La nature de la révolution Walrasienne - article ; n°2 ; vol.4, pg 175-186
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Description

Revue française d'économie - Année 1989 - Volume 4 - Numéro 2 - Pages 175-186
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

André Zylberberg
La nature de la révolution Walrasienne
In: Revue française d'économie. Volume 4 N°2, 1989. pp. 175-186.
Citer ce document / Cite this document :
Zylberberg André. La nature de la révolution Walrasienne. In: Revue française d'économie. Volume 4 N°2, 1989. pp. 175-186.
doi : 10.3406/rfeco.1989.1220
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1989_num_4_2_1220André
ZYLBERBERG
La nature
de la révolution
walrasienne
e titre volontairement provocat
eur de ce mémoire résume le sens du combat auquel
Léon Walras va consacrer sa vie : la théorie économique
doit devenir une branche de la mathématique. Il ne put
jamais publier ce texte en France. Au début de l'année
1876, il fait parvenir ce mémoire à J. Bertrand, en espé
rant le voir paraître dans La revue des deux mondes dont
Bertrand est précisément un des rédacteurs. Le célèbre
mathématicien, dont le nom restera éternellement lié à sa 176 André Zylberberg
critique de l'équilibre de Cournot, lui répond que ce
mémoire ne correspond pas au style de la revue et suggère
à son correspondant de s'adresser plutôt à une revue
scientifique. L. Walras sollicite alors H. Charlon, secré
taire du Cercle des actuaires français et éditeur du Journal
des actuaires français. Il essuie le même refus poli. En
désespoir de cause, L. Walras décide de faire paraître son
texte en Italie où l'économie mathématique s'implante
beaucoup plus facilement qu'en France. G. Boccardo —
professeur à l'université de Gênes et éditeur de la Biblio-
teca delV economista où doivent être publiés des ouvrages
de Whewell, Cournot, Jevons et Walras — en assure la
traduction qui paraît en avriï 1876 dans le Giornale degli
economisti l.
La science contre l'église
Dans l'esprit du maître de Lausanne, sa manière de conce
voir l'économie politique rompt avec le passé sur le
concept de « démonstration ». A la fin des Eléments d'éc
onomie politique pure, il précise sa pensée de la façon
suivante 2 :
« Affirmer une théorie est une chose, la démontrer en est
une autre. Je sais qu'en économie politique on donne et
reçoit tous les jours de prétendues démonstrations qui ne
sont rien autre chose que des affirmations gratuites. Mais
précisément, je pense que l'économie politique ne sera
une science que le jour où elle s'astreindra à démontrer
ce qu'elle s'est à peu près bornée jusqu'ici à affirmer gra
tuitement ».
L'économie pure de Walras se confond avec
l'étude d'une économie de concurrence pure et parfaite
et le modèle mathématique qui s'y rattache est celui de
l'équilibre général. L. Walras ne prétend d'ailleurs pas André Zylberberg 177
que les conclusions auxquelles il aboutit, bouleversent les
principaux enseignements de l'économie politique tradi
tionnelle. Au contraire, il estime même qu'elles confortent
ce qu'il nomme le « principe de la libre concurrence », à
savoir que ce système impliquerait la plus grande sati
sfaction possible des besoins à condition que le prix de
chaque bien soit unique et que le prix de vente de chaque
produit coïncide avec son prix de revient. Il revendique
simplement avoir été le premier à l'établir scientifique
ment, alors qu'au contraire « les économistes jusqu'ici ont
moins démontré leur laisser-faire, laisser-passer qu'ils ne
l'ont affirmé à Pencontre des socialistes, anciens et nou
veaux, qui, de leur côté, affirment sans la démontrer
davantage l'intervention de l'Etat » 3.
Les économistes libéraux français vont rejeter
avec virulence cette intrusion de la démarche scientifique
dans un domaine qui relèvent pour eux du dogme rel
igieux. L. Walras cite avec une évidente jubilation de longs
extraits de l'article Concurrence du Dictionnaire de l'éc
