La banque saint-simonienne : le projet des Sociétés mutuelles de crédit des frères Pereire - article ; n°2 ; vol.13, pg 59-99
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Revue française d'économie - Année 1998 - Volume 13 - Numéro 2 - Pages 59-99
This paper studies the 1853 Sociétés de crédit mutuel (SCM) scheme which was proposed to Napoléon III by the Pereire brothers, two Saint- Simonian bankers. This mutual bank scheme put a reform of the banking system forward. The Pereire brothers aimed at implementing the Saint- Simonian political programm : the emancipation of « labour » towards « capital ». The paper expounds the principles of the SCMs' neo-corporatism which both lies on the mutual benefit society (deriving from the collective and non hierarchical organisation of labour), and on banking practices (based on the accumulation of private informations against borrowers). Moreover, the paper tests the previous principles : it shows that the SCM subscribe to conditions which make them viable thanks to specific processes of asymmetric information. The paper concludes on the reasons which made this scheme not to be implemented. According to us, these are related to the very Saint-Simonian conception concerning the relationships between labour and capital.
Nous examinons le projet des Sociétés de crédit mutuel (SCM) de 1853 proposé à Napoléon III par les frères Pereire, saint-simoniens et banquiers. Ce projet de banque mutuelle propose une réforme des institutions bancaires de l'époque dans le but de réaliser le programme politique saint-simonien : l'indépendance du « travail » à l'égard du « capital ». Nous exposons les principes du néocorporatisme des SCM qui s'appliquent à deux niveaux : mutuel, par l'organisation collective et non hiérarchique du travail ; bancaire, par l'accumulation d'informations privées sur les entrepreneurs. De plus, on teste les principes précités : on montre que les SCM sont viables sous certaines conditions qui découlent d'un traitement particulier de l'asymétrie de l'information. Nous concluons sur les raisons pour lesquelles le projet des SCM ne fut pas appliqué. Celles-ci tiennent, selon nous, à la conception saint-simonienne des rapports entre le travail et le capital.
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Franck Yonnet
La banque saint-simonienne : le projet des Sociétés mutuelles
de crédit des frères Pereire
In: Revue française d'économie. Volume 13 N°2, 1998. pp. 59-99.
Abstract
This paper studies the 1853 Sociétés de crédit mutuel (SCM) scheme which was proposed to Napoléon III by the Pereire
brothers, two Saint- Simonian bankers. This mutual bank scheme put a reform of the banking system forward. The
brothers aimed at implementing the Saint- Simonian political programm : the emancipation of « labour » towards « capital ». The
paper expounds the principles of the SCMs' neo-corporatism which both lies on the mutual benefit society (deriving from the
collective and non hierarchical organisation of labour), and on banking practices (based on the accumulation of private
informations against borrowers). Moreover, the paper tests the previous principles : it shows that the SCM subscribe to conditions
which make them viable thanks to specific processes of asymmetric information. The paper concludes on the reasons which
made this scheme not to be implemented. According to us, these are related to the very Saint-Simonian conception concerning
the relationships between labour and capital.
Résumé
Nous examinons le projet des Sociétés de crédit mutuel (SCM) de 1853 proposé à Napoléon III par les frères Pereire, saint-
simoniens et banquiers. Ce projet de banque mutuelle propose une réforme des institutions bancaires de l'époque dans le but de
réaliser le programme politique saint-simonien : l'indépendance du « travail » à l'égard du « capital ». Nous exposons les
principes du néocorporatisme des SCM qui s'appliquent à deux niveaux : mutuel, par l'organisation collective et non hiérarchique
du travail ; bancaire, par l'accumulation d'informations privées sur les entrepreneurs. De plus, on teste les principes précités : on
montre que les SCM sont viables sous certaines conditions qui découlent d'un traitement particulier de l'asymétrie de
l'information. Nous concluons sur les raisons pour lesquelles le projet des SCM ne fut pas appliqué. Celles-ci tiennent, selon
nous, à la conception saint-simonienne des rapports entre le travail et le capital.
Citer ce document / Cite this document :
Yonnet Franck. La banque saint-simonienne : le projet des Sociétés mutuelles de crédit des frères Pereire. In: Revue française
d'économie. Volume 13 N°2, 1998. pp. 59-99.
doi : 10.3406/rfeco.1998.1050
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1998_num_13_2_1050Franck
YONNET ШШШ1ЕЕШЕШШШШЕЕШШ
La banque
saint-simonienne,
les « travailleurs » et les
« capitalistes » :
le projet des Sociétés mutuelles
de crédit de 1853 des frères Pereire
n connaît sans cloute l'action finan
cière des frères Pereire à travers notamment le Crédit mobilier
dans le domaine de la grande industrie (Autin [1984], Bouvier
[1968 et 1973], Chadeau [1988], Plessis [1982 et 1985], Ver-
geot [1918]). 60 Franck Yonnet
Jacob Emile Pereire (1800-1875) et Isaac Pereire (1806-
1880), nés à Bordeaux, arrivent à Paris au début des années mille
huit cent vingt. D'abord employés de banque chez Vital-Roux
et James de Rothschild, ils adhèrent quelque temps au Saint-Simo-
nisme (1830-1832) et rédigent des articles financiers dans les
colonnes du Globe et du National. Ils acquièrent ensuite pro
gressivement une bonne expérience de la Bourse, de la banque,
et des transports et participent au développement des premières
lignes de chemins de fer françaises. Dès les années 1835-1837,
Emile Pereire avait, pour le compte des Fould et pour celui de
d'Eichthal, dirigé la construction et la mise en service, puis
contrôlé l'exploitation, l'administration et le financement des
chemins de fer de Paris à Saint-Germain-en-Laye et de Paris à
Versailles par la rive gauche dont il était également actionnaire.
