La pauvreté en Espagne, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni -  Économie et Statistique n° 308
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INTERNATIONALLa pauvreté en Espagne,en France, aux Pays-Baset au Royaume-UniUne méthode pour les comparaisonsinternationales de niveau de pauvretéChristine Les comparaisons internationales de niveau de pauvreté sont en règle générale trèsChambaz et sensibles aux conventions retenues pour identifier les ménages pauvres ou pourÉric Maurin* passer de la mesure des revenus à celle des niveaux de vie. Les résultats descomparaisons peuvent ainsi varier beaucoup selon le choix du seuil de pauvreté,de l’échelle d’équivalence, ou de l’indicateur de mesure de la pauvreté.Il est cependant possible de construire des critères plus qualitatifs permettant declasser les pays selon la pauvreté à défaut de donner une mesure précise des écartsexistant entre eux. Ces critères résultent d’une adaptation et d’une extensiondu critère séquentiel introduit par Atkinson et Bourguignon (1987).En appliquant ces critères aux données du récent Panel européen, il apparaît quele seul diagnostic robuste est celui selon lequel la distribution des revenus génèremoins de pauvreté en France qu’au Royaume-Uni et moins au Royaume-Uniqu’aux Pays-Bas. En revanche, s’agissant de l’Espagne, aucun diagnostic quila situe par rapport à la France, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, ne résisteaux différents changements de conventions envisageables.*Christine Chambaz fait a plupart des pays industrialisés souffrent quelques années à bien mieux contenir le chô-partie de la division Re- L aujourd’hui ...

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Christine Chambaz et Éric Maurin*
*Christine Chambaz fait partie de la division Re venus et patrimoine des ménages de l’Insee et Éric Maurin de la divi sion Conditions de vie des ménages.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
INTERNATIONAL
La pauvreté en Espagne, en France, aux PaysBas et au RoyaumeUni
Une méthode pour les comparaisons internationales de niveau de pauvreté
Les comparaisons internationales de niveau de pauvreté sont en règle générale très sensibles aux conventions retenues pour identifier les ménages pauvres ou pour passer de la mesure des revenus à celle des niveaux de vie. Les résultats des comparaisons peuvent ainsi varier beaucoup selon le choix du seuil de pauvreté, de l’échelle d’équivalence, ou de l’indicateur de mesure de la pauvreté.
Il est cependant possible de construire des critères plus qualitatifs permettant de classer les pays selon la pauvreté à défaut de donner une mesure précise des écarts existant entre eux. Ces critères résultent d’une adaptation et d’une extension du critère séquentiel introduit par Atkinson et Bourguignon (1987).
En appliquant ces critères aux données du récent Panel européen, il apparaît que le seul diagnostic robuste est celui selon lequel la distribution des revenus génère moins de pauvreté en France qu’au RoyaumeUni et moins au RoyaumeUni qu’aux PaysBas. En revanche, s’agissant de l’Espagne, aucun diagnostic qui la situe par rapport à la France, au RoyaumeUni ou aux PaysBas, ne résiste aux différents changements de conventions envisageables.
a plupart des pays industrialisés souffrent L aujourd’hui du même déficit d’emplois stables et bien rémunérés. Les inégalités de vant l’emploi et les salaires n’en revêtent pas moins une intensité et des formes très variables d’un pays à l’autre.
Pour s’en tenir à des exemples européens, le RoyaumeUni et les PaysBas réussissent depuis
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quelques années à bien mieux contenir le chô mage que nombre de leurs partenaires de l’Union européenne. Dans leur récente analyse de la distribution des revenus au sein de l’OCDE, Atkinsonet al. (1995) suggèrent néanmoins que ces deux pays sont de ceux où les inégalités et la pauvreté se sont le plus aggravées au cours des années quatrevingt. La même étude montre par ailleurs que la France, malgré un niveau et
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une durée de chômage parmi les plus préoc cupants d’Europe, est l’un des pays de l’OCDE où la pauvreté et les inégalités se sont le moins développées au cours de cette même période.
Du point de vue des inégalités et de la pauvreté, la diversité des situations rend finalement diffi cile de hiérarchiser sans ambiguïté les pays et leurs institutions, de bonnes performances selon un critère étant souvent ternies par de moins bons résultats dans un domaine voisin. Il apparaît d’autant plus important de proposer des méthodes synthétiques et robustes de comparaison des niveaux de pauvreté et d’inégalités.