onomie politique de Coquelin et Guillaumin, dans lequel
on découvre que le principe de la libre concurrence est
« trop grand, trop élevé, trop saint, et, dans son appli
cation générale, trop au-dessus des pygmées qui le menac
ent, pour qu'il soit nécessaire de le défendre ».
Dans ses études sur les relations entre la science
et l'ordre social, R. Merton met particulièrement bien en
évidence comment l'esprit scientifique menace Tordre
établi 4 en opérant un renversement des valeurs de telle
sorte que le doute supplante la foi. Le scepticisme orga
nisé véhiculé par l'attitude scientifique représente tou
jours un défi pour les groupes qui assoient leur dominat
ion sur des dogmes intangibles, car, tôt ou tard, ce
scepticisme questionne les bases de la routine établie. Il
n'y a aucune nécessité d'ordre logique à ce que les conclu
sions scientifiques s'opposent aux dogmes ou aux 178 André Zylberberg
croyances pour que le conflit éclate. Elles peuvent même
confirmer le dogme, elles n'empêcheront pas la condamn
ation d'une approche scientifique. L'explication d'un tel
phénomène provient de l'insularité du domaine de la foi.
Tout ce qui touche au dogme ne peut et ne doit trouver
sa confirmation dans une autre sphère — la sphère pro
fane — sous peine d'introduire subrepticement un doute
sur son intangibilité.
L'analyse de Merton s'applique parfaitement au
rejet de l'économie walrasienne par l'Ecole libérale
française 5. Au début du XXe siècle, attaquée de toute
part et déjà sur la voie du déclin, cette école se replie sur
elle-même. Elle vit sur un dogme, « laisser-faire, laisser-
passer », considéré comme un principe infaillible et
immuable. Devant cet adversaire, L. Walras mène le
combat d'un scientifique rejeté par l'Eglise et l'Eglise
excommunie le savant coupable d'approcher le dogme
par une autre voie que celle des saintes écritures. Il ne
s'oppose pas à l'Ecole orthodoxe en brandissant le dra
peau de la révolution, mais celui de la science. Toutes les
attaques de Walras se concentrent sur l'idée que les éco
nomistes n'ont, avant lui, jamais rien démontré. L. Walras
conteste souvent, moins le fond des propositions, que la
manière d'y parvenir. Ces idées de Merton appliquées au
conflit opposant L. Walras à l'Ecole orthodoxe, expli
quent pourquoi cette dernière n'utilise jamais les conclu
sions de l'économie pure dans un sens « apologétique ».
Après tout, les libéraux peuvent légitimement prétendre
que les conclusions de Walras et Pareto sur la libre con
currence et le maximum d'utilité, ne font que confirmer
leurs thèses. L. Walras semble même les y inviter lorsque,
commettant les implications de ses théorèmes sur le prin
cipe de la libre concurrence, il ajoute que « c'est bien là,
en somme, ce que les économistes ont déjà dit en pré
conisant le laisser-faire, laisser-passer » 6. Seulement les André Zylberberg 179
économistes n'évoquent ni de près, ni de loin un tel par
rainage scientifique. Ils ne peuvent utiliser ce type d'a
rgument car ce serait avouer qu'ils recherchent précis
ément une confirmation. La défense d'un dogme, ou
simplement H' une conviction profonde, ne relève pas du
discours scientifique. Au contraire, celui-ci les menace
implicitement avec son cortège « d'hypothèses », de
« toutes choses égales par ailleurs » et autres « exceptions
à la règle ». Même de nos jours, rares sont les libéraux
qui mettent en avant les résultats de la théorie de l'équi
libre général comme une confirmation des vertus du capi
talisme. S.C. Kolm a raison d'affirmer que la prétendue
utilisation apologétique de l'économie néo-classique n'est
qu'en grande partie une légende entretenue par ses
adversaires 7.
Les mathématiques contre la liberté
Si le nombre de pages consacrées à développer un argu
ment devait mesurer son importance, on pourrait penser
que le rejet de L. Walras par les économistes français est
surtout d'ordre philosophique. Avant 1914, la grande
m

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