Il avait aussi, pour le compte de Rothschild, contribué à la fo
rmation du Paris-Lyon et dirigé la gestion du Nord, puis celle de
la Compagnie de l'Ouest. A la même époque, Emile Pereire pro
jetait également la fondation de la Compagnie du Midi.
Les affaires des Pereire furent touchées par la crise de
1848. C'est ainsi qu'après la mise sous séquestre et la liquidation
du Paris-Lyon, ils se firent les instigateurs de toutes les combin
aisons, pivotant autour des chemins de fer de Paris à Lyon et
de Lyon à Avignon, qui occupèrent les Assemblées de 1849 à 1851.
Ils voulurent créer une banque des chemins de fer (prototype du
futur Crédit mobilier) afin de développer le secteur des travaux
publics. Après avoir participé, au mois de janvier 1852, à la
conversion du titre de rente d'Etat 5 % en 4,5 % (qui stimula
l'économie par la baisse des taux d'intérêt et renforça la politique
financière de l'Empire naissant), les Pereire obtinrent de Napol
éon III l'autorisation sollicitée pour la création du Crédit mobil
ier pour le prêt à long terme à l'industrie. Cette dernière inst
itution sera l'un des moteurs de l'essor industriel sous le Second
Empire.
Après la chute du Crédit mobilier en 1 867, les Pereire per
dent leur rôle de premier plan, mais leur exemple pionnier va sus
citer en France l'apparition des grandes banques modernes :
capital-actions, appel massif à l'épargne par l'émission d'obliga- Franck Yonnet 61
tions et l'ouverture de compte-courants, financement industriel
à long terme par participations directes, constitution de réseaux
bancaires nationaux. . .
Les écrits des Pereire sont en revanche moins connus des
économistes, sans doute à cause de leur caractère non théorique
(voir Barrère [1994] ou Schumpeter [1983])1.
Leur conception de la banque présente pourtant un inté
rêt quant à la compréhension de la logique de la politique éc
onomique du Second Empire, mais aussi quant à la construction
de la banque moderne.
Les thèses bancaires des Pereire reprennent la stratégie
saint-simonienne globale : la lutte contre le parasitisme des
« oisifs », tels les propriétaires fonciers ou les « capitalistes » (ren
tiers et usuriers). Ces derniers tirent leurs revenus du capital
prêté sans offrir de contrepartie productive, c'est-à-dire en exer
çant une simple ponction sur les revenus du « travail » (les « tra
vailleurs » regroupant les agriculteurs, ouvriers et petits entre
preneurs). Les « travailleurs », au contraire, qu'ils soient patrons
ou salariés, mettent en œuvre le capital productif.
Pour les Saint-Simoniens, cette lutte contre les « oisifs »,
détenant le « capital » (non productif)» peut être menée de façon
privilégiée par la réforme du système bancaire pour stimuler la
croissance. Le cœur du projet saint-simonien est en effet d'orient
er l'épargne vers l'investissement de façon plus efficace en lut
tant, d'une part, contre le détournement de l'épargne product
ive notamment vers les emprunts d'Etat et, d'autre part, contre
les pratiques usuraires.
Aussi, les Pereire vont-ils essayer de mener leur action sur
deux plans : celui de la grande industrie à travers la création du
Crédit mobilier en tentant de supplanter la haute banque afin
de recycler l'épargne improductive des rentiers ; celui de la petite
industrie au travers de banques mutuelles en tentant d'éliminer
les usuriers afin d'offrir de meilleures conditions de crédit aux
petits entrepreneurs.
On étudiera ici l'un de leurs projets, soumis à Napoléon
III en 1853, relatif à la création de Sociétés de crédit mutuel
(SCM). Pour les Pereire (souligné dans le texte, [1853a], p. 163), 62 Franck Yonnet
« Le Crédit mutuel, en faveur des petits entrepreneurs, tâcherons
et ouvriers en chambre, combiné de manière à mettre à leur por
tée les avantages et l'économie de temps et d'argent, dont jouis
sent les clients de la Banque de France, était, dans la pensée des
fondateurs du Crédit mobilier, l'une des premières créations de
cet établissement. »
A travers le projet des SCM, l'intention des Pereire (grands
banquiers) est double. Ils souhaitent non seulement améliorer les
conditions de l'offre de crédit des petits entrepreneurs alors vic
times de l'usure, mais aussi renforcer la sécurité du système ban

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