De telles comparaisons ont déjà été menées par le passé et on sait désormais assez bien les diffi cultés auxquelles elles demandent de se con fronter. Étudiant la façon dont se distribuent les revenus dans une dizaine de pays industrialisés, Buhmanet al.(1988) aboutissent à des diag nostics tout à fait différents selon le seuil en deçà duquel ils choisissent de classer les ména ges comme pauvres ou selon l’échelle d’équi valence retenue pour comparer les niveaux de vie des familles de tailles différentes.
De fait, comme il s’avère très difficile de jus tifier le choix de conventions de mesure parti culières parmi l’ensemble des critères possibles, on est le plus souvent conduit à une impasse et à la tentation de ne rien con clure. Il est pourtant possible de présenter et d’appliquer une méthode qui renverse les perspectives habituellement retenues. Plutôt que de comparer d’un pays à l’autre une ou plusieurs mesures particulières de la pauvre té, forcément discutables, la question va être celle de l’existence de conditions simples sur la distribution des revenus qui – lorsqu’elles sont vérifiées – permettent d’identifier un classement des pays selon leur pauvreté res tant valable pour une gamme la plus large possible de conventions de mesures envisa geables.
À certains égards cette approche est plus mo deste que l’approche traditionnelle. Elle ne propose aucune quantification précise des dif férences de pauvreté existant entre les pays. Elle a toutefois l’avantage considérable de livrer des diagnostics dont on n’a pas à suspecter qu’ils changeraient si l’on modifiait les conventions retenues pour identifier les pauvres ou pour me surer la pauvreté d’un ménage en fonction de son revenu et de sa taille.
Une méthode pour les comparaisons internationales
Pour éviter un exposé d’emblée trop technique, la présentation de la méthode va s’appuyer sur une mesure particulière de la pauvreté : la part de la richesse nationale qu’il serait nécessaire de redistribuer aux ménages pauvres pour faire disparaître la pauvreté. Ce principe revient à ju ger que la pauvreté est plus forte dans le paysA que dans le paysBsi et seulement si le revenu dont manquent les pauvres pour sortir de la pauvreté représente une part plus importante du revenu national dans le paysAque dansB.
Pour mesurer le revenu total nécessaire à l’éli mination de la pauvreté, il esta priorinéces saire de fixer un seuil de référence en deçà duquel une personne isolée est réputée pauvre, et de recourir à une échelle d’équivalence per mettant de calculer les seuils en deçà desquels les ménages comprenant plusieurs individus peuvent également être considérés comme pau vres. Ayant identifié les ménages pauvres, il suffit ensuite d’évaluer pour chacun d’eux le supplément de revenu nécessaire pour sortir de la pauvreté.
Il est malheureusement très difficile de répon dre à ces exigences de façon satisfaisante. Il n’y a en effet pas de « bon » critère d’identification des personnes pauvres, ni de « bon » critère d’évaluation du revenu dont elles manquent pour ne plus être pauvres.
De fait l’objectif de cette étude ne va pas être de déterminer les « bons » critères d’identification des pauvres et de la profondeur de leur pauvre té, ni de livrer une estimation exacte du poids de la pauvreté dans le revenu national des diffé rents pays. L’approche va être plus inductive et qualitative : elle va consister simplement à chercher les conditions sous lesquelles il est possible d’affirmer que la part de la pauvreté est plus importante dans le paysAque dans le paysBquelles que soientles conventions rete nues pour identifier les pauvres, du moment que ces conventions sont communes aux deux pays. Au bout du compte, quand ces conditions seront vérifiées, on ne saura pas dire decombien la pauvreté est plus forte enAqu’enB, mais on saura que le diagnostic « la pauvreté est plus forte dans le paysAque dans le paysB» peut être porté de façon robuste, et rester valide sur un en semble très large de définitions de la pauvreté.
Pour en venir tout de suite au principe central de la méthode, supposons que l’on puisse
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distinguer un nombre fini de tailles de ménages T1,...,TK: les ménages de taille T1sont les plus grands et ont les plus grands besoins (familles nombreuses) les ménages de taille TKsont les plus petits (personnes seules). S’il existe un seuil de revenu relatif (notéZ) tel que la part des ménages pauvres et de taille supérieure à Tkest plus importante dans le paysAque dans le pays B, pour tout seuil de pauvreté inférieur àZet pour tout k (k = 1,...K), alors la part de richesse nationale à tranférer pour éliminer la pauvreté est plus forte enA qu’enB, quelle que soit l’échelle d’équivalence retenue, et les seuils de pauvreté inférieurs àZ. Une démonstration de ce résultat se trouve en encadré 1.
