Les syndicats ont-ils un effet différencié sur les salaires des hommes et des femmes ? - article ; n°4 ; vol.21, pg 71-126
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Les syndicats ont-ils un effet différencié sur les salaires des hommes et des femmes ? - article ; n°4 ; vol.21, pg 71-126

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Revue française d'économie - Année 2007 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 71-126
Do Unions have a Different Effect on Male and Female Wages?
In this article, we investigate unions’ effect on female wages and gender wage gap, in the light of theoretical and empirical economic literature. Unions may have an impact on the gender wage gap on the one hand, if union wage premiums depend on gender, everything else equal, and on the other hand, if male and female workers are differently allocated in activities or industries with large union wage premiums. Empirical studies find that union wage premiums are higher for women. However, unions’ wage effect is higher in activities that are predominantly male.
Les syndicats ont-ils un effet différencié sur les salaires des hommes et des femmes?
Cet article propose un survol de la littérature théorique et empirique relative à l’effet des syndicats sur les salaires des femmes et l’écart salarial entre les genres. La couverture syndicale peut avoir un effet sur l’écart de salaire entre les hommes et les femmes si d’une part, les primes syndicales diffèrent selon le genre des salariés, toutes choses égales par ailleurs, et si, d’autre part, les hommes et les femmes sont inégalement répartis dans les activités où les primes syndicales sont les plus élevées. Les travaux empiriques montrent que les primes syndicales sont plus élevées pour les femmes. Toutefois, l’effet salarial des syndicats est plus important dans les emplois où les femmes sont moins concentrées.
56 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Pascale
PETIT
Les syndicats ont-ils
un effet différencié sur
les salaires des hommes
et des femmes ?
“The pressure of male trade unions appears to be largely responsible for that crow-
ding of women into a comparatively few occupations, which is universally recogni-
sed as a main factor in the depression of their wages” Edgeworth [1922].
L es inégalités salariales entre les hommes
et les femmes constituent un phénomène complexe et persis-
tant dans la plupart des pays de l’OCDE. Au cours des der-
Revue française d'économie, n° 4/vol XXI72 Pascale Petit
nières décennies, la participation des femmes au marché du tra-
vail s’est accrue ; parallèlement, leurs qualifications ont aug-
menté. Pourtant, les salaires qu’elles perçoivent demeurent en
moyenne inférieurs à ceux des hommes. Par exemple, en 1998,
le ratio des salaires horaires moyens des femmes sur ceux des
hommes était de 75 % au Royaume-Uni, 78 % aux Etats-
Unis, 81 % au Canada et 89 % en France (OCDE [2002]).
De nombreux travaux se sont intéressés aux détermi-
nants des inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Un
grand nombre examinent dans quelle mesure ces écarts salariaux
résultent de différences de caractéristiques entre les hommes et
les femmes (Cain [1986]). Il apparaît ainsi qu’en moyenne les
hommes et les femmes n’ont pas les mêmes caractéristiques indi-
viduelles ; en particulier, les femmes ont en moyenne une expé-
rience professionnelle plus faible que les hommes, car elles
connaissent des interruptions de carrière plus longues et plus
fréquentes que les hommes et un taux de chômage plus élevé. En
outre, les hommes et les femmes ne sont concentrés ni sur les
mêmes emplois, ni dans les mêmes types d’entreprises, ni dans
les mêmes secteurs d’activité. Notamment, les femmes sont nom-
breuses à occuper des postes d’employés, alors que les hommes
sont plus concentrés sur les emplois d’ouvriers ; les hommes
sont également plus nombreux parmi les cadres, catégorie pro-
fessionnelle la mieux rémunérée. Les femmes sont moins concen-
trées que les hommes dans les établissements de grande taille, plus
rémunérateurs.
La prise en compte de ces différences de caractéristiques
laisse toutefois inexpliquée une part substantielle de l’écart de
salaire entre les hommes et les femmes. Deux principaux facteurs
explicatifs complémentaires ont été avancés dans la littérature.
D’une part, une partie des écarts salariaux entre les hommes et
les femmes est attribuée à des différences inobservables de pro-
ductivité ; ces différences peuvent notamment être mises en rela-
tion avec l’inégal partage des tâches domestiques au sein du
ménage. D’autre part, les inégalités salariales entre les hommes
et les femmes peuvent en partie être liées à l’existence d’une dis-
crimination à l’encontre des femmes sur le marché du travail. Selon
Revue française d'économie, n° 4/vol XXIPascale Petit 73
Heckman [1998], une situation de discrimination apparaît
lorsque les entreprises ne réservent pas les mêmes attributs (accès
à l’emploi, à la formation, aux promotions, niveau des salaires,
etc.) à des salariés pourvus de caractéristiques productives par-
faitement identiques et d’une caractéristique non productive,
telle que le genre, différente. Plusieurs théories de la discrimination
ont été développées à la suite des travaux de Becker [1957].
