Tariq RAMADAN, médiateur ou imposteur ?
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Sans aucun doute un médiateur. De la lignée de Mohamed TALBI. Les occidentaux et les français en particulier, devraient faire l'effort de mieux l'écouter.

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Publié le 12 mars 2012
Nombre de lectures 188
Langue Français

Extrait

Tariq RAMADAN, médiateur ou imposteur ?
C’est certainement celui qui détient le record des procès en sorcellerie toutes catégories
confondues. J’ai toujours entendu dire qu’il fallait se méfier de ce dandy à l’air « conquérant
et insolent » et de son fameux « double discours », car derrière ce brillant intellectuel, bel
homme de surcroît et disposant d’un indéniable charme, se cacherait en réalité, selon ses
détracteurs, un « horrible » intégriste, prêt à tout pour faire que notre pauvre monde soit régi
selon les principes et les règles édictés par le Coran, dans son interprétation la plus intégriste
qui soit.
J’ai quant à moi toujours écouté Tariq RAMADAN avec l’attention la plus grande, tout
d’abord parce que l’on ne peut qu’être séduit par sa dialectique, à la fois subtile et rigoureuse,
mais aussi et très certainement, pour tenter de déceler le moindre indice qui me permettrait de
comprendre comment cet universitaire Suisse, parvenait à faire prévaloir et à instiller dans les
esprits, sous une apparente modération, des idées extrêmes, selon ce qu’en disent certains de
nos plus brillants intellectuels.
Malgré mes efforts, je n’ai jamais vu nulle part les pièges, ruses, et artifices de toutes sortes
que d’aucuns soutiennent et j’ai dû à chaque fois exprimer ma déconvenue de n’avoir pas vu
ce que tout le monde voyait et de ne pas avoir entendu ce que tout le monde entendait.
Le discours de Tariq RAMADAN m’est toujours apparu plutôt modéré, et son argumentation
frappée au sceau du bon sens. Je vois en lui un médiateur, venant s’interposer entre deux
mondes apparemment inconciliables qui s’affrontent sans retenue, le monde des laïcs dont il
critique, dans les pays arabes, les « référents occidentalisés » et celui des islamistes dont il
réprouve « le refus d’accepter la différence et la diversité culturelle. »
Lors de la conférence qu’il a donné à Tunis le 25 février 2012, il a repris cette thématique,
devant un parterre d’intellectuels tunisiens venus l’écouter mais aussi pour certains le
contester, et pour ce qui me concerne, j’ai à nouveau entendu l’homme brillant que nous
connaissons, dont la clarté de la pensée et la pertinence du propos savent séduire autant que
convaincre.
Alors que l’un des participant lui faisait grief de s’exprimer en Français et alors qu’il était très
simple de faire valoir que l’un des invités au débat, Jean BAUBEROT, pour le camp laïc
n’était pas arabophone, il a préféré répondre, qu’il convenait d’apprendre à accepter la
différence et la richesse culturelle : « Il faut gérer la pluralité plutôt que de rejeter les
spécificités et les singularités, à partir d’un référentiel que l’on ne rejette pas mais qui ne doit
pas être exclusif (...) il est préférable d’additionner les cultures et d’en assimiler le plus grand
nombre possible, que de les soustraire les unes aux autres. Le fait de savoir parler en arabe et
en français est préférable au fait de ne savoir parler qu’une seule langue et d’entreprendre un
rejet des autres cultures, démarche assimilable à un repli identitaire.»
A un autre participant qui lui faisait part de sa déception, alors même qu’il attendait un
discours plus engagé dans l’Islam, plus prosélyte, plus religieux, il a rétorqué sèchement qu’il
n’était pas là pour plaire.
Tariq RAMADAN fonde donc clairement sa réflexion sur la polarisation des situations que
chacun des deux camps a intérêt à instrumentaliser, il rejette les passions qui en résultent et
« qui rendent les uns et les autres sourds. » Chacun des deux camps cherchant ainsi à justifier
son existence par l’existence de l’autre et sa légitimité dans la diabolisation de l’autre.
Pour Tariq RAMADAN, le laïc n’est pas forcément démocrate et libéral, et l’islamiste n’est
pas, nécessairement rétrograde et non démocrate. On trouve poursuit-il des laïcs qui ne sont ni
démocrates ni libéraux, tandis qu’il y a des islamistes qui sont de parfaits démocrates et de
grands libéraux. Il précise au passage qu’il n’y a pas «
les islamistes
», mais différents
courants islamistes ce qui est d’ailleurs le cas du parti ENNHADA.