En pratique, comment appliquer ce principe ? Il demande en premier lieu de s’accorder sur un classement des ménages en fonction de l’im portance de leurs besoins. En première analyse, on peut admettre que les besoins des ménages s’étagent en fonction de leur taille, et retenir quatre types de ménages : personne seule, cou ple sans enfant, couple avec un enfant, couples avec au moins deux enfants. Ensuite, pour cha que seuil de pauvreté inférieur àZ, le principe demande de considérer d’abord les ménages dont la taille et, partant, les besoins sont les plus importants (dans notre exemple : les couples
Encadré 1
avec au moins deux enfants) et de vérifier que le poids des pauvres dans cette population est plus important dans le paysAque dans le paysB. Il demande ensuite de considérer ensemble les ménages dont la taille est la plus importante et ceux dont la taille et les besoins sont immédia tement inférieurs (couples avec au moins un en fant), puis de se livrer à la même vérification sur le poids des pauvres. En procédant ainsi par agrégation successive, on passe en revue toutes les façons de diviser en deux la population se lon l’importance des besoins, et de comparer le poids des pauvres, jusqu’à la comparaison se rapportant à l’ensemble des ménages. Cette né cessité de procéder par étapes successives justi fie que l’on appelle le principe sousjacent, lorsqu’il est vérifié, un principe de dominance séquentielle (cf. encadré 1).
Extensions de la méthode
La part de la pauvreté, vue sous l’angle moné taire, dans la richesse nationale correspond à l’effort redistributif qu’il serait nécessaire de fournir pour éliminer complètement la pauvre té. Cette mesure de la pauvreté revêt donc une signification très concrète en termes de politi que économique. Néanmoins, pour apprécier
PRÉSENTATION DE LA MÉTHODE DE DOMINANCE SÉQUENTIELLE
Soient deux paysA etB au sein desquels il est possible de distinguerK catégories de ménages selon l’importance de leurs besoins : la catégorie 1 correspond aux besoins les plus élevés (familles nombreuses), la catégorieK correspond aux ména ges de personnes seules. Pour éviter d’avoir à recourir au calcul intégral, on supposera par ailleurs que les revenus relatifs (i.e. rappor tés à la moyenne) se distribuent dans chaque pays selon un nombre finiN (éventuellement très grand) de ni veauxλ,,λ,λ correspondant au plus faible 1N1 niveau de revenu etλ au plus élevé. N
Soit maintenantλ le seuil en deçà duquel un p(k) ménage de typek peut être considéré comme pau vre. On aλλ, la catégorie(k+1)p(k)p(k+1) présentant des besoins plus faibles que la catégorie k. Le revenuP qu’il serait nécessaire de distribuer A aux pauvres pour faire disparaître la pauvreté dans le paysA s’écrit alors :
K p(k) _ A ∑ ∑ P=r(λλ)nA Ap(k)ii,k k=1i=1
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_ r est le revenu moyen des ménages dans le A A paysA etn le nombre de ménages de niveau i,k de revenuλ et de typek dans le paysA. i
On en déduit l’expression de la partQ de la pau A vreté dans la richesse du paysA :
K p(k) P A _A Nr∑ ∑ Q==(λλ)fAp(k)ii,k AA k=1i=1
N représente le nombre total de ménages et A f la part des ménages de niveau relatif de reve i,k nuλ et de typek. i
Notre problème est d’identifier un système de con AB ditions portant sur lesf et lesf tel que, s’il i,ki,k est vérifié,Q etQ peuvent être classées d’une AB façon qui ne dépend pas du choix des p(k),k=1,K.
