éd. Economica, 2000.
http://www.alternativeseconomiques.fr/print_article2.php?lg=fr&id_publication=646&id_article=34589
12/11/2008 11:31:05
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