Ecole Laverdet

ivarssylvia - Lucien Cervera

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Publié par	ivarssylvia
Publié le	24 mars 2012
Nombre de lectures	2 685
Licence :	Tous droits réservés
Langue	Français

Extrait

ECOLELAVERDET1946‐1956ParLucienCERVERA

Photo:degaucheàdroiteMmeCHAMBON;MrCORTES;MmeLEFEBVRE;MmeSENDRA;MrRENUCCI;MrSENDRA,Directeur;MrNAHON;MmeCERVERA;MrMANDRILLON;MrCERVERA;MrCAUMES.1

L'anprochainlaFrance,toujoursprêteàs'excuserdesonpassé"colonialiste",vacélébrerlafindelaguerred'Algérieetl'exoded'unmilliondePiedsNoirs.

Levieilinstituteurquejesuis,nepeutresterinsensibleàcetévènement.AprèsavoirenseignéenKABYLIE,prèsdeDRA‐el‐MISAN,j'aiétémutéàl'EcoleLAVERDET,àMAISON‐CARREE.Cettevilleestunpeulesymboledelaréussitedel’oeuvredelaFranceenAlgérie.

Auborddel'Harrach,unepetiterivièreauxcruesdévastatrices,nosancêtresPiedsNoirs,sesontacharnésàconstruireunepetitebourgadequi,vusasituation,allaitprendreàlafindusiècle,unessortellementconsidérablequ'ilfallutconstruiredesbâtimentspublics.C'estainsiquedanslecentrepeuplésurtoutd'européens,futédifiéelapremièreécole,quiplustardpritlenomdeGroupeScolaireLAVERDET,enhommageàunjeuneinstituteurtuéàlaguerre1914‐18.

Cegrandbâtimentcomprenaittrenteclasses(fillesetgarçons).Desmilliersd'enfantsdeMaison‐Carréeetmêmedesenvironsyontpoursuivileursétudes.C'estpourquoi,jepensequepourlongtemps,leGroupeLAVERDETresteradanslamémoiredes"PiedsNoirs".Personnellementj'engardeunsouvenirinoubliable,carilaprofondémentmarquémavie.J'aid'abordétéélève,puisinstituteurpendantdixans.Maissurtoutiladécidédemondestin:c'estlàquej'airencontréOdetteMENINGAUD,jeuneinstitutrice,quideviendramonépouse

Aprèslecertificatd'étudesà12ans,l'instituteurdemonvillage,M.LHERMET,demandaàmesparentsdefairelesacrificedem'envoyeràMaison‐Carrée,pourpoursuivremesétudesaucourssupérieurdel'EcoleLAVERDET.Cetteclassepréparaitauconcoursdesboursesquipermettraitauxpluspauvresl'entréegratuiteaucollège(autrefoisEPS).Ilyavait14kilomètresentremonvillagedeCap‐MatifouetMaison‐ Carrée.HeureusementquelapetitegaredesCFRA(CheminsdeFersurRouted'Algérie)setrouvaitàproximitédel'écoleLAVERDET.Avecuncopaind'école,AntoineCASANOVA,filsducordonnierduvillage,onseretrouvait,touslesmatins,debonneheureàlapetitegaredeCAP‐MATIFOU.Lepetittrainarrivaitplusoumoinsàl'heure.Ils'annonçaitparungrandpanachedefumée.ILtraversaittoutlevillage,longeantlesmaisonssoufflantetcrachantsavapeur.Onl'appelaitle"Bouyouyou"carsonsiffletstridentressemblaitaux"youyou"desfemmesindigènes.Danslespremiersjoursdelasemaineiln'yavaitpasgrandmonde.Ons'amusaitenpassantd'unwagonàunautre.Moncamaradeétaitdéjàunexcellentmusicien.Desfoisilemportaitsatrompetteet,àchaquearrêt,iljouaitunpetitairaugrandplaisirdesvoyageurs.MaisleVendredi,jourdemarchéàMaison‐Carrée,lesgenss'entassaientdansleswagonsavecleursbagagesetleursanimaux.Lagared'arrivéeétaitàdeuxpasdel'école.NousnousfaufilionsdanslacourparlapetiteportedelaconciergemadameMaiche.Commeonétaitenavance,onavaitledroitd'entrerdansnotreclasseavantl'heure.Engaminscurieux,onallaitdiscrètementfouillerdansle

bureaudumaître,MonsieurSUBERVIELLE,ledirecteurdel'écoledegarçons,avecl'espoird'ytrouverlesujetdelaprochaineinterrogationécrite!Toutcelaaveclacomplicitédufilsdudirecteur,YvesSUBERVIELLEquisuivaitaussicecours.Jemesuistoujoursdemandés'ilnerapportaitpasnostricheriesàsonpère.