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Encadré 1 (suite)
Le principe de dominance séquentielle
Pour identifier ces conditions, on pose pour chacun des pays :
i F=ftout pour i1 et pour toutk. i,k j,k j=1
F représente la part des ménages de typek et i,k de revenu relatif inférieur ài. En posantF= 0 , 0 ,k on af=FF pour touti1 et toutk. i,k i,k i1 ,k
D’où :
K p(k) Q=(λλ)(FF) p(k)ii,k i1 ,k k=1i=1
K p(k)1 ∑ ∑ =F(λλ)i,ki+1i k=1i=1
ce qui se réécrit :
p(1)1k(i)∑ ∑ Q=(λλ)Fi+1i i,k i=1k=1
où pour chaque niveau de revenui,k(i) corres pond au plus petit niveau de besoins tel qu’un ménage de typek(i) et de revenuλ est pauvre. i
On en déduit, dans la comparaison des deux pays :
p(1)1k(i)AB ∑ ∑ QQ=(λλ)(FF) ABi+1i i,j i,j i=1j=1
Sous cette forme, il est clair que s’il existe un seuil p tel que pour toutk et pour touti<p
k AB (FF)> 0 i,ji,j j=1
alorsQQ est positif pour toutes les façons AB de définir la pauvreté à l’aide d’une série de seuils p(1)p(K) dès lors quep(1)<p. Le seuilp correspond au seuil de pauvreté maximum pour les ménages ayant les plus grands besoins.
Extensions
Existetil maintenant un système de conditions tel que, s’il est vérifié, on peut classer sans ambiguïté non seulementQ etQ mais également toutes AB ~ les mesures de typeQ
Kp(k) ~ ∑ ∑ Q=εFi,k i,k k=1i=1
où ài donné la pondérationε décroît lorsque i,k k augmente ?
Cette interrogation répond au souci d’établir un diagnostic emportant également l’adhésion de ceux pour qui les transferts de richesse diminuent d’au tant plus la pauvreté qu’ils sont dirigés vers les ménages ayant les plus forts besoins. La mesure Q correspond à desε indépendants dek. i,k ~ L’indicateurQ se réécrit en effet (en posant ε= 0 ) : i,K+1
K p(k)1k     ~ Q=F(εε)i,ji,ki,k+1   k=1i=1j=1  
Sous cette forme, il est de nouveau clair que s’il k AB (i,ji,j) existe unp tel queFF>pour 0 j=1 ~~ toutk et pour touti<p alorsQQ>pour 0 AB toutes les façonsp(1)p(K) de définir la pauvreté telle quep(1)<p. En d’autres termes, le principe de dominance séquentielle est une con dition suffisante à l’établissement d’un diagnostic qui résiste non seulement aux changements d’échelle d’équivalence, mais également à des changements de mesure de la part de la pauvreté dans la richesse nationale.
Si l’on veut également obtenir un diagnostic robuste pour l’ensemble des pondérationsε telles que i,k ε décroît aveci àk donné, alors le principe de i,k dominance séquentielle est non seulement suffisant mais est également nécessaire.
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l’impact de politiques de réduction partielle de la pauvreté, on peut reprocher à cette mesure de mettre sur le même plan les plus pauvres des pauvres et les moins pauvres d’entre eux. De fait, si l’on se place au sein d’une catégorie de ménage, un transfert de richesse n’a pas davan tage d’effet sur la part de la pauvreté dans la ri chesse nationale s’il a lieu en direction des ménages les plus démunis que s’il est dirigé vers ceux des pauvres qui sont juste à la frange de la nonpauvreté. De même, d’une catégorie à l’autre, un transfert de richesse en direction d’un ménage pauvre ne diminue pas davantage la part de la pauvreté dans la richesse nationale lorsque ce ménage est une famille nombreuse que lorsqu’il s’agit d’une personne seule. La part de la pauvreté dans la richesse nationale est une mesure qui prend mal en compte la diversi té des ménages pauvres, le degré plus ou moins important d’inégalitéau seinde la population des ménages pauvres.
Cette limitation explique que l’on puisse dési rer identifier les conditions sous lesquelles le poids de la pauvreté peut être réputé plus élevé dans le paysAque dans le paysBnon seulement pour toutes les échelles d’équivalence envisa geables, mais également pour toutes les façons de pondérer la pauvreté des plus pauvres (i.e. pour toutes les façons d’accorder une impor tance d’autant plus grande à un transfert de ri chesse qu’il concerne les ménages ayant les plus grands besoins et le moins de ressources).