Rien ne justifiant l’antagonisme qui existe entre laïcs et islamistes, Tariq RAMADAN va
préciser sa pensée sur le fond en prenant l’exemple de la Tunisie, qui est un pays composé
pour l’essentiel de musulmans et dont il est naturel qu’il ait un projet social et politique avec
un référent islamique qui influence l’Etat. Mais il ajoute d’une part, que cette influence ne
doit pas être dogmatique, mais éthique et d’autre part que si le texte ne peut changer, c’est la
compréhension des choses qui doit évoluer, la Charia devant pouvoir avoir différentes
lectures.
C’est dans cette analyse que se trouve toute la dimension d’un Islam moderne, évolué, adapté
au 21 siècle, conciliable avec les Etats laïcs occidentaux, soutenu par Tariq RAMADAN, qui
dans le même temps rejette la polémique créée à la suite de la visite en Tunisie de Wajdi
GHENIM, prédicateur extrémiste égyptien qui prône l’excision, dont il condamne le discours
en ce qu’il participe à la polarisation entre laïcs et islamistes, constituant pour lui le véritable
danger, de même que les Salafistes, dont il considère « qu’ils manquent de recul et de
discernement. »
Tariq RAMADAN affirme qu’il est pour un islam décomplexé ouvert, en mouvement et
ajoute « l’Islam ce n’est pas tu écoutes et tu répètes l’Islam, c’est tu écoutes et tu
questionnes», ce qui suppose l’éducation, la culture et l’encouragement de l’esprit critique.
Pour Tariq RAMADAN, il n’y a pas un musulman type, il n’y a pas les bons et les mauvais
musulmans, personne ne peut se prévaloir d’être plus musulman qu’un autre, est musulman
celui qui dit «
je suis musulman
» et personne sauf Dieu ne peut lui en contester la qualité.
Ainsi on ne doit pas pouvoir, et le plus souvent par une interprétation toute personnelle et
souvent extrême du Coran, imposer à ses semblables des règles de vie ou de comportement
sauf à leur dénier cette qualité.
Tariq RAMADAN a eu le courage d’aborder le problème de l’évolution de la religion
musulmane dans la société, ce qui est la clé de la solution des conflits qui opposent laïcs et
islamistes, en particulier avec la Charia qui a vocation à régir la vie du musulman pour le
présent, le futur et même afin de le préparer pour l’au-delà, et qui doit tout naturellement être
susceptible d’évolution, le terme Charia signifiant en arabe « ouvrir, devenir clair » ce qui
conforte la position du conférencier.
Il est sûr qu’un homme de la culture et de l’intelligence de Tariq RAMADAN, qui traite d’une
matière particulièrement sensible, n’avait aucune chance d’échapper aux grands inquisiteurs
qui sévissent dans notre pays et qui font que celui qui est diabolisé n’est jamais écouté, sauf
pour tenter, souvent en interprétant ses dires de façon erronée ou en lui imputant des
déclarations qu’il n’a jamais faites, de le piéger. Lors d’un débat qu’il avait eu avec Nicolas
SARKOZY, alors Ministre de l’intérieur à propos de la lapidation des femmes encore en
cours dans certains pays, Tariq RAMADAN avait proposé un moratoire, suscitant l’ire de son
interlocuteur qui exigeait une condamnation pure et simple, sans chercher à comprendre la
position de Tariq RAMADAN, alors que l’on sait bien qu’en pays d’Islam, la méthode qu’il
proposait est la seule qui permettrait aux femmes qui pourraient en être les victimes,
d’échapper à cet abominable supplice. En fait la démarche de Tariq RAMADAN qui est celle
du Coran et qui a donc été celle constante du prophète, est de s’opposer à la politique du tout
ou rien, pour faire progresser les mœurs et les idées. « Il faut laisser de côté ses émotions pour
agir rationnellement et permettre le dialogue entre les différents courants. »
L’intense diabolisation dont fait l’objet l’islamologue Tariq RAMADAN, qui a toujours nié
appartenir aux Frères Musulmans », trouve certainement son fondement dans l’appartenance
de membres de sa famille à ce mouvement et aussi au fait que son grand-père, Hassan El
BANNA en fut le fondateur. Il faut bien reconnaître aussi que la France est le pays des procès
d’intention dans lesquels celui qui en est l’objet, lorsque l’on ne partage pas les opinions, sera
toujours et définitivement présumé de mauvaise foi. Tariq RAMADAN qui propose, dans un
monde manichéen un processus tout en nuance, dans le souci de concilier l’inconciliable, ne
peut-être, pour les hommes de bonne volonté, qu’un médiateur, et pour les autres, qu’un
imposteur.
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