Parrapportàl'écoledemonvillage,leGroupeLAVERDETétaitunbâtimentimposant,avecsesdeuxécoles,degarçonsetfillesetquicomptaitpasmoinsdevingtclasses.Pournousélèvesdelacampagnec'étaittoutnouveau.Onnenousappelaitplusparnosprénoms,maisparnotrenomdefamille.Nousétionscensésêtrelesmeilleursélèvesducanton.Nousn'étionspastrèsnombreuxJemesouviensdesplusbrillants:ALBANO,LECH,MIR,ROSELLO,BLIN,SORIAfilsdel'épicier,HADJADJ,filsdumarchanddetissus,GINESTET,filsducharpentier,etsurtoutPENALVA,lefameuxgoalduR.C.M.C.EnfinilyavaittroisélèvesdeBelfortdontjemesouviensparticulièrement:FUMETTI,Amaslefilsducharcutier,etPRECIOSI.Cedernier,boncamarade,avaitdéjàunefortepersonnalité.Ilsedistinguapendantlaguerrepardesactesdebravoure(épopéedusous‐ marinCasabianca)Laclasseterminéenousrejoignions,avecAntoineCASANOVA,lagareduCFRA,pourreprendrelepetittrainpoussifquigravissaitpéniblementlacôtedeBelfort.C'estlàqueparfoisnousnousrisquionsàdescendreenmarchedupremierwagonpourremonterdansledernier.Nousarrivionscheznousàlatombéedelanuit.Jefaisaisalorsmesdevoirsàlalueurd'unelampeàpétrole.

Aprèscetteannéedescolaritébienrempliej'étaisadmisauconcoursdesboursesquimepermettaitl'entréeaucollège.Lesacrificedemesparentsn'avaitpasétévain.Jepouvaispoursuivremesétudes.

EcoleLAVERDET20ansaprès

Vingtansaprèsjefranchisànouveaulaportedel'EcoleLAVERDET,commeinstituteur.CetteentréesetrouvefaceausquareALTAIRAC,unmagnifiquejardinavecsonkiosqueàmusique.Devantsaloge,jesaluelaconciergemadameJordi,quimereçoitavecunbeausourire.Jerevoisdesuitelagrandecourgoudronnéeoùjem'amusaisjadisaveclescopainsetlesclassestoutautour.C'estunegrandeémotionetunefiertéquejeressensenrevenantsurceslieuxdemonenfance.C'estlàquejevaispasserdixansinoubliablesdemavie.Al'époquej'habitaistoujoursauCap‐Matifou.ChaquematinjerejoignaisMaison‐ Carréeavecl'autobusquiavaitremplacélepetittraind'autrefois.Aprèsunedemi‐heuredetrajetl'autobusmedéposaitdevantleCaféGarry.L'écolesetrouvaitàdeuxpas.JepassaisprèsdumarchécouvertetdevantlesquareALTAIRACtouslesjours.Ilsetrouvaitunphotographeambulantetunbreckàchevalavecunvieuxcocher.J'apprendraisplustardquecetattelaged'unautreâgefaisaitlanavetteentrelecentredeMaisonCarréeetl'usineALTAIRAC.

Mapremièreclassesesituaitaurez‐de‐chaussée.Sesmursportaientencorelatracedel'inondationdeI930àenvirondeuxmètresduplafond.C'estavecuneréelleémotionquej'entraisdanscetteclassequifaisaitremonterenmoilessouvenirsdecetteterriblecruedel'Harrachdontj'avaisétéletémoin.Commeélèveàl'EPS,j'étaisauxpremièreslogespourvoirdesscènesinoubliablesetmacabresquimarquèrentmamémoired'enfant.Delacourdel'écolequisurplombelavillec'étaitunevisiond'apocalypse.Lesflotsdel'inondationemportaienttoutsurleurpassage:desarbres,desanimaux...despersonnes.

Lepremierjourdeclasse,ledirecteurMonsieurSENDRAmeprésenteauxcollègues.Noussommesunequinzained'instituteursetd'institutrices.Al'époquelatenuedesenseignantsétéassezstricte.Leshommesétaientencostumeaveccravate,lesfemmesentailleuravecjupe.Lamodedupantalonneviendraqu'aprèsI968.Enclassel'instituteurrevêtaitengénéraluneblousegriseounoire.Lesélèvesportaienttoujoursuntablier.

L'écoledegarçonscomptaitseizeclasses.Ilyavaitautantd'institutricesqued'instituteursMonsieurSandraledirecteurqui,parsaprestance,imposaitsonautoritéauxgrandsélèvesdelaclassedefind'Etudes,avaitétéprisonnierenAllemagnependantlaguerre.Nousneparlionsjamaisentrenousdecettepériodedecaptivité,oudelaguerre.Safemme,MadameSENDRA,enseignaitaucoursélémentaire,deuxièmeannée.UndenosanciensélèvesMarcoFERRISIenafaitleportraitunpeusévère,maisavecbeaucoupdetalentdansundeseslivres,les"LesachélèmesdeMaison‐Carrée".

Touslesinstituteursétaientdesmaitreschevronnés.JemesouviensdeMonsieurRENUCCIquipréparait,aucoursmoyen,l'entréeensixième.Savoixtonitruantearrivaitparfoisjusqu'àmaclasse.