De façon assez remarquable, il s’avère que le principe de dominance séquentielle énoncé plus haut est non seulement une condition suffi sante à l’énoncé d’un tel diagnostic, mais qu’il en est même une condition nécessaire. En d’au tres termes, les deux propositions suivantes sontéquivalentes:
1) Il existe un revenu relatifZtel que le poids de la pauvreté est plus fort dans le paysAque dans le paysBpour tous les seuils de pauvreté infé rieurs àZ, pour toutes les échelles d’équivalen ces et pour toutes les façons de pondérer la pauvreté des ménages ayant les plus grands be soins et le moins de ressources.
2) Il existe un seuil de pauvreté de référenceZ, tel que la part des pauvres parmi les ménages de taille élevée est plus forte dans le paysAque dans le paysB, pour toutes les façons de diviser en deux la population des ménages selon l’im portance de leurs besoins, et pour toutes les fa çons de définir la pauvreté par un seuil quelconque en deçà du seuilZ.
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Un énoncé plus formel de cette équivalence est donné dans l’encadré 1. Un principe plus général et sa démonstration se trouvent dans Chambaz et Maurin (1996 et 1997). Ces travaux s’inspirent et prolongent les analyses fondatri ces d’Atkinson et Bourguignon (1982 et 1987).
Avant d’en venir à l’application empirique, il faut rappeler que le principe de dominance sé quentielle n’est pertinent que dans la mesure où les situations de pauvreté peuvent s’appré hender à partir de critères identiques dans les différents pays. Les seuils de pauvreté seront définis en termes de revenus relatifs pour cha cun des pays considérés. Dans ce domaine comme dans d’autres, les comparaisons inter nationales n’ont de sens que dans la mesure où l’on s’intéresse à des pays suffisamment proches pour être évalués à l’aune de critères similaires.
La pauvreté en Espagne, en France, aux PaysBas et au RoyaumeUni
Dans l’application qui suit, les différences de besoins seront supposées définir quatre princi paux types de ménages : personnes seules, cou ples sans enfant (et familles monoparentales), couples avec un enfant, couples ayant au moins deux enfants. Dans chacun des pays, les reve nus étudiés correspondent au revenu total du ménage après impôt, soit la somme des revenus nets de chacun des individus du ménage aux quels ont été ajoutés des revenus non individua lisables comme les revenus du patrimoine et certaines prestations sociales (allocations loge ment, notamment). Les revenus des individus comprennent les revenus d’activité, salariée ou indépendante, principale ou secondaire, les re traites, les allocations chômage, les différentes prestations sociales, liées à la famille, à la mala die ou l’invalidité, à l’éducation, etc., ainsi que les revenus de type Revenu minimum d’insertion. Les données utilisées sont issues de l’enquête Panel européen des ménages(cf. encadré 2). À notre connaissance il n’existe à ce jour aucune comparaison internationale s’appuyant sur des données aussi récentes.
Si l’on s’intéresse pour commencer à la pau vreté relative de la France et des PaysBas, l’analyse séquentielle des fonctions de réparti tion des revenus relatifs (c’estàdire rapportés au revenu moyen national) révèle, à chacun des niveaux de l’échelle des besoins, une concen tration significativement plus importante des ménages néerlandais en bas de la distribution
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1. La significativité des écarts entre les différen tes distributions est éva luée à l’aide de tests de Kolmogorov.
2. À chacune des quatre étapes de la comparai son, un test de Kolmo gorov ne repousse pas l’hypothèse de la signifi cativité de la dominance de la distribution des re venus relatifs français.
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des richesses (1) (cf. graphiques IA à D). S’agissant des couples ayant au moins deux en fants, quel que soit le seuil de revenu relatif re tenu pour définir la pauvreté, la proportion de ménages ayant un revenu relatif inférieur à ce seuil est ainsi plus forte aux PaysBas qu’en France. Si ensuite on examine les ménages ayant au moins un enfant (c’estàdire simultanément ceux qui en ont deux ou plus et ceux qui n’en ont qu’un), on constate de nouveau que pour tout seuil de revenu relatif inférieur à 0,52 du revenu moyen la proportion de ménages pau vres est plus forte aux PaysBas. Même conclu sion quand on étend la comparaison à l’ensemble des ménages ayant au moins deux personnes, le
seuil de pauvreté maximal étant cette fois de 0,37. La conclusion reste similaire (2) lors qu’on prend en compte l’ensemble des ménages, le seuil maximal de pauvreté étant de 0,18.