Parmi les plus convaincantes figure la discrimination statistique
fondée sur l’observation imparfaite d’éventuelles interruptions de
carrière à venir. Anticipant qu’une femme a plus de risques d’in-
terrompre sa carrière qu’un homme, du fait notamment de la
maternité, l’employeur investira moins dans le capital humain spé-
cifique d’une femme, toutes choses égales par ailleurs. Par suite,
cette dernière ne sera pas en mesure d’occuper un poste forte-
ment rémunéré (Sofer [1985], Lazear et Rosen [1990], Barron
et al. [1993]). De plus, l’existence d’une discrimination réelle ou
supposée peut réduire l’incitation des femmes à investir dans
leur capital humain et, par suite, creuser l’écart de salaire entre
les genres (Havet et Sofer [2003]).
Un autre facteur explicatif, beaucoup moins étudié que
les précédents, pourrait être lié à l’influence de la couverture
syndicale sur les salaires des hommes et des femmes. Une impor-
tante littérature a examiné l’effet salarial des syndicats (Freeman
et Medoff [1984]) ; en particulier, de nombreux travaux empi-
riques se sont attachés à estimer la prime syndicale, c'est-à-dire
le supplément de salaire que procure le seul fait d’être couvert
par un syndicat, toutes choses égales par ailleurs. La prime syn-
dicale, obtenue par le syndicat lors de la négociation avec l’em-
ployeur, apparaît fortement liée aux caractéristiques des salariés
couverts : elle est plus élevée pour les travailleurs manuels, sur
le bas de la distribution des salaires ; elle est faible, voire nulle
ou négative, pour les travailleurs non manuels, sur le haut de la
distribution des salaires. Comme les hommes et les femmes sont
inégalement répartis dans les emplois, la couverture syndicale peut
avoir un effet sur les écarts salariaux entre les genres. De plus,
rien n’indique a priori qu’à caractéristiques productives iden-
tiques, la prime syndicale soit la même pour les hommes et les
Revue française d'économie, n° 4/vol XXI74 Pascale Petit
femmes. Peu d’articles ont évalué l’effet de la couverture syndi-
cale sur les salaires féminins ; les études s’intéressant à l’effet des
syndicats sur l’écart salarial entre les genres sont encore plus
rares.
Cet article propose un survol de la littérature théorique
et empirique relative à l’effet différencié des syndicats sur les
salaires des hommes et des femmes. Les économistes ont cher-
ché à répondre à trois principales questions ; premièrement, les
primes syndicales diffèrent-elles selon le genre des salariés,
toutes choses étant égales par ailleurs ? Deuxièmement, les syn-
dicats sont-ils susceptibles de diminuer l’écart salarial entre les
hommes et les femmes ? Troisièmement, la couverture syndi-
cale réduit-elle la discrimination salariale à l’encontre des
femmes ?
Dans la première section de cet article, nous présentons
les effets théoriques des syndicats sur les salaires des hommes et
des femmes. Dans la deuxième section, nous examinons les prin-
cipales méthodes d’estimation de la prime syndicale des hommes
et des femmes et de l’effet de la couverture syndicale sur l’écart
salarial entre les genres et la discrimination salariale. Nous indi-
quons notamment les difficultés liées à ce type d’analyse et dis-
cutons les méthodes qui ont été proposées. Enfin, dans la troi-
sième section, nous présentons les principaux résultats empiriques
obtenus.
Effets théoriques des syndicats sur les
salaires des hommes et des femmes,
l’écart salarial et la discrimination
salariale
Les syndicats sont susceptibles d’influencer le niveau des salaires
lorsque les entreprises avec lesquelles ils négocient sont en situa-
Revue française d'économie, n° 4/vol XXIPascale Petit 75
tion de concurrence imparfaite sur le marché des biens et déga-
gent des profits. L’importance relative de la rente obtenue par les
syndicats lors de la négociation salariale dépend alors positive-
ment du pouvoir de négociation que leur confèrent l’adhésion
des salariés ou la législation (Booth [1995]). Si les syndicats ont
la capacité d’influer sur les salaires, ils peuvent avoir un effet dif-
férent pour les hommes et les femmes.
En théorie, les syndicats peuvent avoir un effet différen-
cié sur les salaires des hommes et des femmes via deux canaux :
premièrement, à travers un effet indirect lié à la poursuite de leurs
objectifs « traditionnels » et deuxièmement, à travers un effet direct
lié à un objectif spécifique d’égalité professionnelle entre les
genres.
Effets indirects de la politique salariale des syndicats
Trois aspects de la politique salariale des syndicats, en dehors de
tout objectif spécifique d’égalité professionnelle entre les genres,
pourraient contribuer à un effet différencié des syndicats sur les
salaires des hommes et des femmes. Tout d’abord, selon l’argu-
ment de Bertola et a

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