MessieursSAMPIRRI,NAHON,CORTES,PILOSU,MANDRILLONenseignaientaussidanslesgrandesclasses,ainsiqueMonsieurCAUMESquiavaitlaréputationd'êtresévèreenclasseetenrécréation.JeciteencoreMarioFERRISIquiledécritainsi"MonsieurCAUMESavaitunetêteàpunitions".Ils'investissaitbeaucoupdansdesoeuvresauservicedesfamilleslesplusdéshéritées.Chaqueété,ildirigeaitlacoloniedevacancesdeYAKOUREM.Lesinstitutrices,MesdamesVANUCCI,LEFEBVRE,CHAMBON,THEVENINpréféraientlespetitesclasses.C'étaientdevéritablesmères‐poulesaveclesplusjeunesenfants.Ellesétaienttoutesmèresdefamille.Parmiellesilyavaituneseulejeunefille,timideetsourianteMademoiselleOdetteMENINGAUDquisixmoisplustarddeviendra.....MadameCervera.MarcoFERRISIquiavaitétésonélèveaucoursélémentaire,serappelle,Jelecite avecbeaucoupdenostalgiedel'écoleLAVERDETetdesoninstitutrice.:"devantmoiapparaîtletableaunoirsurlequelMadameCervera,méticuleuse,avaittracéd'unecraieassurée,lesjambages,deslettres:lundi,mardi,mercredi.Jemesouviensdeces

matinsstudieux....."C'estbienlecaractèredemafemmequiétaittrèsméticuleuse,ordonnéeettrèsconsciencieusedanssontravail.Jelisçaavecleslarmesauxyeux.

Acetteépoqued'aprèsguerre,leseffectifsoscillaiententre5Oet60élèvesparclasse.Ladisciplineétaitplusstrictequ'aujourd'hui.Onentraitetonsortaitdeclassetoujoursenrangetensilence.Ilyavaitautotalcinqàsixcentsgarçonsde6àI4ansdansl'école.Lesrécréationsétaientbruyantes;maisnousn'avionspasdeproblèmesaveclesélèvesetlesparents.Ilfautdireaussiqu'àcetteépoqueIlyavaitplusd'autoritédanslesfamillesetàl'école.Lesenfantsn'étaientpasdistraitsàlamaisoncommeaujourd'hui,parlatélévision,Internetetlesjeuxvidéo.

Lemobilierdenosclassesavaitétémodernisé,parrapportàl'époqueoùj'étaisélève.Leslongsbancsavaientétéremplacéspardestablesàdeuxplaces,avecpupitreetcasier.Encastrédanslatable,l'encrierenporcelaineblanche,étaitremplid'encreviolette.

Chaquematinlaclassecommençaitparlaleçondemorale.Puissuivaitlapaged'écriture,avecpleinsetdéliés,qu'ontraçaitavecunporte‐plumequ'ontrempaitdansl'encreviolette.Lestylobille,quirévolutionnel'écriture,n'entreradanslesclassesquevers1950.

Nosélèvesétaientpourlaplupartdesenfantsdenotablesdelavilleoudecommerçantsconnus.JemesouviensdesfilsdesdocteursDJABOUR,CINTURA,GERSLE,FLECKlesdeuxfilsARRAVIT,ESPAZA,FORESTIER,FEMENIAS,SIMIAN,lesenfantsdespharmaciensBERGONZO,SOUMAGNElefilsduSecrétairedeMairie,ALLAGNAT,lesenfantsdemilitaires:SOUBERVIE,BURDIN,LEFEBVRE.LefilsdumarchanddetissusHADJADJ,lefilsdumozabite,lefilsduquincaillerBRUN,enfinlesfilsdenoscollèguesLEFEBVRE,CORTESetRENUCCI.

J'aiquittél'EcoleLAVERDETen1956,avantquedegravesévènementsviennentbouleverserlaviesicalmedecetteécole.C'est,peut‐êtrepourça,quejegardeunsouvenirintactdecesannéespasséesàl'EcoleLAVERDETavecungrouped'enseignantsexceptionnels.Nousn'avionspastousBac+5commelesprofesseursd'écoled'aujourd'hui.Nousétionsdesimples"maitresd'école",formésdanslesécolesnormalespourapprendreàlireetàécrireànosenfantsetàleséduquer.C'estavecungrandplaisirquejerevoisaujourd'huid'anciensélèvesquiontfaitleurchemindanslavie.Jesuisfierquandilssesouviennentencoredemoi.

Aprèsplusdecinquanteans,l'ECOLELAVERDETrestedansmamémoireetjepensequelleresteraaussipourlongtempsdanslesouvenirdemilliersdeMaison‐Carréensquiyontpoursuivileursétudes.Récitécritenjanvier2012parLucienCERVERA,ancieninstituteurdel’écoleLAVERDET. LucienCERVERAestnéàCAPMATIFOUle25Août1913