D’après le principe de dominance séquentielle, cette série de dominances implique que le poids de la pauvreté dans la richesse nationale est plus fort aux PaysBas qu’en France quel que soit le seuil de pauvreté de référence (i.e. choisi pour les ménages les plus grands) inférieur à 18 % du revenu moyen des ménages et quelle que soit l’échelle d’équivalence choisie pour apprécier la pauvreté des autres ménages de plus d’une personne. La part de l’ensemble des
Graphique I Comparaison séquentielle des distributions de revenu normalisé* France  PaysBas, 1994
A  Couples avec 2 enfants ou plus
C  Couples (avec ou sans enfant) et familles monoparentales
B  Couples avec 1 enfant ou plus
D  Ensemble de la population
*Revenu normalisé : revenu rapporté au revenu moyen des ménages. j Lecture : suivant les notations de l’encadré, les graphiques représentent les quatre courbes(Fi,PaysBasFi,France) i=1 pour j = 1, ... ,4. Le graphique A montre ainsi qu’en 1994, la part des couples avec deux enfants ou plus disposant d’un revenu inférieur ou égal à la moyenne nationale est plus élevée d’environ 2 points dans la population néerlandaise que dans la population française. Cette part est d’ailleurs plus élevée, quelle que soit la fraction de revenu considérée. Le graphique B montre que, pour tout seuil in férieur à 52 % du revenu moyen, la part des couples avec un enfant ou plus disposant d’un revenu inférieur à ce seuil est plus forte aux PaysBas qu’en France. Source : Panel européen des ménages.
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ménages situés audessous de la demimoyenne est plus faible aux PaysBas qu’en France, mais c’est moins le nombre de pauvres qu’il faut comparer que l’ampleur de leur pauvreté.
En fait, le principe de dominance séquentielle élargi implique que ce diagnostic est même le seul susceptible d’être partagé par l’ensemble des mesures de la pauvreté accordant d’autant plus de poids à une redistribution de richesse qu’elle est dirigée vers les ménages les plus dé munis et ayant les plus grands besoins (voir Chambaz et Maurin, 1996 et1997).
La comparaison séquentielle des distributions de revenus relatifs néerlandais et britanniques conduit à un résultat aussi dépourvu d’ambiguï té (cf. graphiques IIA à D). Parmi les couples
ayant au moins deux enfants, la proportion de ménages gagnant moins qu’une fraction du re venu moyen est plus importante aux PaysBas qu’au RoyaumeUni, quelle que soit la fraction choisie entre 0 et 0,33. Un même constat s’im pose lorsqu’on étend la comparaison aux ména ges ayant au moins un enfant (cf. graphique IIB) à l’ensemble des ménages d’au moins deux personnes (cf. graphique IIC), puis à l’ensemble des ménages. Le principe de domi nance séquentielle indique donc que le seul diagnostic robuste est celui selon lequel la part de la pauvreté dans la richesse nationale est plus forte aux PaysBas qu’au RoyaumeUni.
La comparaison francobritannique amène des conclusions similaires (cf. graphiques IIIA à D). Parmi les couples ayant au moins deux en
Graphique II Comparaison séquentielle des distributions de revenu normalisé* RoyaumeUni  PaysBas, 1994
A  Couples avec 2 enfants ou plus
C  Couples (avec ou sans enfant) et familles monoparentales
B  Couples avec 1 enfant ou plus
D  Ensemble de la population
*Revenu normalisé : revenu rapporté au revenu moyen des ménages. j Lecture : suivant les notations de l’encadré, les graphiques représentent les quatre courbes(Fi,PaysBasFi,Royaumeu n i) i=1 pour j = 1, ... , 4. Le graphique A montre ainsi qu’en 1994, pour tout seuil inférieur à 32 % du revenu moyen, la part des couples avec deux enfants ou plus, disposant d’un revenu annuel inférieur ou égal à ce seuil, est plus élevée dans la population néerlandaise que dans la population britannique. Source : Panel européen des ménages.
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fants, la proportion de ménages gagnant davan tage qu’une fraction du revenu moyen est plus forte en France qu’au RoyaumeUni quelle que soit la fraction comprise entre 0 et 1. Un même résultat ressort de l’analyse de l’ensemble des couples ayant au moins un enfant, puis de celle de l’ensemble des ménages d’au moins deux personnes : sur chacun de ces sousensembles, la part des pauvres est plus faible en France qu’au RoyaumeUni, quelle que soit la fraction du revenu moyen retenue comme seuil de pau vreté. Quand on analyse l’ensemble des reve nus, le constat reste identique si l’on excepte la partie la plus basse de la distribution des reve nus relatifs : les fonctions de répartition lais sent apparaître que les ménages gagnant moins que 19 % du revenu moyen représentent une
part légèrement plus importante de l’ensemble des ménages en France qu’au RoyaumeUni. Un test de Kolmogorov repousse toutefois la si gnificativité de cette différence entre les deux distributions. Dès lors qu’on s’en tient à des écarts statistiquement significatifs, le seul diag nostic robuste aux changements de choix de seuils de pauvreté, d’échelle d’équivalence ou même de façon de pondérer la pauvreté des plus pauvres, est celui selon lequel la part de la pau vreté dans la richesse nationale est plus forte au RoyaumeUni qu’en France.
Au terme de cette première vague de comparai sons, une première hiérarchie se dégage avec, par ordre décroissant de pauvreté, la France, le RoyaumeUni puis les PaysBas. S’agissant de
Graphique III Comparaison séquentielle des distributions de revenu normalisé * France  RoyaumeUni, 1994
A  Couples avec 2 enfants ou plus
C  Couples (avec ou sans enfant) et familles monoparentales
B  Couples avec 1 enfant ou plus
D  Ensemble de la population
*Revenu normalisé : revenu rapporté au revenu moyen des ménages. j Lecture : suivant les notations de l’encadré, les graphiques représentent les quatre courbes(Fi,RoyaumeUniFi,Fr an ce) i=1 pour j = 1,...,4. Le graphique A montre ainsi qu’en 1994, la part des couples avec deux enfants ou plus disposant d’un revenu annuel inférieur ou égal à la moyenne nationale est plus élevée dans la population britannique que dans la population française. La signi ficativité des écarts entre les distributions est estimée à l’aide de tests de Kolmogorov. Source : Panel européen des ménages.
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l’Espagne en revanche, il n’est pas possible de se prononcer fermement sur son niveau relatif de pauvreté. Au sein des ménages de grandes tailles, la concentration en bas de la distribution est plutôt plus forte en Espagne que dans les au tres pays. Au sein des ménages de petite dimen sion, c’est l’inverse, en sorte qu’il n’est pas possible, pour les comparaisons impliquant l’Espagne, de tirer un diagnostic qui résiste aux changements de conventions (cf. graphiques IVA à D).
Si l’on considère que chaque individu bénéficie du revenu total que les membres de son ménage peuvent mettre en commun, alors l’Espagne est le pays le moins pauvre des quatre considérés
dans cet article. Si à l’autre extrême, on estime que le revenu d’un ménage se divise en parts égales entre ses membres et que le niveau de vie d’un individu dépend uniquement de la part qu’il reçoit, alors à revenu donné les familles nombreuses génèrent davantage de pauvreté que les ménages de personnes seules et la pau vreté est plus forte en Espagne qu’ailleurs.
De façon assez intéressante, la méthode propo sée dans cette étude suggère que les économies britannique et néerlandaise, actuellement don nées en exemple au sein de l’Union euro péenne, tolèrent toutefois un niveau de pauvreté monétaire dont on peut affirmer avec une certaine robustesse qu’il est plus élevé
Graphique IV Comparaison séquentielle des distributions de revenu normalisé* France  Espagne, 1994
A  Couples avec 2 enfants ou plus
C  Couples (avec ou sans enfant) et familles monoparentales
B  Couples avec 1 enfant ou plus
D  Ensemble de la population
*Revenu normalisé : revenu rapporté au revenu moyen des ménages. j Lecture : suivant les notations de l’encadré, les graphiques représentent les quatre courbes(Fi,Es p ag neFi,Fr an ce) i=1 pour j = 1, ..., 4. Le graphique A montre ainsi qu’en 1994, la part des couples avec deux enfants ou plus disposant d’un revenu annuel inférieur ou égal à la moyenne nationale est plus forte dans la population espagnole que dans la population française. En re vanche (graphique D), pour les seuils inférieurs à 27 % du revenu moyen, la part de la population totale disposant d’un revenu infé rieur ou égal à ce seuil, était plus faible dans la population espagnole. Source : Panel européen des ménages.
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